Chapitre 13

135 15 1
                                    




Après avoir quitté la chambre de la jeune femme, Zéphyr réprima ses émotions naissantes, rappelant à l'ordre son esprit pour se concentrer sur un sujet plus crucial : une réunion au sommet concernant les précieuses ressources pétrolières de Zhéhar. Il rejoignit les représentants de son conseil dans la salle du trône, où l'ambassadeur de l'État voisin d'Aykar , un pays aride mais stratégique à leurs frontières l'attendait.

Durant des heures, il écouta, impassible, les termes de l'accord que les Aykariens souhaitaient négocier, leur promesse d'acheminer les ressources à des conditions favorables en échange d'une concession de terrains. Cependant, Zéphyr était conscient que céder une partie de Zhéhar, même sous forme d'accord commercial, pourrait devenir une faiblesse exploitée. Tout en jaugeant les mots de l'ambassadeur, son esprit vagabondait, ramené sans cesse à la silhouette de la belle inconnue des jardins américains.

À la fin de la discussion, alors que la nuit s'étendait sur le désert, Zéphyr rejoignit ses appartements. Mais le silence du palais, d'habitude si apaisant, résonnait différemment cette nuit-là. Le visage de sa prisonnière s'imposait à lui, ses traits délicats comme une empreinte persistante gravée dans l'obscurité. Malgré lui, il se surprenait à vouloir entendre sa voix, à découvrir son histoire.

Sans plus résister, il se leva, traversant les couloirs plongés dans l'ombre jusqu'à l'aile est, là où elle reposait. Il entra discrètement dans la chambre, la faible lueur de la Lune baignant la pièce, caressant d'un éclat doux et argenté le visage d'Arianna. Zéphyr resta immobile, captif de cette vision angélique, comme un pèlerin devant une apparition sacrée.

Il observa les jeux de lumière sur ses paupières closes, ses lèvres délicatement entrouvertes, sa respiration calme qui soulevait son torse. Chaque détail semblait éveiller en lui un attachement inconnu, une curiosité ardente qu'il ne parvenait pas à apaiser. En cet instant, Zéphyr n'était plus le roi froid et distant de Zhéhar, mais un homme fasciné, ensorcelé par une étrangère venue de terres lointaines, une énigme que le destin semblait avoir posée sur son chemin.

Il s'éloigna finalement, dans un murmure à peine audible, sa voix empreinte d'une émotion qu'il n'aurait jamais cru ressentir. Puis, sans un bruit, il referma la porte derrière lui, laissant la jeune femme endormie, tout en sachant que cette nuit serait marquée par les reflets lunaires de son visage, gravés dans sa mémoire comme une douce malédiction.

*

Les premières lueurs de l'aube pénétrèrent doucement dans la chambre, filtrant à travers les rideaux de soie pour venir caresser le visage d'Arianna. Elle émergea lentement du sommeil, ses paupières se soulevant, encore alourdies par la fatigue et les brumes des émotions de la veille. Un léger mal de tête pulsa à ses tempes, un rappel de la tension de la nuit précédente, mais la douleur était douce, presque lointaine.

Lorsque ses yeux s'ouvrirent pleinement, la confusion l'envahit. Elle s'attendait à retrouver les murs de pierre froide de sa cellule, mais à la place, ses pupilles s'écarquillèrent face à un décor somptueux. Un lit à baldaquin en bois finement sculpté, des draperies d'un bleu profond bordées de broderies dorées, des tapis aux motifs orientaux qui recouvraient le sol. L'atmosphère était chaleureuse, empreinte d'un luxe qu'elle n'avait jamais imaginé toucher de près. Elle cligna des yeux, incrédule.

Son cœur rata un battement. Que faisait-elle ici, dans cette chambre qui semblait tirée d'un conte de fées ? Comment avait-elle quitté les ténèbres oppressantes du donjon pour se retrouver au cœur d'un lieu aussi raffiné ? Chaque fibre de son être l'avertissait d'un danger qu'elle ne pouvait encore définir, mais l'émerveillement prenait le pas sur la crainte.

Ses doigts glissèrent sur les draps de soie, et un frisson la traversa. La réalité de ce qu'elle voyait lui semblait trop belle pour être vraie. Son esprit tournoya brièvement entre la peur et l'incompréhension, avant qu'elle ne se rappelle les derniers souvenirs de la veille : le grincement de la porte, cette silhouette sombre qui s'était approchée, les traits sévères et intenses du roi de Zhéhar.

À cette pensée, son cœur se mit à battre follement, résonnant dans sa poitrine comme un tambour affolé. Était-ce lui qui l'avait amenée ici ? Pourquoi ? Ses joues prirent une teinte rosée, et elle se sentit presque vulnérable sous le poids de cette pensée. Malgré sa terreur, elle ne pouvait nier le trouble que la seule image de cet homme lui inspirait.

Elle se redressa, le souffle court, essayant de calmer les battements rapides de son cœur. Le murmure d'une promesse silencieuse flottait dans l'air, une énigme non résolue.

Alors qu'Arianna tentait encore de rassembler ses pensées, une légère frappe retentit à la porte. Elle se redressa instinctivement, et la porte s'ouvrit doucement pour laisser entrer une jeune femme portant un large plateau d'argent, où trônait un petit-déjeuner richement garni. La servante avait des traits doux, avec de grands yeux sombres et curieux, encadrés par une chevelure brune soigneusement attachée. Elle semblait être du même âge qu'Arianna, et son sourire bienveillant contrastait avec l'ambiance intimidante de la veille.

Déposant le plateau sur une petite table près du lit, la jeune femme lui adressa un sourire rassurant avant de lui demander, dans un anglais teinté d'un fort accent :

- Comment vous sentez-vous ce matin ? J'espère que la nuit n'a pas été trop agitée pour vous.

Arianna, encore un peu désorientée, hocha timidement la tête, tentant de se reprendre face à cette présence amicale. La servante sembla percevoir son hésitation et reprit d'un ton doux :

- Je m'appelle Salima. Je suis ici pour veiller à votre confort, sur ordre de notre roi.

Les mots "sur ordre du roi" firent bondir le cœur d'Arianna une fois de plus, mais elle essaya de ne pas laisser paraître son trouble. Elle se contenta d'observer silencieusement Salima, qui l'invita d'un geste de la main à s'approcher du plateau.

- Le petit-déjeuner de Zhéhar, annonça Salima avec fierté, en lui montrant chaque plat disposé avec soin.

Sur le plateau, Arianna découvrit une sélection de mets qu'elle n'avait encore jamais vus. Il y avait une assiette de "ful medames", des fèves épicées et mijotées lentement avec de l'huile d'olive, garnies de coriandre fraîche et de tranches de citron. À côté, un pain plat, le "khubz", encore chaud, dont l'odeur légèrement grillée flottait dans l'air. Un bol de "labneh" crémeux était accompagné d'un filet d'huile d'olive et d'épices rouges saupoudrées en surface. Et, au centre, un assortiment de petites pâtisseries dorées, nappées de miel, appelées "baklawa".

- Nous préparons cela tous les matins, continua Salima avec un sourire éclatant. Ce sont des plats traditionnels... peut-être qu'ils vous plairont ?

Arianna, fascinée, sentit une partie de sa méfiance s'adoucir devant la gentillesse de la jeune servante. Malgré le luxe de la chambre et la bienveillance de Salima, une part d'elle restait néanmoins prudente. Mais l'odeur alléchante du petit-déjeuner et la chaleur du sourire de la jeune femme lui donnaient envie de se laisser un peu aller.

- Merci, Salima, murmura-t-elle doucement, ses doigts hésitants s'approchant d'un morceau de pain.

Arianna, malgré le vertige de cette situation et le sentiment lancinant d'être prise au piège, sentit son appétit se réveiller à la vue des plats devant elle. Le parfum riche des épices et la chaleur émanant du pain invitèrent un certain réconfort, comme si chaque bouchée pouvait adoucir les souvenirs angoissants de la veille. Elle déchira un morceau de "khubz" qu'elle trempa dans le "labneh" et savoura le mélange onctueux et acidulé en silence. C'était comme une invitation à l'apaisement, un doux répit dans la tempête intérieure qui bouillonnait encore en elle.

Sous les cieux du désert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant