Chapitre 3

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J'enfonce la clé dans la porte de ma chambre. Monsieur Miller nous a dit qu'il fallait qu'on trouve un lieu pour faire nos entretiens, qu'on ait une sorte de bureau pour faire notre enquête. Une chambre directement dans le bordel, je me suis dit que ça pourrait me permettre d'avoir un pied directement sur le terrain. Au départ Rose m'avait parlé d'un studio, puis j'ai très vite compris que le studio était en fait une chambre avec un frigo. Il m'a dit que je pouvais la louer sans problème, qu'il avait un autre appartement, quelque part je ne sais où. J'ai accepté plus pour gagner sa confiance que par réel intérêt pour l'emplacement. C'est absurde de se dire que pour quelqu'un qui ne veut pas répondre à mon enquête, il en fasse autant.

Je tourne la clé dans la serrure. J'actionne la poignée et j'ouvre la porte. J'espère que personne ne saura jamais que je me suis installé ici. Les gens me prendraient pour un inconscient, un suicidaire. Sur le seuil, j'observe le grand lit vide et soigneusement fait. Combien de personnes sont passées dedans ? Je rentre dans la chambre et je referme la porte derrière moi. Je vais m'installer dans une maison close. L'information me monte difficilement au cerveau.

J'ai amené avec moi des draps propres, mais je sais, qu'au fond, ça ne changera jamais les énergies dont sont imprégnées cette chambre. La vieille tapisserie est tachée par le tabac, la moquette a encore des traces d'alcool et le vernis du bureau en chêne est totalement écaillé. Je lance les paquets sur le lit et je me dirige vers la petite salle de bains qui est sur le côté. Un lavabo, un miroir au-dessus, à côté une vieille baignoire et en face des toilettes. Rose est censé me rejoindre d'ici peu de temps et j'essaye de m'accommoder à mon nouveau lieu de vie. De toute façon, je sais qu'il ne m'aurait jamais montré son chez-lui.

J'observe mon reflet dans le miroir, je passe ma main dans mes cheveux pour les rabattre en arrière, mes lèvres qui ne sourient plus vraiment et mes yeux verts peinés qui me supplient d'arrêter de faire n'importe quoi. J'ai promis d'essayer. Je me suis promis d'essayer de comprendre un monde qui n'est pas le mien. Si je suis dans cette chambre aujourd'hui, il y a une raison. Et puis, cette maladie ne se transmet pas comme ça.

Je retourne dans la pièce principale et je m'assois sur le lit. J'ai préparé quelques questions pour ce premier entretien alors je les relis rapidement. On frappe à ma porte et je bafouille un ridicule « Entrez » en me relevant précipitamment. Je sais que c'est Rose, mais l'idée d'être ici me réjouit tellement peu que n'importe quelle visite me rend mal à l'aise. La porte s'ouvre sur lui. Il a un large sourire aux lèvres. Il porte toujours ces boucles d'oreilles, mais cette fois ci, il ne porte pas de maquillage.

— Salut, commencé-je.

— Salut.

Il avance vers le lit et se jette littéralement dessus. Je le regarde surpris, mais j'essaye de ne rien laisser paraître. C'est Rose, ce qui serait étrange, c'est que je trouve ses faits et gestes normaux de toute façon. Depuis le début, il agit de manière totalement opposée aux réactions que je pourrais avoir. Alors que moi, j'ai juste envie de m'enfuir en courant de cette chambre, lui il se plaît à s'allonger sur le lit. Il étend ses bras au-dessus de sa tête pour pouvoir s'étirer et son tee-shirt gris se soulève légèrement pour laisser apparaître la peau sous son nombril. Je m'assois à côté de lui, mon carnet toujours à la main.

— Tu vas bien ? demandé-je.

— Oui. Donc tu as des questions ?

— Tu veux commencer maintenant ?

— Ce n'est pas comme si on avait autre chose à se dire, me fait-il remarquer.

Je me retiens de lui faire remarquer que c'est bien triste, s'il suppose que la partie où il se prostitue est la plus intéressante de sa vie.

Les oiseaux du BoystownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant