Rififi chez les Vikings

Partie 15 : Le Palais Royal

Je franchis un porche monumental, au drapé tendu de velours grenat, ce qui donne une touche royale à la déco'. En revanche, la porte est étrange. En acajou massif, elle s'orne d'une inscription pour le moins inattendue, et sur laquelle on peut lire : « Buvez le Coca-Cola glacé ! » Aux dires de notre guide, cette porte fut offerte au souverain précédent par des Amérindiens à plumes, soucieux de remercier le Danemark et ses contrées nordiques de leur pleine implication  dans le succès planétaire de leur boisson par l'apport de leurs précieux glaçons ...

Le porche passé, c'est la salle du Trône. Imaginez un immense local de soixante-huit mètres sur trente-quatre, couvert de tapis et seulement meublé d'un trône gigantesque et de statues en tout genre. Quand je vous balance que le trône est gigantesque, ne croyez pas que j'en rajoute ! Pour vous situez les dimensions, laissez-moi vous dire qu'il comporte deux orques mâles grandeur nature en guise d'accoudoirs. C'est autre chose que de la poudre à perlimpinpin, croyez-moi ! Ces orques offrent la particularité d'être en ivoire et de posséder des dents en or. Le dossier du formidable siège représentant des vagues océanes déferlantes, est également en or incrusté de pierreries. Juste à côté, légèrement décalé sur la gauche, posé tel un sceptre divin je devine le légendaire Codex Runicus ! Himself ! Seul document runique subsistant depuis la nuit des temps : les autres écrits étant suspects d'abriter des formules magiques et diaboliques...

Les  sculptures disséminées dans la salle sont de véritables chefs d'œuvres. Certaines  magnifient les ancêtres Vikings dans leur culte d'une Déesse Mère, puis honorent la création d'un panthéon dédié aux grandes forces naturelles représentées par Odin, Thor, Jord, Frigg, Freyja, Freyr... et le grand arbre Yggdrasill. D'autres commémorent la fête des Bergers du Lézard (l'élevage du lézard bleu nordique (1) étant la seule industrie de la région !) et d'autres encore représentent des scènes folâtres telles que  « le Serpent des trois voraces » (2) ou  « L'enlèvement de plusieurs Pines par Pelotons » (3)

-       Assiyi-vous, invite le Godi. Sa Majesté Harald IerBlåtand « à la dent bleue » ni va pas tarder !

Nous décidons de rester debout (ça tombe bien, il n'y a rien pour s'assoir !) et en attendant la venue du roi, nous jetons un œil fasciné aux sculptures obsédantes. L'une d'elle attire particulièrement mon attention. C'est un mausolée  en marbre de Gruyère de couleur jaune. Il représente l'illustre Houk Kilami sodomisant un Grec vaincu à la fameuse bataille de Crados ! En bas-relief ses guerriers font des bras d'honneur au soldat grec humilié. L'œuvre est d'une force pénétrante !

-       Belle collection, hein ? exulte notre mentor. C'est li plus complète di tou li Nord di la terre di Père Noël !

-       Le Père Noël ? Encore un cureton, au pays des glaçons ? S'interroge  mon chevalier Rond (petit patapon)

-       Superbe en effet, admets-je.

-       Li clou di spectacle, poursuit notre aimable guide d'Afrique du Nord, ji crois qui c'est çui-là...

Il me montre un « Attention travaux ! » gravé sur une plaque de granit dans une langue familière. Très banal à première vue, je mesure l'extrême rareté et l'immense honneur de pouvoir le contempler d'aussi près, après que mon interlocuteur eut pris la peine de m'expliquer...

-       Il vient d'une route di Corse ! (mais c'est bien sûr...)

Puis, soudain, il se pétrifie. Dans les profondeurs du palais, un chant vient d'éclater. Un hymne lent et caverneux.  

-       Sa Majesté va apparaître, fait-il d'une voix recueillie (pour ne pas se perdre !)

(à suivre)                                                           

(1). Le lézard bleu nordique : pourquoi bleu ? Parce qu'il fait froid, pardi !

(2). clin d'œil au « Serment des Trois Horaces » : tableau somptueux pour nos lecteurs initiés !

(3). re-clin d'œil magnifique au chef d'œuvre de François Girardon (1628-1715) : « L'enlèvement de Proserpine par Pluton » qui est un groupe de  sculpture, conservé actuellement au Château de Versailles.  En 1674, le roi Louis XIV décida de commander un groupe sculpté en marbre, représentant l'enlèvement de Proserpine par Pluton. Par ses dimensions immenses, la réalisation de l'ensemble sculpté est une véritable prouesse technique. L'enlèvement de Proserpine est un des mythes les plus anciens des Grecs et des Romains. Il permet d'expliquer le cycle régulier des saisons. Dimensions : 287,5cm x 138cm x 146cm. Hauteur totale avec le socle : 5 mètres. Le socle de la statue est aussi à lui seul un chef d'œuvre.