ELIAS
Mon quartier se trouvait à vingt minutes de l'église et de mon bureau. Je me décidai à acheter une voiture d'occasion. Prendre le bus pour me rendre à Glasgow et emprunter la voiture du père Nicklaus pour me déplacer n'était plus possible. Je posai les clés de mon véhicule sur la table de la cuisine et sortis du frigidaire le reste de mon repas de midi pour le réchauffer. Je n'avais rien changé à l'intérieur de la maison, elle était restée telle que je l'avais laissée avant mon départ pour Édimbourg. La machine à laver ne fonctionnait plus et je ne l'avais pas remplacée, je nettoyais mes vêtements à la laverie.
J'avais quand même changé de chambre. Celle qui avait une vue sur le lac, même de loin, valait mieux que celle sur la fenêtre d'en face.
Si ma demande de prêtre missionnaire était validée par l'évêché, j'avais décidé de la vendre à un prix raisonnable. Il était inutile de garder un bien à l'abandon auquel je ne tenais pas particulièrement. C'était la meilleure solution. Cet endroit m'inspirait plus de mauvais souvenirs que de bons.
Le père Nicklaus avait tiqué, quand je lui annonçai que je resterais chez moi. Il n'insista pas, mais je voyais bien qu'il n'était pas d'accord avec ma décision. Normalement, j'étais obligé de m'installer au presbytère.
J'avais appris au séminaire que le superflu n'était pas nécessaire, mais j'aimais bien m'arrêter devant les vitrines des magasins pour hommes. En partant de chez mon oncle Declan, j'avais pris très peu de choses avec moi. Les sœurs m'avaient donné quelques habits récupérés dans un centre de Caritas. En arrivant à l'université, je m'étais rhabillé de neuf. Ma mère était ce qu'elle était, mais ne m'avait jamais restreint sur le choix de mes vêtements, sauf pour assister à la messe. Pas comme celle de Levy, qui l'accoutrait comme un épouvantail.
Quand je me regardais devant la glace, vêtu de mes éternels pantalons noirs et de mes chemises de même couleur, parfois, j'avais envie de me changer et d'enfiler un simple jean, un pull et me fondre dans la masse. Seul le col blanc autour de mon cou tranchait un peu. J'avais arrêté de couper moi-même mes cheveux à la tondeuse et j'étais allé chez le coiffeur. Je détestais passer des heures à tenter de discipliner mes mèches rebelles. J'optai pour une coupe plutôt classique, mais qui me permettait d'être toujours bien peigné sans perdre mon temps. Levy aussi avait changé de coiffure. C'était la première chose que j'avais remarquée. Maintenant, ses cheveux avaient une coupe courte, mais moderne avec une mèche qui retombait sur son front.
Levy... il avait tellement changé.
Ces neuf années l'avaient transformé en quelqu'un de différent en tous points. Le Levy d'aujourd'hui n'était plus un ado peureux et timide. Il dégageait une aura et une assurance que je lui enviais. Il semblait heureux, sûr de lui, mais il restait au fond de ses yeux bleus une vulnérabilité, que seule une personne l'ayant connu avant était capable de percevoir.
Nous avions fait tant de projets pour nos vies d'étudiants autrefois. Levy était un rêveur, mais il avait réussi.
Est-ce qu'il avait connu l'amour ? Avait-il pensé à moi autant que j'avais pensé à lui ? Peut-être même avait-il une amie... Allez savoir.
J'aurais aimé être son premier amour, parce qu'il avait été le mien. Le seul d'ailleurs. Malheureusement, je n'avais été pour lui qu'un dépravé. Je m'étais conduit comme un idiot, croyant qu'il accepterait plus qu'il n'était prêt à offrir, comprenant trop tard que mes penchants n'étaient pas forcément les siens. Bref, tout ceci était derrière moi, inutile d'y revenir.
Quoi qu'il arrive, j'étais homosexuel. Un mot maudit parmi tous au sein de l'Église. Oui, c'est ce que j'étais, un futur prêtre gay. Et je m'étais bien gardé d'en faire état. Je faisais partie de l'Église catholique romaine, dont la sentence serait sans appel et non de l'église d'Écosse, bien plus libre. Parce que peu importait ce que l'on faisait de sa vie, on restait toujours la même personne et rien ne pouvait changer ça. J'avais choisi le célibat et la chasteté, mes états d'âme sur le sujet n'avaient plus d'importance.
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Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir (DISPO SUR AMAZON)
DragosteL'Écosse n'était pas la destination rêvée d'Elias. Malheureusement, quand on a 15 ans, on n'a pas d'autre choix que de suivre ses parents. Il rencontre Levy, son voisin, un ado triste et renfermé. Une amitié inconditionnelle naît entre eux. Mais le...