21 Juin 1940

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J'aurai aimé.. j'aurai voulu me réveiller ce matin et me dire que tout cela n'était qu'un cauchemar.

Hélas..

Hier, dans la soirée, les Allemands, enfin.. les nazis sont arrivés dans notre ville de Lille.

Si j'avais été encore un enfant peut-être aurai-je été subjugué par la puissance militaire de l'armée allemande.. mais ce ne fut pas le cas.. j'étais écœuré.

Laissez-moi vous raconter la terrible soirée d'hier.

Nous étions tous les six dans la petite véranda de notre maison. Mon père, Henri Fauvier et ma mère Élise. Ma sœur Aude, âgée de quinze ans et les deux dernières, Jeanne et Rose qui ont respectivement sept et trois ans.

La tarte aux groseilles n'avait pas fait long feu, rapidement partagée en six parts.

La table, éclairée par des lampes-tempêtes, avait une allure festive bien que dans les regards de mes parents, comme dans celui d'Aude, une lueur d'inquiétude brillait.

Alors que nous avalions les dernières bouchées, Jeanne demanda:

— Qu'est-ce que c'est que ce bruit, Papa ?

— De quel bruit parles-tu, Jeanne ?

— Vous n'entendez pas ? Demanda t-elle.

Nous tendîmes l'oreille mais sans rien entendre.

Alors que je disais:

— Il n'y a rien du tout..

Un bruit d'abord sourd puis de plus en plus assourdissant parvint à nos oreilles.

Ma mère pâlit et ordonna:

— Faîtes silence ! Aude.. Va coucher Rose et Jeanne. Christian, éteins les lampes.

Je tendis la main vers les lampes et les éteignis. Aude sortit de la pièce, escortée par les deux dernières de la famille.

Nous allâmes au premier étage, proche de la fenêtre. J'y jetais un coup d'œil rapide et ce que j'y vis m'inquiéta.

Aude nous rejoignit à ce moment et nous demanda:

— Que se passe t-il ?

À travers la fenêtre, nous apercevions défiler dans la rue éclairée par les lampadaires, des chars allemands.

— Les nazis. Ils viennent s'installer ici. Répondis-je à ma sœur.

— C'était inévitable.., Soupira t-elle doucement.

Notre mère serra les dents, geste qui ne m'échappa pas.

— Miséricorde.. murmura mon père. Que va t-il advenir de nous ? Allons nous coucher, nous ne pouvons rien faire d'utile ce soir.

C'est le cœur lourd et l'esprit inquiet que nous partîmes nous coucher chacun dans nos chambres, en tâtonnant le long des murs, afin d'éviter d'utiliser tout source lumineuse.

Et ce matin, en me réveillant, je me suis souvenu.. que tout ceci était bel et bien réel.

Mémoires d'un résistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant