Chapitre 11

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Rose est parti le lendemain. Quand je me suis réveillé le matin, j'étais seul dans le lit, puis les quelques jours que j'ai passé dans le quartier à la recherche de nouveaux résultats m'ont très vite permis de comprendre qu'il n'y était plus. Son vélo était toujours tristement attaché au même endroit. Il a dit qu'il partait pour un mois. Ça va faire seulement quatre jours et je suis déjà triste de son absence. La vie semble être devenue lourde de nouveau. Retourner à l'université, aller au travail le soir, puis au Boystown. A chaque fois que je décide de partir faire mon enquête, je dis à Emma que je vais voir Jacky. A mon avis, elle sait que je mens, mais comme on ne s'est pas vraiment adressé la parole depuis la dernière fois, elle ne dit rien. Je ne lui pardonne pas sa gifle, ni ses mots, et elle, je suppose qu'elle ne me pardonne pas ce qu'il s'est passé avec Michael. C'est vrai que la plupart des problèmes de notre famille viennent de là. Mais maintenant les choses vont reprendre leur cours. Michael va se marier, il va emporter avec lui tous les soupçons sur notre relation et sur son homosexualité. Dans un mois, il sera de nouveau l'ami de la famille, cette fois ci, marié avec une jeune femme incroyable. Je cligne des yeux pour me concentrer de nouveau.

Je gribouille sur mon carnet les quelques mots de Noam. Ça va faire une heure que je lui pose des questions. Il me raconte ce qu'il pense de la prostitution, de ses clients, des relations qu'il a avec eux. Je note tout, je relance des questions par ci par là et j'évite soigneusement toutes les questions qui parlent de sa vie sentimentale, de peur d'y retrouver le nom de Rose là-dedans. Il sourit, parce que je pense qu'il a remarqué que je n'étais plus vraiment présent avec lui.

— Tu veux savoir autre chose ? demande-t-il.

— J'ai fait le tour de ma grille d'enquête.

Je lui souris, gêné, et range mon carnet dans mon sac. Je relève mon regard vers lui. En fait, il me reste des questions, mais je ne suis pas sûr qu'il veuille réellement répondre à l'une d'entre elles.

— J'aimerais te demander autre chose. Pourquoi tu as encouragé Rebecca a porté plainte ?

Noam me regarde longuement, légèrement hésitant, puis fini par lâcher le morceau.

— Parce que je veux que les coupables payent. Je sais que ce type soit ou non en prison, le gouvernement nous rendra pas la vie plus belle. Mais c'est toujours les mêmes qui meurent, qui se prennent les violences et toujours les mêmes qui sont excusés. Moi je veux qu'ils payent. Je veux stopper l'impunité, que les prochains qui voudront s'en prendre à nous, ils aient peur. La peur doit changer de camp.

— Lili semblait dire que vous deviez agir seuls la dernière fois, faire justice vous-même, sans l'aide de la police. Même toi, tu as dit que tu ne croyais pas en la police.

— J'ai toujours du mal à y croire. Rebecca non plus n'y croit pas.

— Alors pourquoi tu l'as encouragé à porter plainte ?

— Parce que c'est trop facile le silence et qu'on n'a pas le pouvoir de se faire entendre sans lui. Lili n'est pas de cet avis, mais moi, je ne crois pas trop en la révolution. C'est eux qui ont les armes, pas nous. On n'arrivera pas à s'en sortir avec quelques pavés balancés.

— Quand aura lieu le procès ?

— Avant qu'il y ait un procès, il faut terminer l'enquête. C'est aussi possible qu'ils fassent passer tout ça sans suite.

— Ils avaient le coupable, non ?

— Oui, il l'avait.

Et ils l'ont laissé partir.

— Comment va Rebecca ?

— Elle a peur et elle est en colère.

— Tu la connais bien ?

Les oiseaux du BoystownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant