Chapitre 5

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Zéphyr, le souverain impitoyable de Zhéhar, était réputé pour sa froideur et son tempérament explosif. Ses pas résonnaient d'un écho lourd alors qu'il pénétrait dans la grande bibliothèque, ses traits figés dans une expression de mépris. Il n'était pas du genre à se plier à des festivités frivoles, mais l'invitation était stratégiquement nécessaire. Ses yeux glacés balayaient la salle sans réelle attention, jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent, presque involontairement, sur une silhouette féminine, celle d'Arianna.

Elle était là, dans une robe simple mais éclatante, sa présence éclipsant la foule. Intrigué malgré lui, Zéphyr se retrouva à observer cette jeune femme dont les manières dégageaient une assurance rare. Leur rencontre dans les jardins, à l'abri des regards, fut marquée par un dialogue aussi énigmatique que tendu. Elle ne le craignait pas, semblait même jouer avec sa réputation de colère. Il n'avait pas souri, n'avait pas faibli, et pourtant, au fond de lui, quelque chose remuait.

Dans son jet, de retour vers Zhéhar, Zéphyr était silencieux, mais ses pensées, elles, étaient en pleine ébullition. Il revoyait encore et encore cette soirée, son esprit obsédé par l'image d'Arianna. Son regard, ses lèvres qui esquissaient un sourire mutin, et surtout, cette bravade presque insouciante qui l'avait touché au plus profond de lui-même, l'amusant et l'irritant tout à la fois. Elle était belle, certes, d'une beauté presque inquiétante, mais c'était son esprit vif qui le captivait le plus. Comment avait-elle osé le défier avec autant de légèreté ?

Ne savait t'elle pas qui il était ?

Un doute germait pourtant en lui. Les femmes, dans sa vie, n'avaient été que des pièges. Des créatures séduisantes mais traîtresses, prêtes à profiter de la moindre faiblesse. Arianna ne pouvait pas être différente. Derrière ce masque de timidité et cette beauté éclatante, il imaginait une machination. Mais pourquoi alors continuait-elle de hanter son esprit ? Pourquoi, alors qu'il se voulait maître de lui-même, se retrouvait-il à penser à ses yeux, à sa voix, à la tension étrange qu'elle avait installée dans l'air entre eux ?

Zéphyr était perdu, pris dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Une part de lui voulait la revoir, comprendre ce qui l'attirait tant chez elle. L'autre part, plus sombre, lui chuchotait de rester sur ses gardes. Les femmes comme Arianna, aussi fascinantes soient-elles, n'étaient jamais ce qu'elles semblaient être.

Le jet de Zéphyr survolait les cieux sombres de Zhéhar, royaume de roche et de vents violents. Loin des rivières et des plaines fertiles, Zhéhar n'était qu'une étendue de sable, où seuls les plus forts pouvaient survivre. Ici, Zéphyr régnait en maître absolu, craint autant que respecté, ses colères faisant trembler jusqu'aux fondations des montagnes.

À son arrivée, une foule se pressait sur les places pavées pour l'apercevoir, gardant une distance respectueuse, comme si approcher trop près de lui pouvait provoquer une tempête. Les murmures s'élevaient à son passage, mais personne n'osait croiser son regard, de peur d'attirer son courroux. Ses sujets le vénéraient pour sa force inébranlable, mais ils le craignaient davantage pour sa fureur légendaire. Zéphyr n'avait jamais toléré la faiblesse, ni l'échec.

Descendant du jet, Zéphyr avança vers son palais, escorté par des gardes vêtus d'armures d'obsidienne. Les grandes portes s'ouvrirent avec fracas pour lui, dévoilant une salle richement décorée de marbre noir et d'or. Là, les dignitaires et conseillers l'attendaient, anxieux mais prêts à lui rapporter les affaires du royaume. Son pas résonnait dans le hall, imposant un silence absolu. Tous s'inclinaient profondément lorsqu'il passait, leurs yeux fixés sur le sol.

Zéphyr ne daigna accorder aucun regard, ses pensées encore brouillées par le souvenir d'Arianna. Pourtant, il enfouit ces réflexions au plus profond de son esprit, se forçant à retrouver sa rigueur habituelle. Il ne pouvait se permettre de paraître distrait devant son conseil. Chaque réunion était cruciale pour maintenir son emprise sur Zhéhar et réaffirmer son pouvoir.

Il s'installa sur son trône, un imposant siège taillé dans la pierre brute, ses yeux sombres balayant la pièce.

- Commencez, ordonna-t-il d'une voix tranchante.

Les conseillers s'empressèrent de répondre, exposant rapports et stratégies, évoquant les conflits frontaliers, les alliances fragiles à renforcer, et les trahisons potentielles à surveiller. Mais alors que les mots se succédaient, Zéphyr restait impassible, son esprit vagabondant malgré lui. Il revoyait la jeune inconnue avec ses yeux brillants de défi, sa voix calme mais acérée, et cette aura mystérieuse qui l'avait à la fois séduit et dérangé. Une part de lui, contre toute logique, voulait comprendre ce qu'elle représentait pour lui.

Dans cette salle où la peur régnait et où chaque décision pouvait déclencher une guerre, Zéphyr n'avait jamais été plus troublé. Pas par ses ennemis, ni par la politique complexe de Zhéhar, mais par une femme qui avait osé défier le roi des tempêtes avec un simple sourire. Et cela, il ne pouvait le tolérer, ni l'oublier.

*

Arianna s'étira doucement, laissant la fatigue du voyage se dissiper dans la quiétude de sa chambre. Le murmure léger du vent à travers les dunes parvenait à ses oreilles, une mélodie apaisante qui la berçait doucement. Elle défit les boutons de sa chemise , libérant sa peau du poids de la chaleur accumulée. Se rafraîchir lui sembla l'étape suivante, et elle se dirigea vers la salle de bains.

Là, une vaste douche en pierre naturelle attendait, rappelant les oasis perdues au milieu du désert. Arianna fit couler l'eau, tiède, presque chaude, imitant la douceur du soleil sur sa peau. Le parfum subtil du savon, un mélange d'ambre et de jasmin, emplit l'air, l'enveloppant dans une étreinte parfumée.

Après la douche, elle s'enveloppa dans un peignoir de coton doux et s'allongea un instant sur le lit. Les pensées d'Arianna vagabondaient, et l'appel du désert l'incitait à sortir. Elle enfila une robe légère, parfaite pour la chaleur de la soirée, et chaussa des sandales en cuir finement travaillé. Ses cheveux, encore humides, tombaient en vagues naturelles le long de son dos.

Elle descendit l'escalier en colimaçon qui menait au rez-de-chaussée, où l'air chaud de la nuit la frappa dès qu'elle franchit la porte de l'hôtel. Autour d'elle, les rues pavées de Zhéhar s'animaient doucement alors que le soleil se couchait. Des stands de marché commençaient à s'installer non loin de l'hôtel, et une douce odeur d'épices se répandait dans l'air.

Attirée par ces arômes enivrants, elle s'avança vers un étal où un homme en djellaba proposait des petits plats typiques de la région. Les couleurs des épices disposées sur la table l'hypnotisèrent : du safran, du cumin, du curcuma et des herbes dont elle ne connaissait même pas les noms. L'homme lui sourit et lui tendit un petit bol de méchoui, de l'agneau rôti parfumé aux épices locales.

Arianna porta la première bouchée à ses lèvres, et ses papilles furent immédiatement envahies par une explosion de saveurs. La tendresse de la viande se mariait parfaitement aux épices, chaque note s'équilibrant avec harmonie. Elle goûta aussi des pâtisseries sucrées à base de miel et de dattes, douces et fondantes, rappelant les trésors cachés du désert.

Elle ferma les yeux un instant, savourant cette connexion intime avec la terre de Zhéhar. Chaque plat, chaque odeur, chaque texture lui parlait de ce pays, de ses mystères et de sa beauté. Arianna se sentait transportée, presque envoûtée par la richesse des saveurs locales.

Se promenant lentement, elle laissa son regard errer sur les étals et les échoppes, où de fines étoffes et des bijoux traditionnels brillaient sous les dernières lueurs du jour.

Zhéhar s'ouvrait à elle, et Arianna se sentit prête à en découvrir davantage, avec tous ses sens en éveil.

Sous les cieux du désert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant