5 - Remus

962 80 3
                                    

Alors qu'il se trouvait dans son lit ce soir-là, Remus avait du mal à trouver le sommeil. Il n'avait jamais été de ceux qui s'endormaient à peine l'oreiller effleuré. Il avait toujours réfléchi, pensé de manière excessive, surtout le soir. Son esprit carburait plus qu'il n'était raisonnable et il n'avait jamais su l'en empêcher. Mais ce soir-là, il ne cessait de revivre la journée dans sa tête. Cette conversation, qu'il avait eue avec Sirius, avait fait naître des interrogations nouvelles dans son esprit. Car pour lui, qui se posait toujours mille questions, la question amoureuse n'en avait paradoxalement jamais été une. Il s'était toujours imaginé le couple, la vie de famille, comme quelque chose de très lointain. Il se disait souvent qu'il verrait. Que ce n'était pas le moment, que ce n'était pas vraiment important. Parfois germait en lui l'idée que, en raison de sa condition, il serait probablement difficile de trouver quelqu'un qui veuille bien partager sa vie. Il savait que ce devait être un fardeau de vivre aux côtés d'un Loup-Garou. Pour autant, il ne s'était jamais imaginé finir sa vie seule. Il continuait d'espérer qu'il pourrait, un jour, trouver quelqu'un qui fût suffisamment éprise de lui pour faire ce sacrifice. Peut-être même une Louve-Garou. Il n'avait pas été jusqu'à s'imaginer en père de famille, car il connaissait le risque qu'il y avait de transmettre sa lycanthropie à l'enfant. Mais il pensait pouvoir être heureux, même sans descendance. 

Cependant, il ne s'était jamais posé la question du genre de cette personne qui partagerait sa vie. C'était une perspective lointaine, aussi n'y avait-il jamais vraiment réfléchi de façon pratique, concrète. Sirius y avait-il donc réfléchi, lui, pour savoir qu'il ne souhaitait pas partager sa vie avec une femme ? Ou bien était-ce tout simplement une évidence pour lui, depuis toujours ? Comment avait-il su ? C'étaient autant de questions qui se bousculaient dans son esprit. Comment savoir ? Il n'en avait aucune idée. Il ferma les yeux et essaya de se projeter dans un futur lointain, hors de Poudlard, diplômé, plus mature. Il avait du mal à visualiser. Il essaye de s'imaginer en compagnie d'une femme, se baladant main dans la main, dans la rue. Cette vision lui procura un sentiment de paix et de calme particulièrement agréable, si bien qu'il crut s'y perdre. Il s'imagina embrassant cette femme, posant sa main sur sa taille, appréciant le contact de ses lèvres sur les siennes. C'était la première fois qu'il aventurait son imagination aussi loin dans le futur. Non pas qu'il n'eût jamais eu l'envie de laisser ses pensées vagabonder à l'idée d'un tel partage avec une jeune fille, mais c'était toujours resté à l'état de pensée furtive, de dimension charnelle. Il n'avait jamais vu cela sous un angle sérieux, amoureux, marital même. 

Il rouvrit les yeux dans la pénombre du dortoir et fixa le plafond de velours rouge. Il cala naturellement sa respiration sur celle de ses camarades de chambrée. Sirius dormait à quelques mètres de lui, il pouvait entendre sa respiration légèrement sifflante. Remus ferma les yeux à nouveau. Il s'imagina à nouveau dans cette même rue, adulte, plus tard. Cette fois, la personne dont il prenait la main avec les contours d'un homme. Si cette vision lui paraissait tout aussi agréable que la première, il avait cette petite sensation en arrière de la tête, qui voulait absolument ajouter à sa scène des silhouettes aux regards instigateurs tout autour d'eux. Il voulait les effacer. Il n'était pas en train de se demander laquelle des configurations lui assurerait un futur plus à l'abri des regards. Il voulait savoir si ces deux situations paraissaient aussi agréables et acceptables à son imaginaire. Ce n'était peut-être pas ainsi qu'il devait procéder pour savoir si, oui ou non, il aimait les hommes autant que les femmes. Mais c'était la seule méthode qui lui semblait accessible en cet instant. De la même manière qu'il l'avait fait quelques minutes plus tôt, Remus s'imagina embrassant ce même visage masculin, qui ne ressemblait à personne. Il esquissa un vague sourire et rouvrit les yeux. 

Il n'avait vu aucune différence. Ces vision, quelles que fussent leur configuration, lui paraissaient toutes aussi agréables l'une que l'autre. Que cela signifiait-il ? Il n'était pas plus avancé. Il avait du mal à mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Il avait en fait l'impression que l'inconnu avec qui il voulait partager sa vie n'avait pas de genre. Il s'imaginait un être aimé. Il s'imaginait une silhouette vague et sans visage qui, par dessus tout, serait capable de l'aimer. Et il voulait l'aimer aussi. Y avait-il réellement besoin de faire un choix ? Ne pouvait-on pas aimer un être pour ce qu'il était, tout simplement ? 

Épuisé par toutes ces questions sans réponses, Remus se tourna vers le côté, décidé à trouver le sommeil. Il n'était pas sûr de pouvoir en obtenir, des réponses. Peut-être bien que c'était tout à fait plus compliqué que cela. Bien sûr. L'état dans lequel s'était mis Sirius en témoignait. C'était infiniment plus compliqué que cela.

Quatorze févrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant