FORTERESSE

XV | Des dents un peu tordues

Chapitre 15 : Des dents un peu tordues

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Leslie échangea un regard avec Elvis qui se grattait nerveusement la nuque, toujours très embarrassé. Elle ramassa son sac ainsi que celui d'Anie car elle doutait d'avoir à repasser ici et tira son ami par la manche.

Ils retrouvèrent Anie adossée contre la façade de l'immeuble, passablement énervée.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda Leslie en posant sa main sur le bras de son amie.

Elvis passa un bras autour de ses épaules et elle se laissa aller quelques secondes contre lui avant de se ressaisir et de se redresser brusquement.

— Ma mère est désespérément amoureuse de mon père... son unique travail consiste à s'afficher à ses côtés lors de déjeuners d'affaire pour qu'il puisse montrer qu'il possède une femme magnifique. Montrer, toujours montrer. Il montre aussi qu'il a assez d'argent pour rouler en Jaguar. Il montre aussi qu'il possède une belle montre. Il montre aussi ses costumes pur mérinos. Il montre, il montre toujours, il n'aime que ce qu'il peut montrer. Il aime bien pouvoir montrer sa jolie fille blonde à lunettes à l'air bien sage lorsqu'il est invité chez des amis. Il aime dire que j'ai des bonnes notes partout sauf en sport, parce qu'on ne peut pas réussir dans tous les domaines, puis il lâche un petit rire et tout le monde le suit. Et tout le monde l'admire. Et les femmes tournent autour de lui comme des mouches autour d'une merde ! Et ma mère est très jolie, très riche, très soumise, c'est parfait pour sa réputation. J'en ai marre de la voir comme ça ! Elle ne fait rien de sa vie à part montrer sa beauté aux amis de mon père ! Et puis mon frère bah c'est le petit garçon un peu turbulent, très mignon, qui veut devenir pilote de chasse et qui fait la fierté plus des amis de mon père qu'à lui-même. Mais tout le monde rigole et personne ne croit en lui, parce que ce n'est qu'un gamin après tout et c'est bien drôle de pouvoir rire de ça, puisqu'ils n'ont aucun autre sujet de conversation ! Et à tous les coups ma mère va balancer que j'ai un copain et la prochaine fois on me posera plein de questions sur lui ! J'en ai marre de ma vie !

Anie sanglota contre Elvis qui ne savait plus du tout où se mettre. Leslie se retint de faire des commentaires sur le fait qu'ils ressemblaient à un couple, pour une fois elle se la mit en veilleuse, consciente que ce n'était pas du tout le moment approprié.

— Je suis désolée pour toi Anie, mais je ne vois pas ce que tu peux faire... dit Leslie. Je t'ai pris ton sac, au fait.

Elle posa leurs deux sacs par terre et la regarda s'essuyer les yeux.

— Je sais, y a rien à faire, dit Anie, tremblante.

— T'as déjà dit tout ça à ta mère ? demanda Elvis.

— Oui... mais elle n'écoute pas. Elle ne me prend pas au sérieux et elle retourne se jeter aux pieds de mon père !

Elvis caressa maladroitement les cheveux d'Anie, ne sachant toujours pas comment réagir. Au bout d'un moment, elle s'écarta de lui.

— J'ai honte de me plaindre alors que toi tu n'as même plus de famille, dit Anie en essuyant ses larmes.

— Oh ne t'inquiète pas pour ça, je suis bien placée pour comprendre que toutes les familles ne sont pas unies comme elles devraient l'être... soupira Leslie.

— EEEEH ! LESLIIIIIE ! hurla la voix de Sarah à l'autre bout de la rue.

Leslie se retourna lentement pour voir ses deux meilleures amies se précipiter vers elle.

— Vous n'êtes pas en cours ? demanda Leslie, étonnée de les voir.

— Non ! Hier après-midi il y a eu un incendie et ça a provoqué une petite fuite de gaz. Par précaution ils ont fermé le lycée pour la matinée au moins, expliqua Primerose.