Partie 29 : La décapitation de Lanceleau

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Les colosses aux torses ambrés s'emparent de nos personnes en deux temps trois mouvements.

Ils nous entrainent vers le fond de la salle de torture.

- Admirez la clémence de sa Majesté, poursuit le vieux Barbidule, on va seulement vous couper le coup. Il m'aurait appartenu de décider seul, je vous aurais arraché chaque parcelle de chair avec des tenailles rougies !

- Je reconnais bien là la mansuétude du Roi Harald 1er ,dis-je. Veuillez le remercier pour nous.

- Il en sera fait selon votre dernière volonté, déclare sans humour le Barbidur.

Il montre Lanceleau :

- Commencez par lui !

Il y a une véritable armée entre nous et la porte. Nous sommes vigoureusement maintenus par des athlètes du meurtre, et la décapitation est immédiate. C'est ce qu'un célèbre commentateur d'Ushuaïa appellerait une séquence sensation !

- On a pas le droit à un petit pousse caoua ? demande Lance' ; car moi avec vos conneries j'ai fait ceinture !

- Chez nous, ce n'est pas la coutume ! répond le Barbouille.

Et puis v'là le vioc qui se met à trépigner et à gueuler en agitant du sceptre, comme quoi ses guerriers lambinent et que, si d'ici trois minutes nos deux tronches non pas roulé dans le salpêtre de la grotte, il y aura d'autres têtes qui tomberont. Pour lors, nos timbrés vikings se grouillent. On dégage un fort billot du magasin aux accessoires. Le bourreau (qui est également buraliste à Aalborg... d'où les timbres !) s'empare d'une hache beaucoup trop polie pour être honnête dont, par excès de précaution, il affûte encore le fil avec une pierre.

Le billot, que je vous le raconte, est vachement perfectionné. Il paraît que son inventeur l'a fait breveter et qu'il va l'exposer l'an prochain au concours « tranche de vie » c'est vous dire ! Il est très large de diamètre et comporte deux petites anses de part et d'autre de sa tranche (c'est marrant pour un billot d'avoir une tranche, quand on y réfléchit !) Ses anses sont munies de sangles en cuir auxquelles on attache les poignets du supplicié. De ce fait, le condamné est forcé d'étreindre le billot et d'avoir sa tête sur la partie plane. Astucieux, non ? Le buraliste (qui est également bourreau à Aalborg) peut prendre alors tout son temps pour assurer son coup de hachoir.

Les horribles commandos BJÉ forcent Lance' à s'agenouiller. Le chevalier de Rhodes essaie bien de se dégager, mais il se soumet à la loi du nombre.

- Salut, Emile ! me lance-t-il d'une voix aussi calme que celle qu'il prend pour me dire bonsoir.

Fallait bien un jour qu'on tombe sur un os. Et pis comme disait feu mon oncle Rodègue Heulass : 

« Que ça soit pour une chaude-pisse ou une première communion, y'a toujours un cierge qui coule, pas vrai ? » Tchao Lance' ! Je t'en fais mettre une au frais en arrivant.

Et là-dessus, le cher, le bon, le brave Lanceleau encercle le billot et y dépose sa trogne vignifiée au gros rouge.

Mon regard est aveuglé par les larmes. Tout se brouille, de mes œufs (1) à ma tête... Et tout est de ma faute, car j'aurais pu refuser la mission de l'abbé Flatulon... Ma couille droite va trépasser dans quelques secondes et je ne peux rien faire hormis m'infliger un coup de pied occulte !

C'est épouvantable... Lance,' les poignets liés, par ces sauvages... il a la bouille sur le rude bois. C'est du tek !

L' affreux Danois préposé (aux timbres !) à la sentence, assure le manche de la hache dans ses monstrueuses mains assassines. Doucement, avec d'infinies précaution, il met le tranchant de l'arme sur le bout du coup de mon chevalier.

J'ai la tête qui me tourne, mes amis. Je vois la terrible lame se soulever lentement bien perpendiculaire à sa cible. Le visage du bourreau est rude et hermétique (on joue à bourreau fermé !)

Une fois à la verticale de l'homme, la hache reste en suspens. Et puis il y a un sifflement dominé par un hurlement de kamikaze (comme dans la pub du sirop des Vosges !) Un choc sourd, vibrant. Les larmes brouillant ma vue tombent...

(à suivre)


(1). Les œufs brouillés moelleux et crémeux peuvent se déguster seuls comme repas rapide, ou encore être servis avec des rôties, des fruits et du jus d'orange pour un déjeuner complet. Vous pouvez ajouter vos ingrédients préférés à vos œufs brouillés cuits à la poêle, par exemple du fromage, de la salsa, des légumes ou de fines herbes. Mais vous comprendrez qu'ici je ne souhaite pas particulièrement agrémenté ce bref instant...

Rififi chez les VikingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant