6 - Peter

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Lorsqu'il descendit dans la Grande Salle ce matin là, Peter se sentait plus léger qu'à son habitude. Il savourait encore, et depuis la veille, les images de son rendez-vous amoureux. Il était sur un petit nuage. Il n'avait pu imaginer, auparavant, que cela puisse lui arriver, à lui. Il était si habitué à voir Sirius et James récolter tous les regards, tous les lauriers, qu'il s'était mis dans la tête qu'il n'aurait jamais le droit à tout cela. Il était déjà si reconnaissant, si étonné - d'une surprise heureuse - d'être leur ami. Mais il fallait croire qu'il n'était pas aussi éclipsé par leur aura qu'il ne l'aurait cru.

L'adolescent traversa la salle pour aller rejoindre ses trois amis à sa place habituelle. Tous trois lui offrirent un regard évocateur. Il avait rejoint la Salle Commune tard, la veille au soir, si bien que tous trois étaient déjà au lit, prêts à s'endormir. Il avait eu droit à une tonne de questions bien sûr, mais cette conversation tardive avait eu don d'irriter les autres élèves de Gryffondor soucieux de préserver leur sommeil, et Peter n'avait pu lâcher que quelques mots ravis. Il avait laissé ses trois amis dans l'expectative toute la nuit, heureux de cette soudaine attention concentrée sur lui. Il se sentait empli d'une vivacité nouvelle et appréciait d'être celui qui faisait s'impatienter ses amis, pour une fois. Il s'assit à la table avec un sourire de travers et le rouge aux joues. Si Remus continuait de parcourir la Gazette avec un vague sourire en coin, Sirius et James avaient cessé de manger et regardaient leur ami, dans l'attente.

- Bon alors, s'exclama soudain Sirius, n'y tenant plus, raconte nous ! C'est qui ? Et qu'est-ce que vous avez fait jusqu'à 22h ?

Peter releva les yeux, soudain empli d'une timidité inattendue. Il n'était plus sûr d'avoir envie de partager tout cela avec ses amis. Il avait comme l'impression que son histoire ne lui appartiendrait plus à l'instant même où James et Sirius en prendraient connaissance. Pour une fois qu'il avait une histoire, à lui, à lui seul. Mais il savait qu'il ne pouvait pas le laisser ainsi. Et il ne voulait pas qu'on le traite de menteur.

- On a parlé.

Sirius souleva un sourcil surpris et s'exclama en riant :

- Parlé ? C'est tout ?
- Oui.
- Jusqu'à 22h ?

Il affichait désormais une mine grivoise. Tout comme James, il semblait supposer que Peter ne leur disait pas tout. Il leur disait pourtant la vérité, et n'aurait pu espérer plus belle vérité. Ils s'étaient baladés dans les rues de Pré-Au-Lard, d'abord, puis ils avaient trouvé un coin tranquille, à l'écart de l'agitation du village. Là, ils avaient parlé longuement, de tout et de rien. Peter avait trouvé tout cela plus facile que cela ne l'avait jamais été. Il avait parlé, et surtout, on l'avait écouté. On s'était soucié de lui, et on s'était confié à lui de la même façon. Pour la première fois, il s'était senti pleinement à l'aise, et surtout, il s'était senti sur un pied d'égalité. Il avait pu parler sans se demander s'il importunait, sans songer chaque fois que ce qu'il avait à raconter était moins intéressant que ce qu'il avait à écouter. Et il avait adoré ça.

Ensuite, alors que le village de Pré-Au-Lard se vidait, ils étaient allés se balader dans des rues moins fréquentées. Puis ils étaient rentrés, et une fois à Poudlard, ils avaient encore parlé des heures, dans les couloirs les moins pleins de l'école. Finalement, Peter avait regagné son dortoir dans un état d'euphorie et de joie semblable à ce qu'il avait ressenti lorsque James, Sirius et Remus lui avaient témoigné des signes d'amitié en première année. L'indescriptible sentiment de se sentir important aux yeux de quelqu'un.

- Bon, OK, vous avez parlé. C'est... bien, ajouta Sirius avec un air dubitatif. Mais tu comptes nous dire qui c'est un jour ?

C'était James qui avait parlé, en piquant sa fourchette d'une une saucisse allemande à la peau brillante. Peter secoua la tête. Il n'avait aucune intention de leur dire de qui il s'agissait. Il voulait garder cette parenthèse pour lui et ne voulait surtout pas que ses amis y mettent leur nez. Il pouvait leur raconter ce qu'ils avaient fait, leur dire à quel point il avait aimé ce moment, mais elle resterait inconnue pour eux. Peter sentait son dos brûler alors qu'il s'avait qu'elle se situait derrière lui, à la table de Poufsouffle. Peut-être même qu'elle le regardait. Mais il ne devait rien trahir.

- Comment ça, non ? s'exclama Sirius, les yeux ronds.
- Non elle... elle ne veut pas que je vous le dise.

C'était la seule excuse qui avait émergé dans son esprit. Peu importait.

- Sérieusement ?

James le regarda, profondément surpris.

- James, c'est bon, laisse-le, dit Remus en tournant la page de sa Gazette.

Il était le seul à ne pas témoigner la même curiosité, ou du moins, à la cacher de manière plus habile. James resta interdit quelques instants, puis lança finalement :

- OK, j'insiste pas. Cachottier, va !

Il lui lança un clin d'oeil. Peter était étonné qu'ils aient lâché l'affaire si facilement, mais il en était heureux. Il se doutait qu'ils reviendraient à la charge à plusieurs reprises par la suite, et le Gryffondor se promit de ne lâcher le morceau. Tant que sa parenthèse enchantée se poursuivrait, il la garderait pour lui. Lorsque les quatre amis se levèrent de table pour rejoindre le premier cours de la journée, Peter ne put s'empêcher de glisser un regard à la table des Poufsouffle. Il croisa le regard d'Héloïse Blake, qui lui rendit son oeillade avec un sourire pétillant.

Quatorze févrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant