Chapitre 1

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Quinze années s'étaient écoulées, laissant Arianna comme une silhouette fragile dans le vaste théâtre du monde, ses parents emportés par un accident tragique qui avait brisé le fil de sa vie. Ce matin-là, comme tant d'autres, elle avançait lentement vers leurs tombes, un bouquet de fleurs serré dans ses mains, le vent jouant dans ses cheveux sombres comme une caresse oubliée.

Le cœur lourd, elle déposa les fleurs, chacune d'elles comme une offrande silencieuse à ces âmes perdues. Une larme solitaire roula sur sa joue, brillante sous la lumière du jour, un éclat d'émotion dans une mer de solitude. Seule. Elle l'avait toujours été, depuis ses dix ans, livrée à elle-même dans un orphelinat qui n'avait jamais su lui offrir l'amour d'une nouvelle famille.

Arianna, belle dans sa détresse, avec sa peau laiteuse qui semblait ne jamais avoir été touchée par le soleil, ses yeux couleur miel profond qui racontaient des histoires de tristesse, et ses lèvres rouges, naturellement pulpeuses, renfermaient plus de douleur que d'émotion visible. Elle était une jeune femme de vingt-cinq ans dont la beauté n'avait d'égal que le silence pesant de sa solitude. Un fantôme, disaient-ils, une âme effacée du monde. Elle était si belle, et pourtant si seule, enfermée dans cette bulle de tristesse.

Chaque jour, elle rentrait dans ce petit appartement modeste, son refuge, où les murs peints de blanc étaient ornés de ses créations artistiques cachées aux yeux du monde. Une passion secrète qui, tout comme elle, se fanait dans l'ombre. Là, elle passait ses soirées à regarder les nouvelles, à contempler le monde sans jamais oser y plonger. Ce soir, la vente aux enchères dont parlait le présentateur attira brièvement son attention.

« Le cheick de Zhéhar... 15 milliards de dollars donnés pour les orphelinats », dit la voix à la télévision. Ces mots résonnèrent en elle comme une vague de souvenirs amers. L'orphelinat, ce lieu où elle avait été rejetée, où chaque espoir de trouver une famille s'était éteint comme une flamme vacillante.

Un pincement au cœur l'envahit. Elle se revoyait, enfant, isolée, délaissée par tous, à écouter les rires joyeux des autres enfants pendant Noël, alors qu'elle restait enfermée dans sa chambre, spectatrice de leur bonheur. Chaque couple qui entrait dans cet orphelinat semblait la voir comme une erreur. La haine des autres était devenue sa compagne silencieuse, et elle se demandait encore pourquoi personne ne l'avait choisie. Était-elle maudite, condamnée à vivre dans ce perpétuel état d'abandon ?

Le lendemain matin, Arianna se leva, les yeux fatigués de tant de larmes retenues. L'hiver approchait, et avec lui, la solitude semblait se glacer dans ses veines. Elle regarda son reflet dans le miroir, cette image d'elle-même qui lui renvoyait un visage qu'elle ne reconnaissait pas. Belle, pourtant elle se sentait insignifiante. Ses longs cheveux noirs, aujourd'hui attachés en un chignon sévère, ne parvenaient à adoucir ses traits fermés. Elle noua les lacets de ses chaussures en soupirant, prête à affronter une nouvelle journée sans éclat.

À la bibliothèque où elle travaillait, elle glissait entre les rangées de livres comme un souffle, ses pas si légers que personne ne les entendait. Les clients la surnommaient « le fantôme », comme s'ils ignoraient que sous cette apparence discrète se trouvait une femme de chair et de sang, une âme bouillonnante d'émotions réprimées.

Pourtant, sa beauté attirait inévitablement les regards. Certains, malgré tout, ne pouvaient s'empêcher de remarquer cette peau laiteuse, ses lèvres rouges et pulpeuses, ses yeux qui semblaient contenir mille histoires. Mais Arianna ne s'en apercevait pas, habituée à être invisible, rejetée par ce monde qui ne voulait pas d'elle.

Elle errait dans cette existence avec une grâce silencieuse, espérant secrètement qu'un jour, quelqu'un la verrait. La vraie elle, cachée derrière ce masque de tristesse. Mais pour l'heure, elle continuait d'avancer, le cœur lourd, et la certitude que demain serait encore une journée comme les autres : terne, sans éclat, dénuée de chaleur et de lumière.

Sous les cieux du désert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant