Prologue

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Les brumes de sable s'élevaient haut dans le ciel, chassées par un vent lourd de poussière et de désespoir. La guerre avait ravagé Zhéhar. Ses dunes dorées, autrefois majestueuses, étaient désormais parsemées de corps éteints, de cris muets, et de blessures invisibles qui marquaient le cœur de ses survivants. Le sol, taché de sang, portait la mémoire de chaque âme fauchée. Les étoiles, témoins silencieuses, brillaient faiblement, écrasées sous le poids de la tragédie.

Zéphyr, à peine dix-huit ans, se tenait dans l'obscurité du sous-sol du palais, un lieu caché, épargné des flammes destructrices qui avaient dévoré les étages supérieurs. Là, son père, le roi Faghar, gisait à terre, le souffle court, la peau pâle, témoin d'une vie sur le point de s'éteindre. Le regard du roi, jadis aussi puissant que les cieux eux-mêmes, était maintenant voilé par la douleur.

- Père.....murmura Zéphyr, sentant l'étreinte glacée de la mort se rapprocher, inexorable.

- Mon fils... La voix de Faghar était faible, presque inaudible sous le poids des murs écrasants du silence et de la poussière qui enveloppait l'instant. Chaque mot était une lutte, une bataille qu'il menait contre l'ombre rampante de la fin.

- Ne parle plus, père. Tu dois te reposer... répondit le jeune prince, la gorge nouée par l'émotion. Mais il savait. Il savait que chaque instant le rapprochait d'un destin tragique et inévitable.

- Mon fils... La main tremblante du roi chercha celle de son fils, comme pour lui transmettre un fardeau millénaire, une guerre qu'il ne pourrait porter seul. Un dernier souffle traversa ses lèvres, une prière silencieuse, un espoir. Puis il rendit l'âme, laissant Zéphyr seul dans l'immensité de son chagrin.

Le monde sembla se figer autour de lui, tandis qu'une rage sourde s'insinuait en lui, gravant dans son âme une promesse de vengeance. Ses mains, tremblantes, se posèrent doucement sur le corps froid de son père. Il n'avait plus de famille. Plus personne à protéger, à chérir. Rien qu'une vengeance à accomplir.

Dans l'air lourd du désert, une promesse naquit : il vengerait ce sang versé.

La mort dans l'âme, Zéphyr se redressa, ses yeux brûlants d'une détermination nouvelle. Il n'était plus seulement Zéphyr, fils du roi Faghar. Il était désormais le roi, un roi brisé, mais résolu. La liberté de son peuple serait sa seule lumière dans cette nuit interminable.

À l'extérieur, il trouva les soldats survivants. Certains étaient blessés, d'autres agenouillés, pleurant la perte de leurs proches. Un silence pesant planait sur eux, entrecoupé des plaintes et des gémissements des plus meurtris.

- Votre altesse ! cria un des soldats, ses yeux pleins de désespoir lorsqu'il vit Zéphyr émerger des ténèbres.

- Et le roi ? demanda un autre, avec une lueur d'espoir qui vacillait comme une bougie dans une tempête.

Le visage fermé de Zéphyr répondit pour lui. Les soldats baissèrent la tête en signe de deuil, certains murmurant des prières silencieuses.

- Allah y rahimah... dit Amir, le fidèle conseiller du défunt roi, blessé à la jambe. Son regard se posa sur Zéphyr, désormais investi de la lourde responsabilité de guider ce qui restait de Zhéhar. Zéphyr hocha la tête, tentant de masquer la douleur qui rongeait son cœur. L'instant semblait figé, comme si le monde entier retenait son souffle, attendant la prochaine décision du jeune roi. Chaque soldat posait sur lui des yeux emplis de confiance et de résignation.

- Le pays repose sur vous maintenant, Votre Majesté. Vous êtes notre dernier espoir, notre seul roi désormais, murmura Naël, un vétéran qui avait servi sous Faghar depuis des décennies, les traits marqués par les batailles.

Zéphyr expira lourdement, le regard tourné vers l'horizon embrumé par la poussière des décombres. Le poids de ces mots s'abattit sur lui, mais au fond de son âme, une flamme nouvelle s'était allumée. Elle brûlait d'une rage pure, inextinguible, celle d'un fils, d'un roi, d'un homme en quête de justice.

- Nous ne sommes qu'une cinquantaine... et ils sont des centaines.

Rayan, un jeune soldat à peine plus vieux que lui, observait la scène avec une nervosité palpable.

- Comment allons-nous les affronter ? Demanda t'il.

Zéphyr releva les yeux, ses traits se durcissant. Ce n'était plus le jeune homme hésitant qui se tenait là, mais un roi prêt à affronter la tempête.

- Nous n'allons pas les affronter. Pas encore. Nous allons nous replier, trouver refuge dans la maison de mon père, derrière les montagnes. À l'aube, nous organiserons une attaque surprise. Nous n'avons pas besoin de leur nombre. Il nous faut seulement notre stratégie.

Les soldats hochèrent la tête, l'espoir revenant doucement dans leurs cœurs. Une lueur s'alluma dans leurs yeux, alimentée par la force de leur nouveau roi. Il n'avait que dix-huit ans, mais Zéphyr portait déjà la sagesse d'un homme qui avait vu trop de morts, trop de douleur. Sa jeunesse, brisée par la guerre, ne lui laisserait jamais de répit.

Ils se mirent en marche, en silence, chacun portant son fardeau avec une dignité silencieuse. Le chemin était long et semé d'embûches. Zéphyr marchait à l'avant, son regard perçant fixé sur l'horizon, cherchant à deviner la prochaine embuscade, la prochaine épreuve.

Le vent se levait, emportant avec lui les murmures des morts, les cris silencieux des femmes et des enfants qui avaient péri dans les flammes. Zéphyr sentait leur présence, pesante sur ses épaules. Chaque pas qu'il faisait semblait plus lourd que le précédent, comme si la terre elle-même luttait pour l'empêcher d'avancer.

Au fur et à mesure qu'ils approchaient des montagnes, la fatigue se faisait sentir. Les soldats étaient exténués, mais personne ne se plaignait. Ils savaient que leur survie dépendait de cette marche. Zéphyr, quant à lui, pensait déjà à l'avenir, à la manière dont il allait restaurer l'honneur de son royaume, et surtout, venger la mort de sa famille.

Ils atteignirent enfin la maison. Cachée derrière des falaises imposantes, elle était presque invisible pour quiconque n'en connaissait pas l'existence. Une bâtisse modeste mais robuste, érigée par son père pour des moments comme celui-ci, un dernier bastion dans la tempête.

À l'intérieur, les hommes s'effondrèrent, épuisés, mais reconnaissants d'avoir trouvé un abri. Zéphyr, quant à lui, ne pouvait se reposer. Son esprit était en ébullition. Assis près d'une fenêtre, il fixait les dunes au loin, perdu dans ses pensées. La vengeance qui grandissait en lui n'avait rien de doux. Elle était cruelle, brutale, prête à tout balayer sur son passage.

- Mon roi, Amir, le vieux conseiller, s'approcha doucement de lui. Vous devez vous reposer. Le peuple de Zhéhar a besoin d'un roi en pleine forme.

Zéphyr tourna lentement la tête vers lui.

- Comment puis-je me reposer, Amir ? Comment puis-je dormir alors que mon père est mort, ma famille décimée, et que notre peuple souffre chaque jour sous le joug de ces tyrans ?

Amir baissa les yeux. Il comprenait trop bien ce que ressentait Zéphyr.

- Votre colère est juste, mon roi. Mais une tête froide et des décisions réfléchies sont les seules armes qui peuvent nous mener à la victoire.

Zéphyr détourna le regard, sa mâchoire serrée.

- Demain à l'aube, nous frapperons. Nous ne les laisserons pas s'en tirer. Je vengerai mon père, je vengerai Zhéhar.

Le silence qui suivit était lourd, presque étouffant. Amir hocha la tête lentement avant de se retirer, laissant Zéphyr seul avec ses pensées.

La lune montait haut dans le ciel, inondant la pièce d'une lumière pâle et spectrale. Zéphyr, assis, sentait son cœur battre de plus en plus fort, comme si la rage brûlait dans ses veines. Son père n'était plus là pour le guider, et la guerre avait pris tout ce qu'il aimait. Il n'était plus seulement un prince. Il était devenu le roi, et il n'avait d'autre choix que de se battre pour ce qu'il lui restait : l'honneur de Zhéhar.

Demain, le sable serait teinté de rouge, mais cette fois-ci, ce serait celui de ses ennemis.

*

Allah y rahimah  : Que Dieu bénisse son âme.

Sous les cieux du désert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant