Je prends mon arrosoir, en me frottant un œil de la main libre.
Me préparant sur le chemin pour revoir ma chère voisine, j'attache à l'aveugle mes cheveux en un chignon chaotique.
En sortant de ma petite et chaude maison, la lumière m'agresse comme des centaines de lampes à 3 centimètres de mes yeux.
Une fois habitué à la lumière, je vois la voisine habituelle près de la grille, à compter ses perles.
-Ah bah, tu prends ton temps.
Je lui lâche un grognement en guise de réponse. C'est pas comme si on parlait beaucoup, de toute façon.
Je m'assoie lourdement sur le sol, devant mon bac et ma voisine, puis, je mets mon gros arrosoir sur mes genoux.
-Ta grille à des trous, en haut à droite, tu dois appeler un marcheur pour qu'il vienne la réparer.
Je lève la tête. Effectivement, il y a un trou de 5 ou 6 centimètre tout en haut de la grille, suivis de quelques autres tous petits trous.
-Boarf, c'est pas comme si j'allais passer ma main par là.
-C'est dans le protocole.Je la regarde. Elle peut se le mettre là où je pense, son protocole. Le trou est à 6 mètres de moi, au moins. C'est pas ça qui met en danger le règlement.
Je me lève durement et arrose mon bac à plante.
-Ça pousse bien, constaté-je
-J'arrive toujours pas à croire qu'ils t'ont donné des plantes, chanceux. Moi je joue avec l'herbe.Il y a quelques mois, j'ai arrêté de répondre aux tests quotidiens. Quand des marcheurs sont venus voir si j'étais encore en vie, je leur ai juste expliqué que j'étais triste, que je n'avais rien à faire, et que je m'ennuyais.
Ils m'ont alors donné un bac, de la terre, des graines, et un bel arrosoir. Je ne pense pas que ces plantes servent à grand chose, mais ça me fait plaisir de m'occuper d'elles. Pour être honnête, je ne savais même pas que je pouvais donner vie à des plantes. La seule autre verdure que je connais, c'est ma pelouse, et elle est là depuis ma naissance, même avant. Tout les dimanches, on doit la tondre, puis des marcheurs viennent vérifier si elle est bien tondue. C'est chouette, mais les autres jours, je m'ennuie quand même.Quand je finis d'arroser mes plantes et que je n'ai pas d'herbe à tondre, je parle avec ma voisine. Les autres ne sortent pas beaucoup de leurs maisonnettes.
Elle, elle assemble des perles. C'est toujours les mêmes ! Elle à un fil et quelques perles, ça doit être un peu répétitif. Mais parfois elle fait un noeud et compte jusqu'à dix-mille, juste en comptant les perles et en tournant son collier. Puis, elle détache le noeud et retire ses perles. Pour pouvoir les remettre le lendemain matin.
Je relève ma tête. Toujours en haut à droite de la grille, le petit trou. Je me demande quand même comment il a pu arriver là. Ce n'est pas comme si je tirais sur le filet ou quelque chose comme ça.
Je me couche sur l'herbe.
-Tu vas salir tes vêtements.
-Oh, ta gueule.Je respire profondément, j'aime bien l'air, ça me fait un sensation agréable de respirer longuement, mais après ça me donne mal à la tête.
Hmm...
Je devrais peut-être mentionner le petit trou dans mon test quotidien, mais je n'ai pas envie que des gens viennent remplacer ce filet. Ils risquent d'abîmer mes plantes, qui sont justement dans le chemin.
Ils pourraient passer par chez ma voisine, mais ils ne cherchent vraiment pas la facilité...