Don't break the rules

XXVII

[Alexander]

Tôt le matin, alors que tout le monde dort encore, je me lève, m'habille chaudement et sort de la maison le plus silencieusement possible. Ne voulant pas les réveiller par le bruit de la voiture, je décide de faire mon bout de chemin à pied. De mes 5 ans à mes 17 ans je l'ai fait à pied et puis le froid matinal me donnera un coup de fouet.

Arrivé en haut de la colline, je passe un délicat doigt sur la gravure promettant que mon amitié avec Magnus sera éternelle. Une affreuse douleur au cœur me surprend, je pose une main sur mon pectoral gauche et tente une pression pour calmer ma douleur mais elle s'accentue. Je m'effondre au sol, mon front contre le tronc d'arbre, de loin, on pourrait penser que je fait une prière. Peut-être que s'en est-une, je pris pour que la douleur me quitte, que cette douleur me libère. Je me tourne et regarde le ciel qui se dégage doucement et sans le contrôler, perdant le contrôle de mes nerfs, je pleure, je libère cette peine, cette difficulté à vivre en prétendant que mon ressenti à l'égard de Magnus était de la haine alors qu'il ne l'ai pas. Plus maintenant.

Mon téléphone vibre, je le sort de la poche de mon grand manteau et découvre que Magnus vient de publier un texte de Kressmann Taylor :

Je regrette qu'on doive mettre ainsi fin à notre correspondance. Il n'est pas exclu que nous nous retrouvions un jour, sur un terrain où nous pourrons développer une meilleure compréhension mutuelle.

Même sans prénom, je comprends que ce texte est à mon attention. Demain il doit repartir à San-Francisco, à cette pensée, la douleur qui avait légèrement diminué réapparaît dans son ampleur. Je me lève précipitamment, range mon téléphone et cours en dégringolant la colline et sans m'arrêter de courir, je me précipite jusqu'à sa maison. En arrivant devant, le souffle court, je me stoppe, me penche pour me maintenir sur mes genoux essayant de reprendre une respiration normale. Convaincu d'une respiration plus correcte, je frappe frénétiquement contre les vitraux de la porte, sa mère apparaît avec les cheveux ébouriffés et en peignoir en soie.

_ Oh. Sa bouche se transforme en un petit rond, elle ferme complètement son peignoir. _ Alec, Darling je suis enchanté de te revoir. Me dit-elle ravi. _ Ne reste pas dehors, entre.

Je l'écoute sans rechigner, je m'autorise quelques instants à regarder la déco. La maison semble plus moderne, moins froide, beaucoup plus de fleurs embellissent les pièces. Le divorce semble avoir été la meilleure chose pour Iris. Mais le manque cruel de décoration de Noël me glace le sang.

_ Que me vaut l'honneur de ta visite ? Me questionne-t-elle en tenant ses mains avec un immense sourire.
_ J'aimerais parler à Magnus.
_ Évidemment Darling. Tu sais où est sa chambre. Si vous avez besoin de quoique ce soit, vous me retrouvez dans la salle de cinéma au sous-sol.

Elle me fait un clin d'œil avant de quitter la pièce en chantonnant. Je bouge frénétiquement la tête, je ne l'avais jamais vu aussi heureusement. Le père de Magnus était bien néfaste pour eux.
En gravissant les marches, je me maudis moi et ma spontanéité. Je regrette d'être venu. J'en perd mon courage et le discours que j'avais minutieusement préparé lors de ma course jusqu'à chez lui.
Devant la porte de sa chambre. Je me mets à hésiter et à me demander si faire demi-tour ne serait pas la bonne solution. J'efface cette idée de ma tête et pour une fois en vingt ans d'existence, je vais porter mes couilles. Je frappe à la porte et sans attendre la permission, j'entre. Pris au dépourvu, Magnus qui est installé confortablement sur son lit sursaute en me voyant. Je sors la clé Usb de la poche de mon jean et la lui lance.

_ Pourquoi tu me fais ça ? Je lui demande en contrôlant ma colère.
_ De quoi tu parles ? Demande Magnus en fronçant les sourcils.
_ Pourquoi est-ce qu'il a fallu que tu reviennes dans ma vie et que tu chamboules tout ce que j'avais créé ? Pourquoi, à chaque fois que je vois ton visage, j'ai envie de t'étriper et te prendre dans mes bras et te répéter inlassablement à quel point ton absence dans ma vie c'est fait ressentir ?! Pourquoi, quand j'arrive à me dire que j'ai finalement passé à autre chose, que ta présence n'est pas nécessaire, tu fais en sorte à ce que je remette cette conviction en doute ?!