Chapitre 2

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Arrivée devant l'immense bâtisse, Arianna sentit une vague de crainte sourdre en elle, mais, avec une détermination mesurée, elle la refoula. D'un pas léger, elle franchit le seuil en murmurant un « bonjour » presque imperceptible aux gardes de sécurité qui la surveillaient de leur œil impassible. La lourdeur de l'aube étendait encore son manteau d'ombre sur la ville, et il était si tôt que la probabilité de croiser une âme en ces lieux semblait infime. Cette pensée la réconforta ; la solitude, qu'elle chérissait presque malgré elle, l'enveloppait à nouveau.

Elle glissa silencieusement dans les couloirs, un spectre s'éclipsant dans les replis d'un espace où elle se fondait parfaitement. Son bureau se trouvait dans une pénombre tranquille, un recoin oublié du monde, isolé et protégé des regards curieux. Arianna appréciait cet isolement, cette douce ombre qui l'abritait. Le silence des murs la réconfortait plus que les voix bruyantes de ceux qui auraient pu se moquer d'elle ou la réduire à une entité insignifiante.

Elle poussa la porte de son sanctuaire, pénétrant cet espace avec une somptueuse crainte mêlée d'un étrange sentiment de possession. Elle posa son sac, usé mais fidèle, sur une chaise en bois au dossier courbé, son compagnon silencieux dans ce lieu où le temps semblait suspendu. Lentement, elle commença son rituel de travail. Elle arrangea les livres comme s'ils étaient des trésors précieux à réinstaller dans leur demeure sacrée. Les pages, qu'elle effleurait avec soin, lui semblaient presque vivantes, porteuses d'histoires plus vibrantes que sa propre existence.

La poussière, ancienne et omniprésente, voletait dans l'air à chaque mouvement, mais Arianna la chassait avec méthode. Elle aimait ces moments où elle dépoussiérait les recoins sombres, éclaircissant des parcelles oubliées. Les fleurs qu'elle apportait, petites touches de vie dans cette atmosphère feutrée, venaient colorer sa routine solitaire. Deux heures passèrent ainsi, comme dans un rêve doux-amer où elle sculptait l'espace de sa présence discrète.

Mais le silence fut interrompu par le craquement de la porte, et Arianna, en alerte, se redressa aussitôt. Une vieille femme, au visage marqué par l'âge mais illuminé d'une douceur presque surnaturelle, entra avec lenteur et détermination.

- Madame Béatrice, murmura-t-elle, le cœur battant plus vite, la gorge serrée d'un mélange de surprise et d'appréhension. Qu'est-ce que vous faites ici ?

- Ah, mon enfant, répondit l'ancienne avec un sourire doux et bienveillant, Je suis juste venue voir comment tu allais.

Béatrice, cette figure maternelle adorée par tous, était bien plus qu'une simple employée de la bibliothèque. Elle incarnait la sagesse et la bonté, celle qui offrait un sourire, un conseil ou une oreille attentive à qui le demandait. Ses pas, bien qu'hésitants sous le poids de l'âge, restaient empreints d'une dignité rare.

Arianna, mal à l'aise, s'empressa de répondre, ses mots se heurtant à son désir de ne pas se dévoiler :

- Mais vous n'auriez pas dû vous déranger, je vais très bien... vraiment.

Les mots, toutefois, semblaient vains. Béatrice, dans son regard tendre et empli de compassion, voyait au-delà des défenses fragiles de la jeune femme. Elle approcha, posant doucement une main parcheminée sur la joue d'Arianna, ses doigts légers comme une brise.

- Mon enfant, je te regarde chaque jour, et dans tes yeux je vois une tristesse infinie. Une ombre qui te consume lentement.

Ces paroles, prononcées avec une telle tendresse, frappèrent Arianna comme une lame fine et silencieuse. Elle n'avait jamais imaginé qu'on la percerait ainsi à jour. Une larme solitaire, imprévisible, échappa de ses yeux, roulant sur sa joue ronde avant que Béatrice, toujours maternelle, l'essuie délicatement.

Sous les cieux du désert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant