Lise Chapitre 14

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On part enfin pour la salle de fête. Je ris plus que jamais, je suis heureuse comme je ne l'ai jamais été. J'ai toutes les personnes que j'aime avec moi. Quoi de demander de plus ? Une fois le repas terminé on commence à vraiment fêter tout ça. Le DJ passe presque que des chansons que j'écoute. Ce n'est pas étonnant, Danny en a choisi et on passait notre temps ensemble à écouter de la musique quand on était jeune.

Je vais avouer que pour l'ouverture je n'étais pas confiante. On a réussi à trouver une chanson qui nous correspondait tous les deux. Car celle qui était prévue pour Clarisse et Dan n'était pas de celles que je connais. Difficile de danser dessus. Mais quand on tanguait sur Yellow Light de Of Monsters and Men tout était plus facile. On avait déjà dansé dessus à notre bal de fin de lycée avec Dan. Ça a ravivé des vieux souvenirs que j'avais presque oublié.

Alors que je me sers un verre d'eau pour me désaltérer un peu, j'aperçois Mathieu qui parle à ma mère. L'insulte. Il l'a vraiment fait, je l'avais dit que j'étais sûre qu'il allait aller la voir. Je m'approche des deux. Mathieu m'aperçoit et me fait signe de les rejoindre.

- Tu tombes bien. C'était quoi ton insulte tout à l'heure ?

Je fais mine de ne pas voir de laquelle il parle.

- Jeg driter I melka di ?

- Non, non, une autre. Un truc comme Dro ri paï ètekou.

Ma mère se tourne vers moi avec de grands yeux, je me demande bien comment elle a réussi à comprendre ça, la prononciation n'a rien à voir, c'est encore pire que tout à l'heure.

- Dra å ri på ei Hestkuk ?

Et mince elle a vraiment reconnu.

- C'est ça !, confirme-t-il tout content.

- Tu as quel âge pour aller cafter ça Mathieu ?

- Lise. Tu as vraiment dit ça ?

- C'est bien probable. Mais pour ma défense il m'embêtait !

Elle secoue la tête dans un signe désespéré et se met à rire.

- Mais vous n'êtes pas possible. Faites des gosses.

Je vois bien la déception se pointer sur le visage de Mathieu. Il pensait que ma mère allait vraiment me reprendre. À vrai dire, j'aurais cru aussi. Ma mère peut-être très stricte comme très cool. D'habitude elle nous reprend fortement quand on utilise cette expression avec Eliot et Laurène. C'est vrai que ce n'est pas la plus belle expression et la plus polie.

- Bon je vous laisse régler vos problèmes entre vous. Je vais rejoindre tes parents Mathieu.

Avant de partir elle me regarde. Aïe...

- Lise. Si tu redis ça, je t'envoie dans ta robe de mariée dans le nord de la Norvège. Tu verras si tu réutiliseras cette expression dans la campagne de Tromsø.

Même si j'ai vingt-six ans, ma mère me parle encore comme si j'en avais quinze.

- J'ai gagné, me nargue Mathieu.

Je pars sans prendre la peine de lui répondre. Je veux aller me débarrasser de cette robe dans laquelle ma mère veut m'envoyer en Norvège, elle commence à peser lourd, je n'en reviens pas que Clarisse ait couru dedans. Mais alors que j'essaye de sortir de la salle, je me fais entraîner dans une danse par ma sœur.

- Laurène, je veux aller quitter cette robe. Je veux mettre celle que vous m'avez prise en rechange.

J'ai les meilleures témoins, elles avaient prévu que je veuille me changer si la robe me devenait trop gênante, et elles avaient bien raison. Je pars et me dirige vers l'autre partie du château. J'entends des pas derrière moi quand j'arrive au niveau de la petite salle où on a laissé nos affaires. Je me retourne et vois Danny me rattraper.

- Tu vas enlever ta robe ?

- Oui, elle commence à être trop lourde et encombrante.

- Alors laisse-moi t'observer une dernière fois dedans.

On échange un sourire et il attrape ma main pour me faire tourner. On entre dans la pièce. Alors que j'enfile une robe blanche il pose sa cravate, les boutons de manchette et sa veste.

- Tu dois mourir de chaud dans ton costume, je remarque.

Il acquiesce et attrape ma main pour qu'on retourne à la fête.

Sans que je sache trop comment, une heure plus tard je me retrouve avec une bouteille d'alcool dans les mains et la boit au goulot en compagnie de ma sœur et Clarisse. Les invités commencent peu à peu à s'en aller et viennent me saluer, j'essaye de faire bonne impression et de cacher la bouteille sur une table derrière des vases et des bouteilles vides.

Uniquement les personnes les plus proches de nous sont encore là, les amis d'enfance communs de Danny et moi, ses deux frères, le mien et ma sœur et enfin Clarisse. On doit être une quinzaine, je ne m'aventure même pas à essayer de compter, ma tête est lourde et mes joues sont chaudes, je me perdrais dans les chiffres entre la fatigue, sachant qu'il est déjà quatre heures du matin et l'alcool.

Je suis appuyée sur un mur dans un coin, seule. Je balaie du regard la salle, observant le résultat de tout ce qu'il s'est passé au cours de cette longue et complexe journée.

Laurène rit plus fort que d'habitude et crie par moments, en compagnie de deux amies que Dan et moi connaissons depuis presque six ans. À côté il y a les trois frères et d'autres de nos amis. Les six sont tous aussi torchés et entraînent des discussions plutôt bruyantes et étranges à observer. Ils bougent un peu bizarrement et font de grands gestes avec leurs bras. 

Je remarque aussi Yuzu, couché dans un coin de la salle en train d'observer le ridicule spectacle qu'on donne, il tourne sa petite bouille vers moi et penche la tête avant de se lever et de me rejoindre pour se rallonger à mes pieds. 

Quant à mon frère et Clarisse ils dansent tous les deux d'une manière un peu maladroite, se partageant une bouteille d'alcool, je crois même qu'Eliot flirte avec elle, et elle se prend au jeu, elle rigole et joue avec ses cheveux. Peut-être qu'au milieu de l'ouragan que j'ai mis dans sa vie elle peut retrouver quelqu'un. Je pense qu'il lui faudra un certain temps mais j'espère qu'elle ne sera pas malheureuse.

En tous cas, je donnerais tout pour ne jamais arrêter cette nuit.

Mathieu s'approche de moi. Il doit être le plus saoul de nous tous. Heureusement que sa femme est adorable, elle l'a laissé et est partie avec leur bébé il y a quelques heures pour lui permettre de rester faire la fête avec nous. 

Son pas est bancal et hésitant. Il s'arrête à un mètre de moi, comme si faire ces quelques pas l'avait fatigué.

- Lise ! Ne reste pas dans ton coin ! Viens avec nous ! Aller, danse avec moi, m'ordonne-t-il. Espèce de petite limace aux seins compressés !

Il cri pour se faire entendre par-dessus la musique, sa voix a cette intonation de personne bourrée. Dan le reprend en balbutiant légèrement, je ne me suis pas rendu compte qu'il avait autant bu. 

Mathieu ris à ses propres mots quand il répète que je suis une limace à la poitrine comprimée. Je ris avec lui, presque aussi grise qu'il l'est. Je le rejoins, on marche côte à côte d'un pas un peu tordu. Ma tête est légèrement douloureuse, j'ai un peu trop chaud aux joues et je ressemble sûrement à une alcoolique. Mais pour l'instant ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus.

Je suis plus heureuse que jamais. Et je compte bien profiter de cette nouvelle vie, de mon nouveau monde.

VoléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant