Quatorze février

16 - Sirius

Le loup était devenu complètement fou, et Sirius ne pouvait s'empêcher de penser que c'était bien Remus, son ami, qui se trouvait sous cette fourrure. Le sang qui perlait sur l'herbe était le sien. D'un bond souple, il grimpa sur son dos pour attirer son attention et constata avec horreur que sa peau était lacérée, résultat de ses précédentes tentatives pour l'éloigner de Peter. Il avait griffé Remus jusqu'au sang. Il réprima la nausée qui lui venait et bondit à nouveau sur l'herbe, dans une vaine tentative pour désorienter le loup.

La tentative n'était pas si vaine que ça, James s'acharnant à faire de même de l'autre côté. Le loup semblait se calmer, plus agacé par le petit jeu des deux animaux qu'intéressé par la présence d'un humain. Peter était introuvable, mais l'important était surtout qu'il parvienne à maintenir sa forme de rat. Le loup feulait, tournait en rond, regardant tour à tour le cerf et le chien qui l'importunaient mais qui ne l'intéressaient pas. Le temps sembla s'égrainer avec une lenteur affolante. Puis, enfin, le ciel commença à s'éclaircir, et le loup se fatigua. La bête se prostra dans l'herbe, et Sirius se rapprocha de James, épuisé. Il avait les muscles douloureux, quelques griffures superficielles, mais dans l'ensemble, il allait bien. James semblait bien se porter également, et Peter approcha bientôt, sous sa forme de rat, tremblant et décharné. Sur la pelouse, dans l'obscurité à peine éclaircie, Remus n'était plus qu'un tas informe et tremblant. Sa peau était redevenue lisse. Ses os semblèrent rentrer dans sa chair, ses membres décroître. Sirius ne voyait pas son visage, mais il pouvait deviner son museau qui disparaissait au profit de son nez, ses iris qui se coloraient à nouveau. Ce spectacle-là n'était pas plus réjouissant que celui du début de la nuit.

Son cœur battait encore trop vite. Les images de la nuit se bousculaient dans son esprit. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé, mais ce n'était pas le moment d'en discuter. Il regardait Remus, prostré, le dos écorché, un violent sentiment de dégoût et de culpabilité fiché dans la poitrine. Enfin, lorsqu'il sembla que leur ami avait totalement repris forme humaine, James, Peter et Sirius quittèrent leur Animagus. Inquiet, Sirius se précipita vers Remus. De près, les blessures qui parsemaient son dos étaient impressionnantes, bien que superficielles. C'est moi qui ai fait ça, songea Sirius avec dégoût. Pour protéger Peter et protéger le loup de lui-même, certes, mais tout de même. C'était lui. Il s'agenouilla auprès de Remus et posa une main sur son épaule.

- Est-ce que ça va ?

Remus était incroyablement pâle, plus encore que d'habitude. Il s'efforça de se redresser, mais il laissa échapper un gémissement. Sirius entraperçut une large griffure sur son torse barbouillé de sang brun. Comment tout cela avait-il pu arriver ? Il se releva d'un bond et récupéra sa baguette posée sur l'uniforme de Remus. James et Peter observaient la scène à deux pas de là, visiblement retournés eux-aussi. En fait, Peter était si pâle qu'on eût pu croire que c'était lui qui s'était transformé en loup-garou le temps d'une nuit. Sirius reprit place à côté de Remus et l'aida à se redresser. Ce dernier coula un regard perdu vers son torse rouge.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? bredouilla-t-il d'une voix faible.

- Rien, t'occupes pas de ça. Je vais t'aider.

Il le fit s'asseoir et s'efforça de le maintenir en équilibre, tandis qu'il chancelait un peu. Remus croisa son regard, puis parcourut des yeux les visages livides de James et Peter.

- Les gars, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Dites le moi.

Il avait une voix blanche. Les trois amis échangèrent un regard. Puis Sirius soupira.

- Les choses ont un peu mal tourné... dit-il finalement.

- C'est à dire ?

Remus semblait paniqué. Il scrutait les silhouettes de ses amis à la recherche de blessures, mais seules quelques déchirures étaient visibles sur l'uniforme de Sirius, et ce dernier s'efforçait de les cacher.