Un Ange en Cadeau

Chapitre 12

Alexander

Il y a une vingtaine de personnes déjà assises, y compris les trois autres managers d'étage. Je m'occupe de tout ce qui concerne le rayon « Beauté » au rez-de-chaussée, Patricia au premier gère le rayon « Accessoires et Maroquinerie », au deuxième, le rayon « Vêtements » est sous la responsabilité de Marcus et enfin le troisième consacré aux « Arts de la table » est à Vanessa.

Le plus gros des saisonniers sera avec moi puisque nos ventes à Noël concernent surtout la parfumerie. Mes vendeurs viennent du monde entier. Italie, Angleterre, Japon et France, bien sûr.

Je cherche parmi eux ma petite énervée. Je ne la trouve pas. Face à eux, trois fauteuils sont libres, le quatrième est occupé par Candy. Je m'assieds à côté d'elle. Je lui fais un signe de la main et lui demande les fiches de mon étage. Elle me donne la chemise. Je n'ai pas le temps de l'ouvrir que mon oncle commence.

— Mesdames, messieurs, bonjour. J'espère que vous avez fait bon voyage depuis votre pays d'origine. Je suis John Johnston, président de J&J's. Et voici Jonah, mon fils, et Alexander, mon neveu, nous présente t-il. Cette enseigne est avant tout une affaire familiale qui existe depuis 1873. Les initiales J et J sont pour Jasper et Janet, mes ancêtres, qui ont ouvert leur premier grand magasin, ici à New-York. Je vais passer la parole à mon fils.

— Bonjour, je suis donc Jonah. Ici, sur votre droite, vous avez les managers des étages un à trois, dit-il en les désignant. Alexander a la lourde responsabilité du rez-de-chaussée. Chacun d'entre vous a passé un entretien qui a validé votre embauche. Votre mission commence donc dès demain et ce, jusqu'au trente-et-un décembre. Demain, le magasin est exceptionnellement fermé aux clients...

On pourrait penser qu'il est sérieux et investi par son travail. Alors que moi qui le connais par coeur, je sais qu'il n'en est rien. Il est là par héritage, par tradition. Une tradition qui l'étouffe.

Perdu dans mes pensées, je ne me suis pas rendu compte que Candy continue le discours de bienvenu. Elle parle de tous les aspects pratiques.

Jonah me tapote discrètement le bras. Je me tourne vers lui. Il me fait signe avec les yeux de regarder un point précis.

— Psstt, la fille, me chuchote t-il.

Je lève les yeux et suis la direction de son regard. Je la trouve enfin. Elle est assise tout au fond, les mains sur ses genoux, sur lesquels elle a posé toute la documentation que leur a donnée Candy. Elle a les yeux baissés. Je ne peux pas détacher mes yeux de sa silhouette. On dirait un bonbon acidulé enrobé dans un emballage de paillettes. Elle détonne avec son style particulier. Je ne suis pas indifférent mais ça ne cadre pas avec nos valeurs. Ça ne va pas le faire. Désolé jolie pixie, mais tu as fait le voyage pour rien. Mon oncle me demande en chuchotant le dossier sur mes vendeurs. Je le lui tends sans tourner la tête. Elle doit sentir mon regard sur elle. Impossible autrement.

— Alexander, tu as étudié les fiches ? demande mon oncle.

— Non pas encore. J'ai fait confiance à Candy. Pourquoi ?

Je ne détache pas les yeux de ma cible.

— Pour rien, murmure t-il.

Je me tourne un quart de seconde pour le voir sourire en coin à la vue d'une fiche.

Au moment où je repose mon regard sur ma pixie, elle lève la tête.

Et là, les deux billes les plus grandes et les plus bleues turquoise que je n'ai jamais vu se plantent dans mes yeux et me fusillent.

Je suis mort.

À suivre...