Dimanche 6 Décembre

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Dimanche 6 Décembre :

Agathe se sentait merveilleusement bien lorsqu'elle se réveilla ce matin là. Même l'idée d'avoir à se lever pour faire ses devoirs ne fut pas suffisante pour lui plomber le moral.

Elle passa sa matinée à travailler ses cours et, étrangement, il lui sembla que tout était plus simple aujourd'hui. Elle réussit même ses exercices de maths sans trop d'efforts. C'était bien l'une des premières fois qu'elle trouvait la même solution que celle qui était indiquée du premier coup. Un véritable miracle de Noël. C'est donc d'un pas sautillant, renforcé par l'idée qu'elle ne mangerai pas son habituel sandwich aujourd'hui, qu'elle rejoignit sa famille pour le repas du Dimanche. Elle était bien contente de ne pas avoir perdu l'importance française qui était donné aux repas.

Il lui semblait que sa bonne humeur influençait toute sa famille, ils riaient tous, racontaient des blagues et même lorsque son père renversa de la sauce sur la nappe, sa mère se contenta d'un "Rodolphe, enfin !" réprobateur, mais souriant. En bref, rien ne semblait avoir le pouvoir d'assombrir cette journée. 

Pourtant, il semblait que quelque chose perturbait cette ambiance habituelle, sans  qu'Agathe ne réussisse à mettre le doigt dessus. Sa sensation devait être partagée puisque c'est sa mère qui lui fit comprendre ce qui manquait à l'appel. Ou tout simplement, qui manquait à l'appel :

- Ca fait un moment que l'on a pas vu Isaac, tout va bien ?, demanda-t-elle.

Agathe se figea, sa fourchette pleine à mi-chemin entre son assiette et sa bouche. 

Isaac. 

Le maire lui avait dit qu'il avait l'air préoccupé, elle s'était promis d'aller le voir mais avec tout ça, elle avait oublié. Elle s'en voulut et se promit de se rattraper dès cette après-midi.

- Vous vous êtes brouillés, n'est-ce pas ? On s'inquiète, on l'a vu passer et il avait l'air triste. Mais on voulait attendre un peu avant de t'en parler, continua son père avant même qu'elle n'ait pu répondre.

Elle fit non de la tête alors qu'elle se sentait de plus en plus coupable. C'est vrai, ils n'avaient pas reçu la visite d'Isaac depuis plusieurs jours alors qu'il partageait habituellement son quotidien. Toute sa famille s'en était inquiétée sauf elle. Quelle genre d'amie faisait-elle? Surtout que lui avait toujours été là pour elle, à l'écouter se  plaindre de ses problèmes sans grande importance.

Et le maire, qui lui disait qu'il allait mal. Il lui avait dit passer la soirée avec son père. Elle aurait dû appeler, prendre des nouvelles, essayer de savoir comment ça s'était passé. 

Le souvenirs du groupe d'amis d'Isaac montant au self sans lui revint à son tour dans son esprit : elle ne l'avait pas revu au lycée. Avais-t-il manqué les cours tout ce temps? Était-il malade ? Dans ce cas, pourquoi ne lui avait-il pas envoyé un message comme il le faisait d'habitude ?

Elle se souvenait encore avoir dû l'occuper et lui emmener de la soupe toutes les heures la dernière fois qu'il avait eu un rhume, il ne s'était pas dérangé pour lui dire.

Et pourquoi ce silence ?

Agathe ferma les yeux, la culpabilité étant trop forte. Elle l'imaginait déprimé, malade, laissé pour compte dans un coin alors qu'elle se plaignait encore et toujours de Callie sans la moindre pensée pour lui. Elle était une amie absolument affreuse.

D'un bond, elle se leva et remonta les escaliers qui menaient à sa chambre 4 par 4, avant de s'emparer du téléphone et de composer le numéro de son ami.

Pas de réponse.

Elle recommença.

Pas de réponse.

Encore.

Même résultat.

Elle envoya un message, se décida à attendre.

N'attendit que quelques secondes avant d'en envoyer un second.

De rappeler.

Rien à faire, elle ne reçu rien en retour.

Elle tenta de rassembler ses esprits, mais elle ne pouvait pas simplement rester sans rien faire. Elle songea alors à envoyer un message à Carmen, la fille de sa classe qui faisait partie du groupe d'ami d'Isaac pour savoir s'il avait réellement raté les cours. Elle hésita un instant : après tout, elle ne lui avait jamais parlé. Mais elle s'inquiétait vraiment pour Isaac, alors elle finit par contacter Carmen sur Instagram. Celle-ci lui répondit rapidement :

"-Il n'est pas venu au lycée ces derniers jours, on a essayé de le joindre mais il nous a juste dit de ne pas nous inquiéter. On en sait pas plus. Si tu le vois, tiens nous au courant d'accord?"  

Rien de bien rassurant donc.

Elle tenta de se remettre au boulot mais ses pensées restaient irréfutablement tournées vers son voisin. Elle abandonna ses devoirs et songea à faire des étirements pour se changer les idées. La seule chose qu'elle réussit en réalité fut à se prendre le pied dans son radiateur en tentant une équilibre et de tomber lourdement par terre.

Elle rejoignit donc son grand-père en bas et s'installa avec un livre. Son téléphone restait encore bien trop silencieux. Lorsqu'enfin il sonna, elle se jeta littéralement dessus mais ce n'était qu'un message de sa cousine. Elle préféra ne pas lui répondre tant qu'elle était dans cet état et posa son téléphone sur le rebord de son fauteuil. Elle garda les yeux rivés dessus et ne réussit pas à penser à autre chose. 

Finalement, elle songea qu'un chocolat lui ferait sans doute du bien et elle entreprit d'ouvrir la case de son calendrier. Elle dut être un peu trop brusque parce que la citation s'échappa immédiatement et tomba au sol. Elle la ramassa et la déplia :

"- Ce n'est pas tant l'intervention de nos amis qui nous aide mais le fait de savoir que nous pourrons toujours compter sur eux." Epicure

Définitivement, le calendrier se fichait d'elle. Si elle avait espéré trouver du réconfort dans sa lecture, ce n'était clairement pas le cas. C'était même exactement ce qu'elle avait besoin d'entendre pour faire revenir toute sa culpabilité au galop. Elle soupira et saisit machinalement le chocolat. Celui-ci avait une forme de petite maison.

Elle le fixa un instant.

Une maison.

Isaac était littéralement son voisin. Certes, elle n'était allée chez lui que très rarement, mais si elle voulait vraiment des nouvelles, il n'y avait pas 10 000 manières d'y arriver.

Et elle voulait vraiment y arriver.

Elle empiffra le chocolat sans y penser et sortit en prenant à peine le temps de s'habiller pour se protéger du froid. Ce qu'elle regretta dès que le vent de l'hiver lui frappa le visage.

Agathe rejoignit rapidement la maison d'Isaac et fut soulagée de voir qu'elle était allumée. Elle sonna. Après quelques secondes d'attente, elle se retrouva face au père d'Isaac.

- Bonjour, Isaac est ici ? Je peux le voir ? Il va bien ?, l'attaqua-t-elle immédiatement. 

Il baissa les yeux et le sang d'Agathe se glaça dans ses veines. Quelque chose n'allait définitivement pas :

- Isaac est absent. Il n'est pas souvent à la maison en ce moment.

Elle fronça les yeux, Isaac aurait fait n'importe quoi pour passer du temps avec son père elle ne voyait pas quelles raisons pourraient le pousser à éviter son propre foyer.

- Mais que se passe-t-il ?

Il se pinça les lèvres, jeta un regard à l'intérieur de chez lui avant de répondre :

- Je pense qu'il vaut mieux qu'Isaac t'explique. Merci d'être là pour lui en tout cas.

Agathe acquiesça machinalement et le remercia avant de reprendre le chemin de chez elle le pas lourd.

Il était là le problème justement : elle n'avait pas été là pour lui.

Le théorème des papillotesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant