Chapitre 1

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Ils étaient tous les deux dans cette maison ne pouvant rien faire d'autres que s'occuper par cette forte saison d'hivernage.

Le vent soufflait violemment faisant claquer les portes et les fenêtres, le tonnerre ne manquer pas de se faire entendre et la pluie était tellement forte que si par malchance un obstacle venait à obstruer le chemin de l'eau, les ruelles se retrouverait inonder.

Mais voilà, tout ce qu'ils savaient et tout ce qu'ils voulaient savoir était qu'ils n'y avaient que deux personnes dans cette maison : deux hommes, rien d'autre.

Dahomey, maître en musique et instituteur, composait dans un coin de la pièce tout en appuyant de temps en temps sur les touches de son piano pour vérifier la concordance et l'harmonie entre chaque note. Et Sénégal, un homme se plaisant dans son monde, se contentait de jouer de l'ekonting en écoutant la puissance sonore que la nature pouvait libérer.

On pouvait le dire, l'ambiance dans cette demeure était des plus ennuyantes, mais elle avait le don d'être très mélodieuse.

Les heures passaient, le temps s'apaisait petit à petit et aucun mot n'avait été prononcé jusque-là. Les occupations de chacun n'avaient pas changé pendant toutes ses heures.

Le calme de la soirée était apaisant pour les deux habitants : pas de cris, pas de rires et surtout aucune femme bruyante dans les environs. En effet, les deux hommes appréciaient l'absence de la femme des lieux, préférant même qu'elle s'égare "malencontreusement".

Tout un coup, la porte s'ouvrit brusquement, ce qui fit sursauter le Dahoméen et ce fut une femme euphorique et complètement trempée, suivie d'une autre, qui apparut. Ce bien-être général n'était point du goût du pianiste qui ne tarda pas à le faire remarquer.

La femme claqua une nouvelle fois la porte en jetant son sac et fit un clin d'œil à l'homme qui lui servait de mari, qui roula aussitôt des yeux, peu affecté par ce geste.

« Installe-toi en attendant, j'arrive. Dit-elle à son invitée. »

Puis elle se dirigea vers la cuisine en ignorant les deux adultes en recherche d'apaisement et revint très vite avec deux verres d'eau à la main se souciant que très peu de ses vêtements mouillés.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as reçu de l'argent ?

- Y a quoi ? Je n'ai pas le droit d'être heureuse sans raison ?

- Par les temps qui courent les gens heureux sans raison particulière doivent être internés ou mis à l'écart de la société, ma chère Togo. Chantonna le joueur d'ekonting en suivant le rythme de l'instrument.

- Et par les temps qui courent les paysans qui empêchent les gens de vivre comme toi, on les chasse des maisons qui ne leur appartiennent pas mon frère ! Se défendit la femme, amusée. »

Dahomey l'observa puis il souffla en souriant et demanda l'air de rien :

« Sinon tu n'as pas de bonnes nouvelles, d'annonces croustillantes ? Je te connais, alors dépêches-toi !

- Mais quel rabat-joie. Grommela-t-elle. République soudanaise ici présente nous a invités à dîner demain à huit heures et demie. »

Elle se tut un instant en attachant son foulard correctement puis se rapprocha du jeune homme qui était assis par terre. Ce dernier se décala pour lui laisser de la place, mais également pour éviter d'abîmer son bel et coûteux instrument.

« Tu te souviens de l'immeuble où je te demande parfois de m'accompagner à chaque fois qu'on part au marché ensemble ?

- Tu me demandes tout le temps de t'accompagner !

- Oui, mais au moins, tu sais ! C'est là où elle vit ! Je lui donne souvent des... Trucs.

- Ah, c'est vrai que les paniers ont l'air beaucoup moins lourd quand on sort. Sous-entendit Sénégal.

- Qu'entends-je ? Qu'ouïs-je ? Toute la dépense de la semaine ne rentre pas dans cette maison ? Sacrilège ! Se tourmenta son mari d'un air sarcastique !

- Tais-toi ! Tu as toujours de quoi manger le soir, alors ne te plains pas ! »

Son mari pouffa de rire et se leva de sa chaise pour regarder dehors. Les nuages étaient toujours aussi obscurs que le regard que lui lançait sa campagne derrière son dos.

« Quelle animation ! Remarqua République soudanaise.

- Ne fais pas attention à eux s'il te plaît... Ils me fatiguent. Tu resteras pour dîner, n'est-ce pas ?

- Bien sûr ! »

Et elles commencèrent à discuter longuement de choses qui pouvaient attirer l'attention, mais auquel les deux musiciens ne s'intéressaient pas. Un moment Togo se tourna vers lui.

« Demain, huit heures et demie, c'est clair Sénégal ?

- Quoi ?

- Quoi quoi ? Tu crois que je vais te laisser tout seul demain ?

- Oui ! On ne m'a pas inv...

- Mais non ça vous changera les idées ! Changer d'air, voir de nouvelles têtes, tout ça... C'est agréable ! Et ça ne me dérange pas ! Interrompit la république. »

Il ne prit pas la peine de lui répondre. Débattre avec elles pouvait être un sport extrême, même si la proposition partait d'une bonne intention. La pièce devenait beaucoup plus froide qu'elle ne l'était déjà à cause de l'orage qui venait de finir. Malgré tout, des gouttes de sueurs descendirent le long des joues du pianiste.

« Sénégal, il est temps de rentrer non ? »

Le concerné regarda l'horloge murale dont la présence se faisait vite oublier à force de tictaquer en permanence. Elle affichait sept heures treize, il ne faisait pas si tard que ça. Il se mit dans la direction de son ami et comprit que celui-ci voulait qu'il se retire au plus vite.

« Oui, il est temps de rentrer. Répéta Sénégal las

- Déjà ? Tu ne restes pas, c'est bientôt l'heure de manger.

- Oh, ce n'est rien ! Il faut que j'y aille ! Bonne soirée !

- Rentre bien et surtout n'oublies pas : dîner, huit heures et demie ! Rappela la femme toujours aussi vigoureuse.»

L'autre femme lui fit un signe de la main.

Dahomey l'amena hâtivement en dehors de la maison. Une fois avoir pris la peine de vérifier que la porte était fermé, il posa sa main sur son épaule.

« Sénégal, désolé de te presser comme ça.

- Tu veux quelque chose ?

- Cette femme parle beaucoup. Elle pourrait utiliser tes propos pour autre chose...

- Je suppose que tu sais ce que tu fais...

- Et aussi, n'oublie pas le dîner. Et habille-toi bien ! Il dévisagea son interlocuteur.

- Tu vas pas t'y mettre ! C'est juste un dîner entre amis, rien de plus.

- Hé ! Tu connais pas ce type de femmes toi ! Si elle s'est installée dans la capitale, c'est pas pour vendre des arachides. Habille-toi bien, tu ne sais pas qui tu pourrais rencontrer ! »

Sa réponse fut un soupir d'ennui.

« Bref, je t'ai dit ce que j'avais à dire. Je rentre. J'en prendrais bien une, mais je n'ai pas envie que la dame se pose des questions. Finit-il par dire en lui fermant la porte au nez. »

Sénégal, quant à lui, resta immobile en pleine réflexion sur ce qu'il venait d'assimiler. Ils avaient quoi ses habits pour autant insister sur ce détail ? Ils n'étaient pas assez bien pour la petite bourgeoisie de la capitale Saint-Louisienne ?

Il ne pouvait plus revenir sur sa décision de toute façon. Cette femme l'avait déjà coincé et puis c'était agréable de changer d'air.

Elle l'avait dit...

Perle d'indépendanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant