IV | Monsieur Ackermann

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Chapitre 4 : Monsieur Ackermann

   Leslie sortit une feuille et un stylo puis rangea sa trousse dans son sac. Une fois que tout le monde eut sorti une feuille et que le prof eut enlevé son manteau, il tira une table cassée qui traînait dans un coin et vint la mettre devant le tableau. Il alla ensuite chercher la corbeille à papier fraîchement vidée par la femme de ménage l'heure précédente et la posa sur la table. Puis il prit un feutre et commença à écrire sur le tableau blanc : « Monsieur Ackermann » d'une écriture en pâte de mouches. Toute la classe le regarda faire, intriguée.

   — Il est fou ? C'est quoi son délire avec la poubelle ? chuchota Leslie.

   Anie haussa les épaules.

   — C'est peut-être une technique d'enseignement argentine ? plaisanta-t-elle.

   — Bien. Je suis Monsieur Ackermann. C'est ma première année d'enseignement en France, la merveilleuse éducation nationale ne m'a informé de mon poste qu'hier, c'est pourquoi vous avez eu ce remplaçant jusqu'à aujourd'hui. Je suis donc aussi votre professeur principal. J'espère que tout se passera pour le mieux, dans le respect. Bon, vous avez tous une feuille ? Écrivez votre nom sur cette feuille. Oh pas besoin de l'écrire en tout petit dans un coin, vous pouvez l'écrire en plein milieu avec votre écriture la moins soignée si ça vous fait plaisir.

   Leslie écrivit donc son nom en lettres bâtons en plein milieu de la feuille. Après quelques chuchotements et grattements de stylos, le prof continua :

   — Quelqu'un aurait-il un feutre indélébile ? Ou un feutre qui écrive sur du plastique ? demanda-t-il.

   Leslie échangea un regard avec Anie, elle ne voyait vraiment pas où Monsieur Ackermann voulait en venir.

   — Moi j'en ai un, dit Leslie en le prenant dans sa trousse.

   — Très bien, venez au tableau s'il-vous-plaît, demanda-t-il.

   Un peu inquiète d'être au centre de « l'expérience » de ce professeur bizarre, elle vint à côté de lui avec son feutre indélébile, en se sentant empotée, inutile et débile.

   Ses yeux étaient quand même incroyablement noirs... elle aimait bien son regard... Elle se mit trois gifles mentalement.

   — Écrivez le mot « but » sur la corbeille.

   — Hein ? s'exclama-t-elle, totalement perdue.

   — Faites ce que je vous dis, vous comprendrez après.

   — Heu... d'accord... marmonna-t-elle en écrivant donc « But » sur la poubelle.

   — Merci, vous pouvez retourner à votre place, lui dit-il.

   — Déjà ? demanda-t-elle, étonnée d'avoir autant servi à rien.

   Il hocha la tête. Complètement perdue, elle retourna à sa place.

   — Maintenant, écrivez sur votre feuille ce que vous voulez le plus pour l'avenir, votre ambition. Vous avez deux minutes chrono. Personne ne lira cette feuille, pas même moi, alors vous pouvez écrire des choses personnelles.

   Il sortit son téléphone, regarda l'heure puis le posa sur le bureau. Il alla ensuite s'installer sur la chaise du bureau dans une position beaucoup trop virile qui fit glousser les filles de devant. Leslie se retint de le regarder et commença à réfléchir. Qu'est-ce qu'elle voulait faire plus tard ? Est-ce qu'elle était obligée d'écrire un métier précis ? Elle leva la main pour demander.

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