Alexander
J'ai hérité de ses parts de l'entreprise familiale et ma sœur m'a revendu les siennes avant son mariage. Je suis donc propriétaire de 50% du magasin. Et pourtant, je travaille. Ici. Tous les jours. J'ai besoin de m'occuper l'esprit, de contrôler quelque chose, tout le temps.
L'assistante de mon oncle, Candy, lance une chanson sur son IPhone, certainement pour détendre l'atmosphère. La guitare acoustique de Scared to Be Lonely de Thomas Daniel résonne dans la salle. Et magie de la musique, les conversations reprennent.
Contrairement aux autres réunions, je décide, un peu contrarié par l'attitude de John, de rester avec les autres managers pour boire un café. Mon oncle m'invite à le rejoindre près du buffet garni de boissons et de viennoiseries. Son assistante part, ou s'échappe sans doute, retrouver un groupe de collègues qui ont l'air de bien s'amuser, eux.
— Alex ! Tu ne t'es pas enfui cette fois ? me demande t-il avec un sourire.
Si je ne le connaissais pas, je pourrais croire qu'il se moque de moi. Mais en fait, pas du tout. Il a endossé le rôle de père de substitution après la mort de nos parents. C'est son amour pour nous qui nous a sauvés Marcia et moi. John Johnston a su me remettre en selle, à me motiver pour finir mes études, à me garder sur le droit chemin. Je ne peux que lui en être reconnaissant. Sans lui et sans Mary, j'aurais sombré. J'ai enfermé mes émotions et ma culpabilité à double tour et j'ai avancé. Et j'avance encore.
— Non, et moi aussi je bois du café. Ça m'arrive. Je ne suis pas un robot tout de même, ricané-je.
— Parfois, j'en doute.
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il veut dire par là?
— Alexander, mon petit, tu vas bientôt avoir trente-trois ans. Et à l'approche de Noël, je suis encore plus inquiet pour toi. On en a discuté avec Mary. Et ta tante pense comme moi. Il serait peut-être temps que tu t'amuses un peu, que tu trouves une gentille épouse, que tu t'installes, que tu fasses des enfants, que tu prennes des vacances, que tu vives bon sang ! s'enflamme t-il.
Il me regarde dans les yeux.
— Et, comme tous les ans, Mary et moi voudrions t'inviter pour le réveillon de Noël, annonce t-il plus calmement.
— Tu es dur, John. Je ne viendrai pas pour le réveillon. Comme chaque année. Je ne peux pas. Tu le sais. J'irai voir Mary pour le lui dire et lui faire un bisou. Et arrêtez de vous inquiéter pour moi. J'aime ma vie telle qu'elle est. J'aime mon boulot. Je n'ai pas besoin d'une gentille épouse que je tromperai avec la première assistante qui passe la porte de mon bureau...
Joli tacle pour mon cousin..., mon oncle lève les yeux au ciel.
— Et si ça peut te rassurer, il m'arrive de me détendre. J'ai même un rendez-vous ce soir, essayé-je de tempérer.
— D'accord, si tu le dis, soupire t-il pas dupe pour deux sous.
Mon rendez-vous s'appelle Tatiana.
En réalité, c'est une jolie escort-girl, grande, blonde et aux jambes interminables, que j'apprécie et que j'appelle à l'occasion. En fait, tous les jeudis. Si elle n'est pas disponible, Sonia ou Felicity font l'affaire aussi. Pas de sentiment. Pas d'attache, quoique dans certains cas attacher c'est cool... Que du sexe. Rémunéré. Toujours dans une chambre d'hôtel. Pas de fleur. Pas de petits cœurs roses. Pas de chocolat. Pas de guimauve non plus. Surtout pas de guimauve. Tout est cadré. Millimétré. Pas de surprise. Même s'il m'arrive de faire un extra en boîte de nuit de temps en temps.
En matière de sexe comme en matière de travail, je contrôle pour atteindre la perfection, pour ne pas me laisser déborder.
Aucun grain de sable n'a encore enrayé cette machine bien huilée.
Et ce n'est pas prêt d'arriver.
À suivre ...
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Un Ange en Cadeau
RomanceLes anges se sont peut-être chargés de les réunir, mais leur passion promet d'être aussi chaotique que culottée... Fantine Qu'est-ce que je fiche à New-York déjà ? « Un vent de fraîcheur pour retrouver l'inspiration » qu'elle disait. Ouais, je t'en...