Samedi 12 Décembre

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Samedi 12 Décembre :

Agathe avait littéralement comaté toute la nuit. Si bien que quand elle se réveilla, elle avait l'impression d'avoir hiberné plusieurs années. La tête en compote, l'esprit mal réveillé, elle se leva avec la pensées du bon petit déjeuner qui l'attendait. À peine avait-elle ouvert la porte de sa chambre qu'elle entendait les joyeuses conversations de sa famille en bas. Elle sourit. Elle les rejoignit et embrassa sa mère sur la joue en guise de bonjour, puis son père, son grand-père et Isaac.

Wait.
What ?
Isaac ?

Elle lui jeta un regard interrogateur :
- Qu'est ce que tu fais là, toi ?
- Je profite d'un petit déjeuner fort sympathique grâce à ta mère.

En se concentrant sur la table, Agathe se rendit compte que leur invité était bien reçu : brioche, saucisse, haricots, porridge... Il y en avait en quantité et pour tous les goûts. Sauf les pâtisseries françaises, difficilement trouvables par ici (surtout bien moins bonnes), manquaient à l'appel au grand désespoir d'Agathe. Tant pis, elle se rabattrait sur du Porridge, elle s'était découvert une vrai passion pour ces petits déjeuners depuis son arrivée dans le pays de la chance.

Elle mangerait sans doute un ou deux œufs avec. Et quelques saucisses. Et un peu de brioche. Et pourquoi pas des haricots rouges ?

- Ça fait longtemps qu'on ne l'a pas vu, il faut qu'on sorte le grand jeu si on veut qu'il revienne, ria sa mère.

Agathe acquiesça. Elle était heureuse de s'être réveillée à temps pour partager ce moment avec eux.

C'était le genre qu'on oubliait jamais, le genre auquel on se raccrochait quand ça n'allait pas.

Souvenirs.

À vrai dire, ils étaient tous tellement à l'aise qu'ils ne virent pas le temps passer. Lorsqu'ils s'inquiétèrent de l'heure, ils se rendirent compte qu'il était grand temps de manger midi et restèrent donc à table. N'ayant pas le temps de faire de la grande cuisine, et n'ayant de toute manière pas très faim, ils se contentèrent de sortir du riz cantonnais du congélateur.

À la fin du repas, Isaac lança un regard au calendrier et Agathe comprit immédiatement le message. Ils s'intéressèrent donc à la case du jour : le chocolat était en forme de chaussettes de Noël.
Agathe le coupa en deux et partagea avec son ami avant de l'autoriser à découvrir la citation. Il était tout content. Il prit une grande inspiration avant de lire :

- "Fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d'y rester" -Proverbe indien

Agathe eut un petit rire avant que celui-ci ne se bloque dans sa gorge. Elle fixa alors Isaac avec des yeux ronds. Elle avait eu une idée de génie. Étonné de son soudain changement de comportement, son ami regarda autour de lui sans comprendre.

- J'ai gym ce soir, lâcha Agathe avec un immense sourire, comme -ci c'était suffisant à expliquer toute son idée.

- Oui et ?

- Et tu viens avec moi. C'est non-discutable.

Elle savait que temps qu'il ne faisait pas de gym, son club ne verrait aucun inconvénient à sa présence.

- Ça te fera bouger et voir du monde ! Tu ne pourras pas vraiment faire de gym, je te l'accorde, mais tu pourras faire quelques roulades avant quand-même, promis !

Il ne répondit pas tout de suite, semblant considérer l'idée. Elle pouvait le comprendre : il n'était pas retourné en cours pour ne pas avoir à se confronter aux autres. Les autres et leurs biens trop nombreuses questions.

- Il n'y aura que Callie du lycée. Personne te connait, personne ne te demandera quoi que ce soit.

Il finit par acquiescer avec un sourire :

- C'est d'accord. Et puis, il faut bien que je rencontre cette Ava dont tu m'as tant parlé. Un peu trop d'ailleurs, j'ai peur qu'elle ne prenne ma place dans ton cœur. J'ai besoin d'aller espionner la concurrence.

Elle leva les yeux au ciel pour la forme, elle était en réalité bien trop heureuse de retrouver l'humour de son ami pour que celui-ci ne la désespère réellement.

Il sembla songer à la forme du chocolat puisque ses yeux allèrent naturellement se poser sur la cheminée :

- Vous n'avez pas encore installé les chaussettes ?, s'étonna-t-il.

C'est alors qu'Agathe réalisa qu'effectivement, les chaussettes qu'elle avait acheté pour sa famille la veille était toujours dans le sac avec leur DIY ratés.

- Quelles chaussettes ?, s'étonna sa mère.

Agathe leur expliqua la situation alors qu'Isaac faisait un aller-retour chez lui en quête de vêtements de sport.

- On les installera pendant que vous serez à la gym alors, s'enthousiasma son père en prenant ses clés de voiture pour les conduire au gymnase.

Elle acquiesça distraitement puis sourit en se souvenant qu'en fouillant dans le sac, ils allaient tomber sur leur DIY foireux.

Leur groupe de gym était uniquement composé de filles. C'est bien pour cela que la présence d'Isaac amena une toute nouvelle dynamique au cours. Au début, être le centre de l'attention sembla le perturber mais petit à petit, Agathe le vit se détendre. Il put faire l'échauffement avec elle et bouger lui fit un bien fou. Au moment des étirements, ses plaintes de douleurs firent rire toute l'assemblée. Il ne s'en plaignit pas, bien au contraire. Voir les gens heureux avait toujours été ce qui le rendait heureux.

Ensuite, il s'assit dans un coin et observa les filles commencer à faire de la gym. Agathe l'impressionnait réellement : elle avait toujours minimisé son niveau. Certes, elle n'était pas Lorette Charpy, mais elle faisait sans problème des saltos arrière, costal et éléments de souplesse. Il sourit. C'était la première fois qu'il la voyait évoluer dans son milieu, dans un sport qu'elle aimait et connaissait tant. Et puis, elle avait retrouvé Ava et les deux filles s'entendaient toujours aussi bien.

Cette dernière vint lui parler et, sans savoir pourquoi, il était particulièrement méfiant au début. Mais très vite, il comprit que la jeune fille n'était pas le type à planter des couteaux dans le dos ou élaborer d'étranges stratégies pour nuire aux autres. Au contraire, elle était sans doute leur cible préférée : un peu trop cool, bien dans sa peau et calme pour ne pas attirer de jalousie mal-placée.

Lorsque Agathe retourna vers eux, elle fut heureuse de voir qu'ils s'entendaient bien. Ils s'entendaient même un peu trop bien. Lancés dans leurs conversations, ils ne s'attardèrent pas plus que cela sur la présence d'Agathe.

Elle ne comprit pas pourquoi, mais cela l'agaça réellement. Elle songea même à faire la tête à Isaac avant de se rendre compte d'à quel point ce serait puéril.

Elle les laissa donc tous les deux et finis son entraînement les dents serrés.

Lorsqu'ils rentrèrent chez elle, tous se rendirent compte qu'Isaac traînait des pieds et n'avait pas réellement envie de rentrer chez lui. Ses parents lui proposèrent donc naturellement de rester avec eux pour le repas du soir et il hésita :

- On commande des pizzas !, s'exclama le père d'Agathe, après tout, vous en avez besoin après tout ce sport !

- Je ne veux surtout pas m'imposer, expliqua Isaac, je vous ai déjà embêté toute la journée...

Il le pensait vraiment. Alors le grand père d'Agathe se leva, attrapa la manche du jeune homme et le traîna jusqu'au salon avant de lui designer la cheminée : ils avaient bien trouvés les chaussettes qu'Agathe avait acheté à sa famille. Ils avaient également trouvé les DIY. C'est ainsi qu'au côté des chaussettes d'Agathe, de son père, de sa mère et de son grand père, se trouvait "celle d'Isaac" ou plutôt, le DIY qu'il avait fait.

La chaussette n'était pas parfaite mais le moment l'était. Le symbole était fort. Il voulut les remercier, mais les mots se perdirent.

Ils comprirent.
Et ils commandèrent des pizzas.

Le théorème des papillotesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant