Après plusieurs bouchées, sa curiosité reprit le dessus, et elle lança un regard hésitant vers Salima, toujours debout près du lit, observant discrètement ses réactions.- Dites-moi, murmura Arianna en déposant son pain, est-ce que... le roi traite ainsi tous ses prisonniers ? lui demanda-t-elle, ses mots teintés d'une ironie douce-amère.
Salima détourna légèrement le regard, un sourire embarrassé aux lèvres, comme si elle hésitait à répondre. Ses joues prirent une teinte rosée, trahissant un amusement sincère mêlé à une pointe d'étonnement.
- Eh bien... Justement... non, répondit-elle en choisissant soigneusement ses mots. La vérité, c'est que tout le monde ici a été choqué de cela.
Arianna sentit son cœur se serrer, mêlé de surprise et d'une pointe de satisfaction. Elle voulait en savoir plus, percer ce mystère qui entourait l'attitude du roi à son égard, mais elle craignait de paraître trop insistante. Pourtant, la curiosité la poussa à questionner davantage.
- Choqué ? murmura-t-elle. Pourquoi ça ? Je veux dire... c'est le roi, non ? Il peut faire ce qu'il veut.
Salima sembla peser ses mots avec soin avant de répondre, ses mains sagement croisées devant elle.
- Justement, répondit-elle en baissant un peu la voix, ici, tout le monde sait que le roi Zéphyr est... disons, très strict et exigeant. Les prisonniers ne reçoivent jamais un tel traitement. Ils sont en général... bien moins chanceux que vous, disons. Et cette chambre... normalement, elle n'est pas destinée aux invités de passage, encore moins à... Elle hésita, cherchant le mot juste. Enfin, aux "prisonniers".
Arianna fixa Salima avec des yeux écarquillés, ses doigts s'arrêtant au bord de l'assiette de "ful medames". L'étonnement se mêla d'une étrange impression d'incongruité.
- Alors pourquoi moi ? Pourquoi cette chambre ? demanda-t-elle, un léger tremblement dans la voix.
Salima haussa légèrement les épaules, le même sourire mystérieux sur les lèvres.
- Vous avez réussi à intriguer le roi, répondit-elle d'un ton bas, comme si elle-même avait du mal à croire ce qu'elle disait. Il n'est pas homme à exprimer ses pensées, mais on sent... une fascination chez lui. En tout cas, c'est ce que murmure le palais.
Arianna eut un léger frisson. Fascination ? Cette idée la plongea dans une confusion plus grande encore. Que pouvait-il bien y avoir en elle qui ait capté l'attention de cet homme ? Elle n'était qu'une simple touriste, arrachée à son quotidien par ce pays énigmatique et ses mystères profonds. Son esprit vagabondait déjà, construisant mille hypothèses pour expliquer son traitement, mais aucune ne semblait convaincante.
- Fascination... répéta-t-elle pour elle-même, essayant de comprendre la portée de ce mot dans la bouche de Salima.
Cette dernière se rapprocha doucement, posant une main réconfortante sur son épaule.
- Ne vous inquiétez pas, murmura-t-elle d'un ton rassurant. Vous êtes en sécurité ici, même si je comprends votre confusion. Le roi n'a jamais eu de geste déplacé envers qui que ce soit. Il peut être dur et impitoyable, mais... avec vous, quelque chose semble différent.
Avant qu'Arianna n'ait le temps de poser plus de questions, un discret coup retentit à la porte, attirant l'attention de Salima en particulier. Celle-ci se tourna, un peu hésitante, avant de revenir à Arianna avec un regard empli de douceur mêlée à un brin de nervosité.
- On vient de m'informer qu'il est temps pour vous de vous préparer, lui dit-elle d'un ton presque solennel. Le roi vous attend dans son bureau.
Un léger frisson parcourut Arianna, comme si la réalité de la situation venait de se décupler dans son esprit. Elle hocha lentement la tête, se levant avec une certaine appréhension. Le mystère de Zéphyr, ce roi insondable et distant, continuait de l'oppresser d'un voile d'incertitude. Pourtant, une part d'elle-même brûlait d'en savoir plus.
Salima, des minutes plus tard, l'aida à enfiler une robe légère aux teintes douces et pastel, bien loin des vêtements austères qu'elle avait portés à son arrivée. En ajustant les plis de la robe, elle lança un dernier regard rassurant à Arianna.
- Ne vous inquiétez pas, lui murmura-t-elle avec bienveillance. Vous êtes sous sa protection... c'est un privilège que peu connaissent ici.
Arianna hocha la tête, prenant une profonde inspiration pour calmer les battements erratiques de son cœur, et suivit la jeune servante jusqu'à la porte. Le palais s'étendait devant elle, grandiose et intimidant, chaque couloir bordé de piliers majestueux et de mosaïques d'une beauté presque irréelle. Les tapis aux motifs complexes sous leurs pieds adoucissaient leurs pas, tandis que le murmure de l'eau des fontaines environnantes ajoutait une note apaisante à cet environnement étouffant de mystère.
Arianna, guidée par Salima, traversait les vastes couloirs du palais, ses yeux s'émerveillant à chaque détail qu'ils rencontraient. Les murs étaient tapissés de fresques d'une élégance rare, racontant des récits d'anciennes conquêtes et de royaumes éphémères. Les fenêtres voilées de broderies délicates laissaient passer une lumière douce, tamisée, qui semblait danser sur les mosaïques au sol. Elle s'étonnait que même un lieu aussi grandiose puisse dégager une telle sérénité, comme si chaque espace était minutieusement conçu pour inspirer respect et recueillement. Elle en oublia presque, un instant, qu'elle était là en tant que prisonnière.
Pendant ce temps, dans son bureau baigné de pénombre et de lumière dorée, le roi Zéphyr réfléchissait, le regard plongé dans un parchemin, mais l'esprit ailleurs. Ses doigts pianotaient distraitement sur le bureau en bois sculpté.
La veille, il avait passé des heures à étudier les rapports détaillés qui avaient été rassemblés sur Arianna. Et ce qu'il avait découvert l'avait troublé. Il s'attendait à trouver quelque chose qui expliquerait l'étrange fascination qu'elle exerçait sur lui , un indice de son origine, une lignée cachée, un passé romanesque. Mais non, rien de tout cela.
Le rapport était d'une banalité presque déconcertante. Arianna n'était qu'une simple bibliothécaire, quelqu'un qui vivait en marge des grands événements du monde. Pas d'héritage royal, pas de secrets de famille soigneusement gardés, pas d'histoires extraordinaires. Elle avait grandi dans un orphelinat, fait des études artistiques, travaillé dans le silence des livres, loin des intrigues de palais et des jeux de pouvoir. Tout cela éveillait en lui un sentiment étrange. Comment une femme d'apparence si ordinaire pouvait-elle provoquer en lui une telle curiosité, un tel besoin de la garder près de lui, alors que tant d'autres s'étaient effacés sans laisser de trace ?
Son regard se durcit un instant. Il savait que, selon la logique, il aurait dû la relâcher, la laisser reprendre sa vie insignifiante, sans qu'elle devienne un fardeau pour son esprit. Mais une part de lui-même refusait cette idée. Arianna représentait pour lui quelque chose d'indéfinissable, un mystère qu'il ne voulait pas encore résoudre. Peut-être craignait-il qu'une fois percé, l'intérêt s'évapore.
Zéphyr se redressa, le visage pensif. Il imaginait déjà mille prétextes pour justifier sa présence prolongée au palais. Peut-être pourrait-il arguer qu'il avait besoin d'elle pour un conseil, ou pour une étude qu'elle seule, en tant que bibliothécaire, saurait mener. Il n'était pas du genre à manipuler les autres, mais cette fois, il sentait que la frontière entre son devoir et ses désirs se brouillait.
À cet instant, un serviteur s'approcha pour l'informer que la jeune femme était en route. Zéphyr hocha la tête, dissimulant avec soin son impatience derrière un masque de neutralité. Il se redressa, ajustant sa tenue, puis se tourna vers la grande fenêtre qui donnait sur les jardins. Il resta là, dos à la porte, perdu dans une réflexion silencieuse, attendant qu'elle franchisse le seuil pour enfin la revoir , comme un jeu dans lequel il dictait les règles, mais dont elle semblait, contre toute attente, posséder le mystère.
Quand la porte s'ouvrit enfin, le souffle léger de Salima, suivi des pas feutrés d'Arianna, pénétra dans la pièce. Zéphyr, sans se retourner, ressentit chaque mouvement, chaque souffle comme une onde qui le ramenait à cet inexplicable sentiment qui le tourmentait depuis leur première rencontre.
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Sous les cieux du désert
RomanceArianna Calico, écorchée par un passé dur comme le fer, trouve refuge dans les pages silencieuses d'une bibliothèque, son seul sanctuaire. Chaque livre est un souffle qui calme ses blessures invisibles. Zéphyr Al Eydhar, cheick redouté, forge des lé...