7 - Sirius

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James, Remus, Peter et Sirius s'échappèrent de la salle des potions en se frayant un chemin parmi la foule d'élèves qui s'entassaient dans le couloir.

- Interminable cette journée ! s'exclama James avec un soupir de soulagement.

Le quatuor joua des coudes pour s'échapper de ce couloir trop plein et retrouver un peu d'air dans un couloir moins fréquenté. Comme chaque vendredi soir, des nuées d'élèves se précipitaient vers le parc pour profiter d'un temps qui, malgré le mois de février, était plutôt clément. Tous profitaient de la possibilité de pouvoir remettre leurs devoirs au week-end pour ne plus penser au cours le temps d'une fin d'après-midi. Alors qu'ils marchaient tous les quatre d'un pas confiant, James, qui ouvrait le cortège, se retourna vers eux en faisant voler sa cape. Tout en marchant à reculons, il pointa un doigt vers ses amis et s'exclama :

- Ce soir, on sort !

Un large sourire s'étala sur le visage de Sirius. Tous savaient exactement de quoi il en retournait. Cette phrase banale, qui aurait signifié pour tous les autres étudiants d'Angleterre une virée dans les bars, voulait dire pour ces quatre élèves de Poudlard une petite escapade nocturne, aux yeux et à la barbe de Rusard, le concierge. Cela leur arrivait plutôt fréquemment. Les quatre amis n'avaient jamais été de grands adeptes du règlement. Si leur sortie mensuelle, pour cause de pleine lune, était couverte par Dumbledore, les autres se faisaient dans la plus grande illégalité, ce qui les ravissait d'autant plus. Le vendredi soir était leur jour de prédilection, la plupart des enseignant baissant la garde au profit de leur joie d'être en week-end.

- Tu as encore pu faire des charmes à Rosemerta ? demanda Remus.

James lui fit un clin d'oeil entendu.

- Evidemment.

Mlle.Rosemerta était la jeune serveuse qui travaillait aux Trois Balais depuis la rentrée. Elle était à peine plus âgée que James et avait quitté Poudlard une année plus tôt. Elle occupait désormais ses journées à servir les clients du pub, qui ne cessaient de lui lancer des oeillades appréciatrices. Elle n'avait d'yeux que pour James, cependant. Chaque fois que le quatuor se rendait dans le pub, Mlle.Rosemerta s'empressait de venir à leur table pour leur offrir à boire, ne détachant son regard du jeune homme qu'elle trouvait particulièrement séduisant. Non content d'avoir autant de succès, James en profitait généralement pour se faire vendre une ou deux bouteilles d'Hydromel ou de Whisky Pur Feu. La jeune femme fermait les yeux sur son âge pour le plaisir de sa compagnie. Sirius doutait que Lily appréciât ce petit manège, mais il ne pouvait nier qu'il était toujours heureux de voir James sortir une bouteille de ses bagages pour agrémenter leurs virées nocturnes.

Le quatuor passa la fin de l'après-midi dans la Salle Commune de Gryffondor. Sirius n'avait pas reparlé sérieusement avec Remus depuis le jour de la Saint Valentin, quelques jours plus tôt. Il aurait presque pu oublier qu'il avait fait son coming-out à son ami, s'il n'avait pas senti son regard sur lui chaque fois que la conversation déviait sur ses nombreuses prétendantes. Remus n'avait toujours rien dit et ne semblait pas en avoir l'attention. Peu à peu, la honte se dissipait, et Sirius commençait à penser que ce coming-out inattendu n'était finalement pas une catastrophe. Il lui arrivait même de se sentir plus léger à l'idée qu'il ne portait plus ce secret tout seul. Il ne pouvait qu'être heureux d'avoir une telle démonstration de son amitié et de sa fiabilité.

Après leur repas pris dans la Grande Salle et leur soirée au coin du feu, dans la Salle Commune, James, Peter, Remus et Sirius se couchèrent tout habillés, comme chaque fois. Sirius savait que James tenait contre lui la bouteille vendue par Mlle.Rosemerta. Il avait également glissa dans sa poche sa cape d'invisibilité qui, en dépit de sa taille trop réduite pour les dissimuler tous les trois, leur avait souvent sauvé les fesses. Sirius, quand à lui, n'emportait que sa baguette. Remus gardait sous sa cape la Carte du Maraudeur, sans savoir que, une année plus tard, cela lui vaudrait de se la faire confisquer par Rusard. Peter ne cessait de s'agiter dans le lit, à deux pas de là. Lorsque toutes les respirations se furent apaisées dans le dortoir, James, Remus, Peter et Sirius se levèrent en douceur de leur lit. Deux d'entre eux prirent, en silence, forme animale, tandis que Remus et James se couvraient de la cape d'invisibilité de ce dernier. Remus n'était pas un Animagus, et James, métamorphosé en cerf, ne serait pas passé inaperçu à l'intérieur d'un château, contrairement à un chien noir et à un rat. Bien que le dortoir fû totalement silencieux, les quatre amis n'étaient pas dupes : en six années de sorties nocturnes, il était peu probable que jamais leurs camarades de chambrée ne les aient entendus sortir. Néanmoins, aucun d'entre eux ne s'était aventuré à en faire part à un quelconque professeur. La plupart appréciaient les amis, les autres craignaient les foudre de leurs camarades s'ils s'étaient mis à les dénoncer. La métamorphose et la cape servaient surtout à ce qu'ils ne se fassent pas prendre lorsqu'ils traversaient les couloirs du château pour rejoindre le parc. Jusque là, cela ne leur était jamais arrivé, aussi continuaient-ils leurs escapades sans s'en soucier. Tant qu'ils n'étaient pas renvoyés de Poudlard, James, Peter, Remus et Sirius se fichaient bien de risquer la sanction.

Le tableau pivotant de la Salle Commune s'ouvrit dans un grincement sur les escaliers déserts et le quatuor s'y engagea silencieusement. Avec une prudence habituée, ils traversèrent le château jusqu'à la lourde porte d'entrée, traversèrent un passage voûté et débouchèrent sur le petit cloître au sud du château. Ce cloître avait l'avantage de ne pas être sous la fenêtre d'une quelconque salle commune ou d'un appartement professoral, ce qui leur garantissait une certaine discrétion. Le seul moyen pour le corps enseignant, ou Rusard, de les prendre sur le fait aurait été qu'ils fissent une petite balade extérieure, en pleine nuit, ce qui était peu probable. Peter et Sirius reprirent leur forme humaine et la cape d'invisibilité fut déposée au sol. Il s'assirent dans l'herbe, à l'abri de la fontaine privée de son eau depuis des années et sur laquelle s'épanouissait la statue d'un vieux mage tenant un lourd grimoire. A la lueur des baguettes allumées et plantées dans le sol, et avec un sourire triomphant, James sortit une bouteille de Whisky pur feu toute neuve.

- Oh yeah, s'exclama Sirius, ravi.

Ils avaient commencé à agrémenter leurs sorties nocturnes de ces bouteilles au début de l'année scolaire, et cela les avait rendues notablement plus intéressantes. James déboucha la bouteille, en prit une longue gorgée et la fit tourner. Elle passa de main en main pendant quelques minutes avant d'être rebouchée et déposée au pied de la fontaine, prête à être ouverte à nouveau une fois que les premières gorgées auraient semblé trop lointaines. La conversation prit un tour joyeux, agrémenté par de grands éclats de rires qui se faisaient plus déployés et plus incongrus à mesure que la bouteille de whisky se vidait. Sirius, comme chaque fois, ressentait une joie profonde et un sentiment de plaisir et de plénitude intense. A chacune de ces soirées, il ne pouvait s'empêcher de constater de manière très claire à quel point il était heureux de faire partie d'un tel groupe d'amis. Leur compagnie lui semblait encore plus agréable qu'à l'habitude. Il ne pouvait se départir de son sourire, et plus l'alcool lui brûlait la gorge, plus il était euphorique.

- Je vous aime les potes, lança-t-il soudain.

James, Peter et Remus éclatèrent de rire.

- Encore ? Tu nous fais le coup de sentimental à chaque fois Sirius !

Sirius fit mine de se renfrogner une seconde et se dérida presque aussitôt.

- Mais quoi, c'est vrai ? Vous êtes de putains de bons potes. Je vous kiffe !

Les trois adolescents s'amusèrent de la manière qu'avait Sirius de changer de comportement dès qu'il avait bu. Il n'aurait jamais dit ce genre de choses sobres, bien qu'il ne pensât pas moins. Il contempla leurs visages avec délectation et tendit la main vers la bouteille.

- File moi le whisky James.

James lui lança la bouteille et Sirius en but trois longues gorgées brûlantes. Ses joues les chauffaient, sa tête lui tournait légèrement et son coeur tambourinait dans sa poitrine, en un cocktail de sensations délicieusement familier. Il regarda tour à tour James, Peter et Remus. Il avait une chance folle. Et il était heureux, malgré ce poids sur ses épaules, malgré sa famille qui lui était si étrangère qu'il songeait maintenant à quitter la maison. Il était super heureux. Jusqu'à ce que sa vessie ne se manifeste avec vigueur. 

Quatorze févrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant