Samedi 5 Décembre

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Samedi 5 Décembre :

Agathe se réveilla très tard ce matin là : elle avait définitivement besoin d'une grasse matinée. Cependant, elle ne réussit pas tout de suite à comprendre pourquoi elle avait une boule au ventre. Très vite ses pensées se remirent en ordre : elle avait gym avec Callie. Elle était persuadée que son amie allait faire en sorte de lui faire regretter leur litige. Sans doute allait-elle tenter de monter les filles de la gym contre elle comme elle l'avait fait avec le reste du lycée. Surtout qu'elle n'avait pas spécialement d'affinité avec les autres. Elle grogna et se laissa retomber lourdement dans son lit. 

Elle mangea avec sa famille, l'esprit occupé par l'idée de la gymnastique qui arrivait. A vrai dire, elle en était venu à se demander si elle allait y aller : Après tout, rester ici serait bien plus simple. Certes, Callie pourrait alors raconter ce qu'elle voulait mais elle le ferait dans tous les cas. Simplement, si elle n'y allait pas aujourd'hui, elle avait peur de ne pas réussir à y retourner.

Elle finit par avouer tout cela à son grand-père au moment de la sieste, parce qu'il s'était bien rendu compte que quelque chose n'allait pas. Agathe devait avouer avoir un peu honte, mais elle avait toujours été honnête avec son grand-père et elle ne se voyait pas transformer la vérité. Elle savait très bien qu'il ne lui dirait rien : il était plus Yoda : à parler en énigme et en vérité générale.

Ou à se taire, comme il le faisait à présent. 

Elle l'encouragea à lui donner son avis d'un signe de tête et il déclara simplement :

- Ca fait beaucoup de souci pour une personne qui ne cherche que cela.

La phrase la fit réfléchir et avant que ses pensées n'aient pu s'ordonner, il lui désigna le calendrier du menton. Elle ne l'avait pas encore ouvert aujourd'hui. 

Elle s'exécuta donc et sortit le précieux chocolat. Elle prit le temps de retourner s'asseoir pour en profiter au maximum. Elle déballa le chocolat en forme de cloche et le dégusta. Cela suffit à la faire sourire. Puis, elle prit connaissance de la citation du jour :

"Le bonheur ne vient pas à ceux qui l'attendent assis" - Baden Powell

Se sentant personnellement attaquée par la phrase, elle se leva d'un bond sous le regard amusé de son grand-père.

Il avait raison. Baden Powell avait raison. Son grand-père avait raison. Tout le monde avait raison. Sauf elle.

Elle n'allait pas s'arrêter de vivre à cause de Callie ! Elle ne le méritait pas. D'ailleurs elle ne méritait pas non plus d'être le centre des pensées d'Agathe depuis le début de la journée.

Elle voulait être heureuse, elle allait partir à la chasse du bonheur. Et Callie n'aurait pas son avis à donner là-dessus. 

Elle faillit faire demi-tour lorsque son père la déposa devant le gymnase. Mais elle ne serait pas aussi lâche. Elle entra, salua poliment tout le monde et elles commencèrent à s'échauffer en discutant. Le club était vraiment petit, si bien que ce n'était pas de la gym de très haut niveau, elles ne faisaient pas de compétition ou quoi que ce soit. C'était donc un cours toujours très cool, ou elles pouvaient plus ou moins s'entraîner sur tel ou tel exercice suivant comment elles se sentaient. 

Dès l'échauffement, Callie fit en sorte de montrer qu'elle était en conflit avec Agathe. Elle attendait apparemment que quelqu'un lui demande quelque chose. Mais elle n'avait pas le même pouvoir ici qu'au lycée et il semblait que personne ne s'en préoccupait. Elle insista, fit mine d'être triste, lança des regards noirs, mais rien n'y fit : les filles ne semblaient pas en avoir quoi que ce soit à faire. 

Agathe se détendit donc et finit même par totalement ignorer les provocations de Callie. Elle se mit dans son entraînement à 100% et petit à petit, elle engagea la conversation avec les autres. Elle n'avait jamais pris le temps d'apprendre à les connaître et se rendait aujourd'hui compte de son erreur :  elles étaient absolument adorables. Ou plutôt, elles étaient absolument hilarantes.

Elle discuta beaucoup avec Ava, une fille de son âge qui semblait ne jamais se prendre la tête. C'était le genre de personne qui arrivait le jour du BAC sans être au courant que c'était le Jour-J.

Et qui s'en sortait merveilleusement bien quand-même. 

Au final, elles se décidèrent à travailler un élément qui les terrifiait et les fascinait à la fois : le tsuk au saut.  Au début, bien que la conversation soit sympathique, il y avait une certaine retenue : rien d'anormal, elle ne se connaissait pas après tout. Mais une fois qu'elles s'étaient chacune écrasées contre le cheval et avait entraîné l'autre dans des chutes ridicules alors qu'elles tentaient de se parer, elles avaient partagé bien trop de fou-rires pour se considérer comme des inconnues plus longtemps.

Comme quoi, la gym ça rapproche.

Agathe en ressortit défoulée, exténuée mais heureuse. Et même assez fière : après de nombreux essais, elles avaient réussi toutes les deux à tourner un peu après leur rondade (elles avaient bien-sûr mis un énorme tapis derrière). C'était un accomplissement qui lui semblait énorme et qu'elle n'aurait jamais imaginé réussir à passer.

Elle avait hâte d'être la semaine suivante pour continuer et revoir Ava : la jeune fille l'avait inspiré avec son air "jemenfoutiste". Elle n'aurait sans doute eu aucun problème avec le fait de se retrouver seule. Il fallait peut-être qu'elle arrête de se monter la tête ainsi.

En rentrant chez elle, elle était tellement enthousiaste qu'elle raconta son cours dans les moindre détails à sa famille lors du repas. Elle avait toujours une faim de loup après la gym et se servit de large portion sans s'arrêter de parler. Quelque chose l'interrompit néanmoins : un bruit de cloche s'éleva de l'extérieur et tous se turent et sourirent. Chaque année, la ville faisait sonner les cloches pour annoncer l'ouverture du marché de Noël et le début de la saison de Noël. C'était toujours un moment magique et, alors que le chant des cloches résonnaient encore dans les allées vides, Agathe trouva que ses inquiétudes de ces derniers jours étaient bien ridicules. Peut-être que ce qui comptait réellement dans la vie était simplement des petits moments de bonheur simples, partagés avec les gens qu'elle aimait.

Quelques secondes plus tard, les cloches s'étaient arrêtées et la vie de la petite ville reprenait son cours. Agathe sourit en rejoignant son lit. Il lui semblait qu'il n'existait pas de meilleur sentiment que celui de finalement se coucher après 2h heures intensives de gym, une bonne douche et un repas familial.

En début d'après-midi, elle était prête à passer à côté de tout ça dans le simple but d'éviter Callie. Elle s'endormit sûre d'une nouvelle chose : Le bonheur ne vient pas à ceux qui l'attendent assis.

Le théorème des papillotesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant