Je sens quelque chose me tirer légèrement les cheveux.
Je grogne et me blotti dans mon lit.
-Hey.
Je sursaute et ouvre les yeux à l'entente de cette voix familière.
-Heeyyy ! Dis-je en souriant.
-Tu voulais de quoi dessiner ? On a un tableau à craies, comme ça tu peux effacer et recommencer autant que tu veux.
-Et des craies qui vont avec ?
-Aussi.
-Cool !
Elle dépose un petit sac au pied de mon lit.
-Je suis heureux de te voir ! Mais pourquoi ils ne m'ont pas envoyé de colis à la place ?
-Parce qu'il faut qu'on parle un petit peu. Habille-toi.
Elle sort, comme la dernière fois. Alors je prends mes vêtements et les enfile, en faisant attention à ne pas marcher sur le petit sac.
Je passe ma main dans mes cheveux en guise de peigne et je vais la rejoindre.
-Mais pourquoi toujours venir me chercher le matin ? Pourquoi pas quand je suis déjà réveillé ?
-Il est 13h, Matt.
J'ouvre grands les yeux. J'ai dormis combien de temps ? Je n'ai même pas encore mangé ! Et je suis toujours fatigué.
-Ah bon ! Je m'excuse, je me reveille plus tôt, habituellement.
-C'est rien, c'est un des effets que peuvent donner les médicaments que je t'ai donné.
-Me donner sommeil tout le temps ?
-Ça va passer.
Je cligne plusieur fois des yeux et passe ma main dans mes cheveux pour les remettre vers l'arrière.
-Tu vas bien ?
-Oui, heureux de te voir. Dis-je en souriant. Et toi ?
Elle pouffe de rire et s'assied sur le sol.
Je penche la tête d'incompréhension.
-Ça ne t'intéresse pas, enfin.
-Qu'est-ce qui ne m'intéresse pas ?
-Comment je vais.
-Bah... si, un p-
-Tu as entendu quoi, hier ? Me coupe-t-elle.
N'est-elle pas au courant ?
-Un gros Boum.
-D'où ?
-Je sais pas trop, mais Lise a supposé que ça venait de la route.
-De la route ?
-Oui, l'endroit ou passe les marcheurs.
-Des marcheurs ?
-Bah des gens comme toi !
Elle explose de rire.
-C'est comme ça que tu nous appelle ? Dit-elle en souriant.
-Comment dois-je vous appeler ?
-On est des patrouilleurs. Nous et ceux en drones. Mais ceux qui font la nourriture sont appelés les cuisiniers, et puis il y a aussi des inspecteurs, des recycleurs, des couturiers, etc.
-Ils sont beaucoup ?
-Oui, énormément. Tu nous imaginais combien ?
-Je ne sais pas, une cinquantaine.
-On se compte plutôt en dizaines de milliers. Mais on est moins nombreux que ceux comme toi.
-Comment on nous appelle ?
-Je ne vais pas le dire, ça risquerait de te vexer.
On se regarde quelques secondes. Puis elle baisse les yeux.
-N'en parle pas autour de toi, je sais pas pourquoi je te dis tout ça, mais je pensais que vous le saviez.
-Tu aimes bien m'apprendre des trucs ?
-Oui. Mais je vais avoir des problèmes.
-Je garderai ma langue.
Je sais que je mens, j'en parlerai à Lise. Et je sais que ça l'intéressera. Mais je sais aussi qu'elle ne le dira à personne. Donc elle ne risque pas d'avoir des problèmes.
-Comment tu t'appelles ?
-2782.
-Tu n'as pas de vrai prénom ?
-C'est mon vrai prénom.
-Ça doit être long à dire.
-Non, ça va. Normalement c'est 3:2782. Je suis 2782e dans la 3e rangée.
J'essaye de ne pas trop réagir, mais toutes ces informations me donnent le vertiges. C'est quoi la 3e rangée ? Je suis dedans, en tout cas. Mais est-ce que ce sont des rangées de la largeur d'une maison ou de plusieur centaines ? Je n'arrive pas à me faire un plan d'ensemble, et ça me donne mal à la tête.
-À quoi je sers ? Lui demandé-je. Plutôt attentif à la réponse qu'elle pourrait me donner.
-Je n'ai pas le droit de te répondre. Mais ne t'inquiète pas, tu ne dois pas servir à grand chose, c'est nous qui faisons des choses. On fait tout pour que vous vous sentiez le mieux possible.
-Mais pour quoi faire?
Sa bouche reste ouverte mais rien n'en sort. Elle baisse les yeux.
-J'aimerais vraiment te dire Matt, vraiment, mais je n'ai pas le droit. J'aimerais juste que tu comprennes que tout ça n'est pas négatif pour toi, c'est pour que toi tu vives bien, on travaille pour toi, pour vous.
-Tu as demandé à Lise de rester à l'intérieur ?
-Oui, pourquoi ?
-Pour savoir.
Elle sort sa petite tablette et la range immédiatement.
-Ça sert à quoi ?
-De quoi ?
-Le truc que tu viens de sortir.
-À plein de choses, mais je regardais juste l'heure. On a divagué. Parlons du bruit. Me dit-elle.
-Ça a l'air vachement important, cette histoire.
-N... Ce n'est pas le cas. C'est toi qui voulait savoir, mais je ne suis pas au courant de ça, donc j'aimerai que tu m'en parles pour te donner des informations, si je peux.
-Tu reviendras me voir ? Dis-je avec un grand sourire.
-Oui, bien-sûr.
-Et bien, c'était vers là bas, là ou les "patrouilleurs" se déplacent, surtout de nuit.
-Ça vient du couloir, donc.
Pendant quelques seconde j'ai juste l'impression qu'elle frime, puis je comprends que son but est de me donner des informations sans avoir l'air suspecte. Je souris.
-Oui, le couloir, c'est ça ! Ça venait du couloir, d'après Lise. C'était un gros bruit sourd, je n'en avais jamais entendu des comme ça, puis tout le monde est sortit pour essayer de voir ce qu'il se passait. Des drones sont apparus d'un peu partout dans le ciel et se sont regroupés, puis, sont descendus.
-Pour quoi faire ?
-Aucune idée. Je n'ai pas réussi à voir, je suis trop loin.
-C'est bizarre, car je suis passé sur cette route en arrivant, et elle était intacte.
-J'ai dis qu'il y avait eu un bruit, pas de la casse. Je n'ai vraiment pas pu voir, je suis trop loin du couloir.
-En fait, même ceux qui sont proches ne peuvent pas voir le couloir. Ils entendent juste si des gens passent ou parlent.
-Comment ça ?
Elle se lève et va à l'intérieure, je la suis et elle sort le petit tableau qu'elle m'a offert quelques dizaines de minutes auparavant.
Elle prend une craie et se met à dessiner.
-Tu effaceras ça après, d'accord ? Et tu te chutes.
-Je me chute. Compris.
Elle commence à dessiner des petits carrés les uns à côté des autres.
-Ça, c'est les grillages. À l'intérieur, il y a une maison pour chacun d'entre vous.
Je hoche la tête.
À côté du cadriage, elle fait un espace dégagé puis à nouveau un cadriage.
-Et ça, dit-elle en me montrant l'espace dégagé, c'est le couloir.
-C'est à peu près comme ça que je l'imaginais.
Elle tourne la craie et repasse fort sur les deux lignes qui entourent le couloir.
-Et ça, c'est des murs.
