Mission Cendrillon

9

Vendredi, 22h.

Le reste de ma semaine est passée en un éclair. J'ai réussi à ne pas recroiser Lars, qui est constamment entouré de gens, afin de ne pas me ridiculiser plus. S'il m'oublie, je dois avouer que cela m'arrange. Ava rode toujours à ses côtés ce qui me mets d'autant plus mal à l'aise. Lila, quant à elle, a tout calculé afin d'avoir un maximum de chances de croiser son Eunji.

J'ai suivi Alban dans les magasins de luxe. Il a souhaité me relooker entièrement afin que « je ne fasse pas honte à la Famille ». Je me retrouve donc vêtue d'une longue robe moulante bleue, qui démarre en bustier et fini jusqu'à mes pieds en ondulant. La couleur se dégrade, passant du pastel au sombre. J'ai eu le droit aux escarpins taille haute et petit sac à main qui va avec. Heureusement que ma mère m'a appris à marcher avec à mes seize ans. Pendant un moment, je l'accompagnais souvent sur les tapis rouges.

Pour ma plus grande joie, j'ai simplement eu à lisser mes cheveux et les garder détachés, et j'ai pu conserver mes piercings, celui au nez comme mon petit écarteur à l'oreille. Je voulais faire soft pour le maquillage, mais Alban ne m'a pas laissé le choix : j'ai eu le droit au rouge à lèvres et vernis noir, ainsi qu'un dégradé de gris autour des yeux. Je dois avouer que tout cela ressort plutôt bien. Cependant, avec ma couleur de cheveux improbable, je dénote un peu trop dans le paysage. Depuis que nous sommes arrivés à l'opéra je vois nombre de petits bourgeois chuchoter avec haine ou me regarder d'un air blasé.

La représentation finie, nous sortons de notre loge privée avec Clovis. Mon père et mon autre demi-frère sont logés avec les autres « hommes ». Heureusement que ma mère n'est pas là, elle aurait surement hurlé au scandale. Je la comprends tout à fait, mais je suis bien contente de m'être seulement retrouver avec mon plus jeune frère. Lui ne me juge pas lorsque je somnole. J'adore la musique d'opéra, cependant rester concentrée pendant trois heures est compliqué. Pourtant j'aurais bien aimé être dans la fosse avec les musiciens à jouer du violon. Un rêve de jeunesse de plus broyé par l'académie Mozart. Ça ne me fait pas aussi mal que ce que je pensais. Je suis bien trop focalisée sur ma disparition imminente. Plus qu'une heure à tenir.

Nous nous arrêtons face aux escaliers afin d'attendre Alban. Niveau adaptabilité, on ne peut pas dire que l'opéra de notre ville soient des champions ; aucun ascenseur ou accès handicapé. Mon petit frère pesant son poids grâce au sport, je ne peux plus le porter seule depuis quelques années. Les yeux des autres glissent sur nous. Je tente de ne pas grimacer.

—Je ne sais pas comment tu fais pour supporter ça, murmuré-je rageusement à Clovis.

—Oh, ça, c'est facile.

Il fait un énorme sourire aux filles qui passent ainsi qu'un petit signe, et elles gloussent en partant, certaines toutes rouges.

—C'est les gènes du beau-gosse, j'ai l'habitude qu'on m'admire.

Il me tire la langue. C'est vrai qu'avec ses yeux d'un bleu pur, ses cheveux blonds ébouriffés et sa peau légèrement mate, il est l'archétype du héros séducteur dans les fictions pour ado. Enfin, à quelques détails près.

—Asche, c'est toi ? me surprends une voix sur ma droite.

Je me tourne pour me retrouver face à un jeune qui me dit vaguement quelque chose. Un visage aux traits asiatiques, une peau dorée, des yeux noirs en amande. Son costard sombre est parfaitement taillé. Puis une réminiscence arrive lorsque j'aperçois la bague en forme de dragon à son doigt.

—Ha, Nathan ! Ca fait longtemps ! lui sourié-je.

—On devait avoir douze ou treize ans la dernière fois je crois.