Partie 16 : L'entrée du Roi !

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Le Godi se dresse et nous l'imitons. Il est tourné vers la porte du fond, à double battants dont chacun est orné d'une roue de chariote runique glorifiant la qualité des pneumatiques Firestone (ah, ces  Amérindiens !)

Deux blondinets molosses et moustachus qui seraient entièrement nus s'ils ne portaient l'un et l'autre un bracelet de cuir, apparaissent et ouvrent la lourde en grand. Le chant se fait plus présent. Du fond d'une large galerie, nous voyons surgir un étrange cortège. Une vingtaine de gars habillés en vaðmál et fausse fourrure (1) avancent à genoux, en psalmodiant le chant sacré de la cour dont le titre est : « Si tu la peignais en bleu, on la prendrait pour un lézard ! »

Derrière ce cortège de tout poil et de choriste, marche un groupe de jeunes filles vêtues de bleu turquoise (couleur du lézard nordique, si t'as pas oublié !) mais très légèrement puisque aussi bien elles ont le poitrail dénudé. Ce sont « les Bonnasses du Palais » réservées depuis leur plus jeune âge au Souverain « à la dent bleue » et entièrement élevées à la farine de seigle, de graines de lin jaune et de malt d'orge torréfié.

 Ensuite une cohorte de guerriers du Royal Médokk se coltinent une espèce de litière voilée. Un vieillard chenu habillé jusqu'au nombril de sa barbe blanche, marche à côté de ladite litière en portant une sorte de sceptre Olympique de Rhum (venu tout droit des Antilles, et non pas du centre-ouest de la péninsule italienne !)

Le sceptre, variété de « Bwa karé (2) » est une pure merveille d'orfèvrerie puisqu'il représente précisément les trois orfèvres de la chanson célébrant « Ronm Vièy (3) » dont le titre laisse songeur : « Out canard lé noir ! (4) ». L'orfèvre du bas  glorifie la Mal-aryèr (5) de la bonne du Vièy, l'orfèvre intermédiaire occupe la bouche de la bonne du Vièy, quand au troisième, espèce de glorieux Charlemagne (le Vièy en question !) qui domine la pyramide d'or et de rubis, il exhibe délibérément ses attributs masculins et l'on peut lire, gravé en demi-cercle, la devise de nos terribles Vikings qui est , je vous le rappelle pour le cas où vous l'auriez oublié : 

« Fume ça, c'est du belge ! »(6) 

Lanceleau, médusé tel un Géricault (7), se penche sur la margelle de mon oreille et me lance :

- Tu parles d'une entrée, mon pote ! C'est un vrai Comte d'Emile en une nuit, c'te Roi !

Les poilus se relèvent et se taisent. Les Bonnasses s'écartent. Les porteurs amènent la litière sur le milieu du trône et le vieillard porteur de sceptre annonce d'une voix perçante :

-       Sa Gracieuse Majesté, le Roi Harald Ier Blåtand « à la dent bleue » Empereur des lacs gelés ! Gardien du bâton d'Esquimau ! Souverain de toutes les Mères du Grand Ch' Nord ! Amiral de la Flotte à moins six degrés ! Général en chef désarmé ! Commandeur de l'Ordre du Lézard ! Chevalier de la Fraise Danoise ! Membre d'honneur de Lac à demi-français ! (8)  Grand Piriri des Matins Frileux ! (9)   

Et tous les suivants, toutes les suivantes de hurler en un seul cri retentissant, puis de répondre :

-       Oussa y lé l'Harald ????... Lé Lààààààààà... Rald !!!!!!!!!!!!!!!!!

Un peu comme au palais des sports lorsqu'on présente les adversaires.

Notre mentor incline la tête. Nous l'imitons, vu que nous ignorons tout du protocole Viking et que nous préférons aligner notre comportement sur le sien.

Le vieillard au sceptre du « Ronm Vièy » crie alors :

-       Out Vièy Mémé ! Gloire à notre Roi Tafyaté (10) bien-aimé !

Et tous reprennent :

-       Out Vièy Mémé ! Gloire à notre Roi Tafyaté bien-aimé !!!!!!!!!

(à suivre)

(1). Tissu filé à la maison produit par la toison des moutons. Habillant toute la population, utilisé pour la literie, tapisseries, bagages, cadeau pour les rois, de monnaie d'échange et surtout pour les voiles des bateaux vikings. Sans exagérer, les voyages des Vikings n'ont été possibles que grâce aux voiles tissées par les femmes. Les femmes inventèrent également une nouvelle forme de tissu (la fausse fourrure) tirées directement de la toison sans être traitées et placées régulièrement dans le tissu pendant le tissage, donnant l'aspect du pelage. Cela permettait de répondre au goût de luxe de l'époque où les hommes aimaient porter la fourrure alors que l'Islande était dépourvue de faune.

(2). Gros bâton solide.

(3). Rhum vieux.

(4). Ton canard est noir ! L'expression créole réunionnaise (Kréol rényoné) indique qu'une personne est dans une mauvaise position. Être dans de sales draps !

 (5). Bonda, Tjou, Ki,  Laryèrtrin, Déryèr, Ponm-Fès... ou le fion, selon l'origine du lecteur, en fait !

(6). L'arrière grand-père d'Harald 1er était Congolais ! Et le Congo fut belge...

(7). Clin d'œil au « Radeau de La Méduse » qui est une peinture à l'huile sur toile, réalisée entre 1818 et 1819 par le peintre français Théodore Géricault (1791-1824). Ce tableau, représente un épisode tragique de l'histoire de la marine française : le naufrage de la frégate Méduse, qui s'échoue au large des côtes de l'actuelle Mauritanie, le 2 juillet 1816. Au moins 147 personnes se maintiennent à la surface de l'eau sur un radeau de fortune et seuls douze survivront après avoir enduré la faim, la déshydratation, la folie et même le cannibalisme... 

(8).  Ici, le Lac Léman d'origine glaciaire situé entre la France et la Suisse (et donc à moitié français) ainsi qu'à notre chère Académie Française (Lac-à-demi -français)

(9). Oiseau du matin, qui chante le premier en Martinique.

 (10). Ta vieille grand-mère ! Gloire à notre Roi bon buveur bien aimé ! (créole martiniquais)

Rififi chez les VikingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant