Chapitre 14

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Rose et moi, nous avons repris la route dès que nous avons retrouvé la voiture. Nous avons foncé jusqu'au Colorado national museum pour pouvoir voir ses canyons et le couché de soleil, puis on a repris vers le Parc national de Canyonlands. Nous avons dormi dans la voiture et nous nous sommes réveillés à cinq heures pour voir le lever de soleil. Notre balade de la veille nous avait donné envie de voir tous les parcs nationaux du pays, alors nous avions presque laissé tomber l'idée d'aller dans des motels pour faire du camping sauvage. Pour tout avouer, après une nuit dans la voiture, j'ai déjà changé d'avis. Je me redresse pour faire craquer mon dos. J'ai mal partout et je sens tout mon corps manquer de sommeil. Je n'ai pas vraiment réussi à fermer l'œil de la nuit. J'ai passé mon temps à me rouler en boule pour me réchauffer, puis à changer de côté, me redresser, me remettre en boule et tourner, tourner, tourner. Rose à côté, dormait paisiblement. Aucune idée de comment ce type a fait.

J'ouvre le pare-soleil pour observer mon reflet dans le miroir. Je suis blanchâtre, j'ai deux énormes valises sous les yeux et les cheveux monstrueusement gras. J'attrape l'élastique qui est autour de mon poignet et attache mes cheveux en un chignon au-dessus de la tête.

— Tu as une sale tête

— J'ai remarqué

— Tu veux qu'on s'arrête à la prochaine superette qu'on croise.

Je fais oui de la tête et reporte mon attention sur la route. Je ne me lasse pas des paysages de plus en plus désertiques, des montagnes, des cours d'eau. Au loin, j'aperçois un panneau qui annonce la direction à prendre pour aller à Los Angeles. Nous ne sommes plus si loin de Michael.

*

Je sors des toilettes pour rejoindre la supérette. Me laver rapidement le visage et les aisselles m'a fait un bien énorme. Je puais terriblement. Je cherche Rose à travers les rayons, il est resté figé devant une barre de chocolat. Je souris avant de passer devant lui. J'attrape un paquet de chips et une bouteille d'eau et me dirige vers la caisse. L'épicier me regarde méchamment, même lorsque je lui tends la monnaie. Il m'encaisse, bougonne et je reporte mon attention vers Rose.

— Tu prends quelque chose ? , demandé-je

— Non, c'est bon. Tu peux conduire ?

J'acquiesce d'un geste de la tête.

— Je passe aux toilettes avant, me prévient-il.

Rose me lance les clés, je les attrape au vol et sort de la boutique. J'entre dans la voiture et ouvre le paquet de chips que je commence à grignoter. J'observe de nouveau le panneau pour Los Angeles. Le mariage est dans une semaine. Dans une semaine, Michael sera marié et nous deux, ça sera définitivement de l'histoire ancienne. Tout sera derrière nous. Moi, je devrais continuer de vivre cette nouvelle vie qui ne me ressemble pas, qui n'a jamais été la mienne. Lui la sienne. Le mariage. La maison. Les enfants. J'attends le moment où ça fera mal. Je sais que ça fera mal. Même si je l'oublie, même si j'avance, perdre Michael va définitivement faire mal et j'attends juste que ça arrive. Je perdrais le « nous », je perdrais le « moi » du « nous ».

Un coup de feu me fait sursauter. J'aperçois dans le rétro Rose qui court dans ma direction. Il ouvre la porte à la volé et hurle

— Démarre !

Il n'a pas encore refermé la porte que je tourne la clé dans la voiture et appuie sur l'accélérateur. La voiture démarre dans un crissement atroce. La porte de Rose claque et j'entends de nouveau un coup de feu qui ricoche contre ce que j'imagine être le phare arrière. Je tourne le volant rapidement et reprend mon accélération. La voiture s'élance sur la route et j'entends de nouveau un coup contre la carrosserie. Puis un second, dans le vent. On est tous les deux baissés et j'ai le cœur qui bat à fond.

Les oiseaux du BoystownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant