28 Juin 1940

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Le soleil était levé depuis environ une demi-heure alors que j'entendis quelqu'un frapper à la porte. Nos parents dormaient encore et mes sœurs aussi. Je m'étais réveillé tôt pour aller poster une lettre au bureau de poste à trois kilomètres de chez nous.

Intrigué et entendant dans la fréquence des coups maintenus discrets, je me dirigeai vers la porte et ouvrait le battant.

J'aperçus aussitôt le visage défait d'un de mes amis.. Samuel Fraun que je connais depuis l'école. Né en France d'une famille juive, je ne compris pas immédiatement pourquoi il paraissait si blême.

— Entre !

Il entra et je le fis asseoir. 

Je lui tendais un verre rempli de cognac et Samuel me remercia en regardant un moment le verre d'un regard éteint. Il contemplait silencieusement le liquide rougeâtre.

Finalement, portant le verre à ses lèvres, il but la presque totalité du verre. Je respirai, soulagé de voir la couleur revenir sur ses traits.

— Qu'est-ce qui se passe ? Demandai-je finalement en m'asseyant en face de lui.

— Cette nuit.. Les allemands sont venus. Ils ont emmené ma famille.. Je n'étais pas là au moment où ils ont été arrêtés. Je les ai suivi et ils les ont mis avec d'autres juifs comme nous.. Et puis.. ils les ont fait monter dans un train. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.. les déportés ne reviennent pas.. 

Il passa sa main sur son visage et un sanglot étouffé lui échappa. Le cœur déchiré, je comprenais sa perte.

— Que puis-je faire pour t'aider ?

— Je.. je dois me cacher.. J'ai si peur de me faire repérer par les Nazis..

— Je vais t'aider.. ne t'inquiète pas ! Je connais un endroit dans la forêt pas loin d'ici. Je viendrai te voir, t'apporter de quoi manger et je préviendrai Mathilde.

Samuel me remercia du regard et je l'accompagnai dans la forêt avoisinante où je connaissais l'existence d'une grotte bien cachée par des végétaux.

Je lui conseillai de rester là en lui promettant de prévenir nos autres amis.

— Je vais déjà prévenir Mathilde ! Lui ai-je dit en partant.

J'espère que tout ira bien pour lui..

Je me suis rendu chez Mathilde, ma plus grande amie. Je la connais depuis si longtemps ! En fait.. si je devais être vraiment honnête, je lui dirai qu'elle me plaît et que je l'admire.

Quand la porte de sa maison s'ouvrit, elle m'adressa un grand sourire avant de m'inviter à rentrer.

— Entre Christian ! Comment vas-tu ?

Je trouve que sa robe bleue lui allait très bien et que sa coiffure était parfaite aujourd'hui..

Je dus me concentrer sur sa question plutôt que sur sa mise..

Je lui expliquai que Samuel était en difficulté et que sa famille avait déjà été déportée.

Elle en fut attristée. Samuel était aussi un de ses grands amis et le savoir en si mauvaise posture l'affectait.

Comme elle habite tout près de la forêt, elle me proposa de se charger d'aller le voir deux fois par semaine alors que je n'irai qu'une fois.

J'acceptai et je la quittai.

Me revoilà, ce soir, à la lueur du feu dans la cheminée. J'écris et je constate que cette écriture si simple est plus que libératrice..

Mémoires d'un résistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant