Le théorème des papillotes

Vendredi 11 Décembre

Vendredi 11 Décembre :

Agathe savait avoir un peu remonté le moral d'Isaac grâce à la magie de Noël la veille. C'est donc l'esprit plus léger qu'elle se réveilla. Cependant, elle était loin de considérer que c'était assez : elle aurait aimé avoir d'autres idées et n'aimait pas le fait que son ami soit seul toute la journée. Elle songea un instant à sécher les cours, mais elle savait qu'elle le regretterait. Ses parents feraient en sorte que ce soit le cas.

L'esprit moins préoccupé que ces derniers jours, elle se permit de prendre un grand petit déjeuner et de le savourer. Elle le termina bien-sûr par son chocolat quotidien. Aujourd'hui, celui ci avait une forme de Cadeau. Rien de bien exceptionnel pour un chocolat de l'Avent. Restait à voir ce que sa journée lui réservait. Elle lu ensuite la citation :

"Être seul, c'est le secret de l'inventivité ; être seul, c'est le moment ou les idées naissent." - Nikola Tesla

Elle eut un petit rire. Voilà qu'un bout de papier la prévenait qu'elle allait passer sa journée seule. À vrai dire, cela ne la dérangeait pas plus que ça. Ce qui était plutôt étonnant.

L'esprit toujours tourné vers Isaac, elle rejoignit son lycée. Elle passa sa matinée perdue dans ses pensées à écrire dans les marges de ses feuilles des suites d'idées. Petit à petit, cela se transforma en dessin. Elle traça les contours d'un sapin puis un énorme cadeau rouge à ses pieds. Elle aurait aimé penser à un cadeau de Noël pour Isaac, elle serait allée lui acheter directement et lui aurait donné en avance. Elle en aurait trouvé un autre pour le jour-J.

Mais chaque année c'était le même problème : Isaac aimait plus Noël en général que les cadeaux de Noël. Qu'elle lui offre un voyage à Bali ou un stylo bic, il aurait le même regard qu'un enfant heureux et le même sourire éclatant.

Mais cette fois ci, elle voulait trouver quelque chose qui me sortirait de la morosité actuelle de son quotidien. C'était un tel dilemme qu'elle grogna et laissa sa tête tomber sur la table. Elle avait oublié qu'elle était en cours et donc, que dans le studieux silence, son exaspération ne passerait pas inaperçue. Lorsqu'elle releva la tête, le regard de tous étaient dirigé vers elle, y compris celui de la professeur.

Elle lui lança un regard interrogateur.

- Désolée madame, j'ai simplement une migraine.
- Veux tu sortir ?

Elle fit non de la tête et, après un nouveau regard dubitatif, la professeure reprit son cours. Heureusement qu'elle était une élève sérieuse et qui n'attirait habituellement pas l'attention sans quoi ses dessins auraient été sans doute examinés et elle ne se voyait pas essayer de les expliquer.

Cependant, elle attira l'attention de son voisin de devant, qui se trouvait être Logan. Vous pouvez penser que c'est une bien belle coïncidence qu'elle ait une place juste derrière celle de son crush, mais en vérité, on sait tous ce qu'il se passe lorsque l'on a des vues sur quelqu'un et que l'on doit choisir une place au début d'année. Ne me mentez pas, on l'a tous fait.

Disons simplement que le hasard a très peu de choses à voir là-dedans.

Reprenons.

Agathe donc, vit Logan se retourner les sourcils froncés :

- Tu es sûre que tu ne veux pas sortir? J'ai des médicaments si tu veux.

Elle secoua la tête en souriant, déstabilisée. Le regard du garçon glissa jusqu'à sa feuille. Il sourit face au dessin :

- Ah oui, ça travaille dur à ce que je vois. Il y a quoi dans cet immense cadeau ?

Elle haussa les épaules avant de soupirer :

- Si seulement je le savais.

Il sembla comprendre qu'elle cherchait un cadeau pour quelqu'un et lui glissa :

- Ce n'est que mon avis, mais je trouve qu'un cadeau qui montre à quel point tu connais la personne a toujours plus de valeur.

- Voilà qui m'aide beaucoup, se plaignit-elle.

Il rit et se retourna. Agathe sourit largement de sa courte conversation.

Elle lança un regard a l'horloge et se rendit compte qu'elle n'allait pas tarder à aller manger. Étrangement, elle n'avait aucune appréhension à l'idée de manger seule : c'était même le contraire. Elle avait hâte de partager ce moment avec elle-même.

Quand l'heure fut venue, elle s'installa tranquillement dans un coin à côté du radiateur et sortit son sandwich qu'elle avait pris grand soin de changer.

Elle prit le temps dont elle avait besoin pour savourer tout en réfléchissant au problème Isaac. Elle adora ce moment seule avec elle-même. Finalement, elle appréciait grandement sa propre compagnie. Avec un sourire, elle repensa à la citation du matin même qui collait si bien avec sa situation actuelle. Puis à la forme du chocolat et son sourire s'élargit lorsqu'elle fit le lien entre sa forme et le débat sur son dessin qu'elle avait tenu le matin même avec Logan.

Son regard se perdit sur les affiches et elle détailla un immense poster promotionnel. Le Christmas Project. L'événement était organisé chaque année pour les primaires. Il s'agissait d'une semaine avant les vacances de Noël pendant laquelle les petits inscrits pouvaient participer à différentes activités pour se mettre dans l'ambiance de Noël.

Agathe se figea.

L'ambiance de Noël. Isaac.

Il n'avait jamais fait le Christmas Project et en avait toujours rêvé. Elle le savait. Il fallait qu'elle trouve un moyen de les faire inscrire.

Mais comment faire ? Elle n'allait pas débarquer dans le bureau de la directrice de l'école primaire pour la supplier tout de même ?

Non ce serait vraiment ridicule.

Et pourtant, après être redescendue en courant de la cafétéria pour avoir le temps avant son prochain cours, elle se retrouva à toquer à la porte de la directrice.

Celle-ci l'invita à entrer et fut étonnée de voir que l'élève qui se tenait devant elle avait plus de 9 ans.

- Comment puis-je vous aider Mademoiselle ?
- Serait-il possible d'inscrire un ami et moi même au Christmas Project ?

La directrice cligna deux fois des yeux sans comprendre avant de sourire :

- Vous devez avoir mal lu, ce sont des activités pour enfants d'école primaire.

Agathe acquiesça :

- Je sais, j'ai très bien lu. Mais ne pourrait-on pas s'inscrire malgré tout ? Je vous promets que notre comportement sera des plus exemplaires.

Elle insista encore pendant un bon quart d'heure, mais la directrice resta de marbre et Agathe ressortit du bureau sans avoir obtenu ce qu'elle voulait.

Pourtant elle le savait : c'était LA bonne idée.