Chapitre 5

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Les lèvres de Rose glissent sur les miennes, tandis que ses mains parcourent mon corps. Je sens une boule de chaleur dans mon ventre. Nos corps se frottent l'un à l'autre, chaque caresse de Rose m'envoie des décharges. J'ai le corps lourd et chaud. Mes bras se resserre contre sa taille, alors que ses lèvres se glissent jusque dans mon cou, remonte à mon oreille. C'est doux, très doux et trop doux.

Je me tourne pour changer de position ce qui me ramène aussitôt à la réalité. Je ne suis pas en train d'embrasser Rose, c'est juste un rêve absurde. J'ouvre les yeux difficilement. Mon corps était si détendu, mais soudainement, je ressens comme un immense nœud au fond de mon ventre. C'était un rêve absurde. Je me redresse légèrement sur mes coudes pour me forcer à sortir définitivement de mon sommeil, les douleurs de la veille me rappelant à la raison. Je tourne la tête vers le côté, Rose est toujours là. Il est soigneusement allongé à côté de moi, mon carnet de notes dans les mains. Je ressens comme une nouvelle décharge, quand je comprends ce qu'il fait. Instinctivement, je tends le bras pour le lui retirer, le laissant retomber sur ses genoux. Il se retourne surpris vers moi.

— Réveillé ?

— Tu n'as pas le droit de lire ça ! m'énervé-je. C'est privé

— C'est privé quand tu écris « Rose définit la prostitution comme un travail avantageux, comme un échange entre lui et ses clients, égal, cherche à banaliser un mode de vie déviant pour mieux le vivre ». Sérieusement ? C'est quoi cette analyse de comptoir toute pourrie ? C'est vraiment à ça que te servent tes études ?

— C'est une analyse comme une autre, rétorqué-je, vexé.

— Et bien c'est faux.

— C'est un point de vue.

— C'est ma vie surtout !

— Ouais, ça ne veut pas dire que tu en as la bonne analyse non plus.

Rose pince les lèvres et je crois qu'il se retient littéralement de m'insulter.

— Et ton analyse à toi elle vient d'où ? Elle se base sur quoi ? Pas sur ta vie et ta vision du monde peut-être ? En quoi tu détiens une soi-disant neutralité ? La bonne version des choses ?

— Je ne prétends pas ça non plus.

— Alors pourquoi tu parles de déviance ? Qui te dit que, de nous tous, c'est moi le dérangé et pas vous ?

— Dans notre société, la prostitution n'est pas une norme, et ça c'est un fait. Je n'ai rien inventé. Et par conséquent, vendre son corps n'est banal pour personne.

— Pour moi ça l'est, me coupe-t-il à son tour. Un corps, n'est pas la propriété du collectif. Chacun en fait ce qu'il veut. Et ce n'est pas ça qui te rend meilleur qu'un autre.

— Alors pourquoi tu n'embrasses pas tes clients si tu te fiches tant que ça de ton corps et de ce que les autres en font ? Pourquoi tu te refuses de leur donner ça ? Si ça n'a aucun sens pour toi...

J'ai l'impression qu'il se ment, qu'il s'enfonce dans un mensonge.. Il prétend se foutre du sexe, de l'amour. Il ne veut pas ressentir de désir, de plaisir, d'amusement. Y'a que l'image d'être celui différent, qu'il donne constamment aux autres qui semble l'importer. Il est celui qui vit en dehors des normes de sexualité, alors paradoxalement, ce qu'il voulait fuir à fini par le définir.

— L'importance que l'on donne à un échange, ça change selon les gens de toute façon, explique Rose. J'ai choisi de me prostituer, de vendre mon corps. Mon corps, pas mes lèvres. Et ce n'est pas parce que je crois que baiser contre de l'argent c'est malsain ou déviant. C'est juste un choix. Une limite que je donne aux gens pour qu'ils se rappellent que je ne suis pas à eux, que c'est moi qui décide, que c'est mon corps et que c'est moi qui choisis ce que j'en fais. Je ne veux pas qu'on pense que j'appartiens à quelqu'un. Parce que je ne veux pas appartenir à quelqu'un. Jamais.

Les oiseaux du BoystownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant