11 - James

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Lorsqu'il se réveilla ce matin là, James ne put s'empêcher de ressentir aussitôt les conséquences de la soirée de la veille. Mais, contrairement à l'habitude, elles n'étaient pas dues aux effets de l'alcool. La scène qui s'était déroulée tournait dans son esprit et il avait la désagréable sensation d'avoir perdu quelque chose qu'il ne pourrait pas retrouver. Il sentait un poids dans sa poitrine. Il quitta son lit avec un visage fermé et morne, sans un regard pour les lits déjà défaits de Sirius, Remus et Peter. Il rattrapa ce dernier dans la salle commune alors qu'il s'apprêtait à faire pivoter le tableau de la grosse dame pour sortir prendre son petit-déjeuner. Il n'était pas vraiment d'humeur à parler de ce qui s'était passé, aussi descendirent-ils les marches dans un silence gêné. Lorsqu'ils débouchèrent dans la Grande Salle, James constata à contrecoeur que Sirius et Remus étaient assis à plusieurs mètres de leur place habituelle et mangeaient sans échanger un mot. Sirius coula un regard vers lui lorsqu'il s'assit sur le banc, à une dizaine de places de là, et James tourna la tête. Il ressentait toujours cette même colère, ce même sentiment de trahison qui l'empêchait de regarder Sirius en face. Il lui en voulait plus encore qu'il n'en voulait à Remus.

Il n'arrivait même pas à comprendre pourquoi. Et il se sentait seul.

Lily entra dans la Grande Salle et glissa un regard surpris sur la table. Elle n'était d'ailleurs pas la seule à le faire. Tous ceux qui passaient à côté de la table des Gryffondor ne pouvaient s'empêcher d'échanger un coup d'oeil interrogateur et quelques messes basses. C'était la première fois que James, Sirius, Remus et Peter n'étaient pas réunis, tous les quatre. Eux qui étaient d'ordinaire inséparables n'avaient jamais été vus à manger ainsi éloignés des uns des autres. Et chacun savant, à cette vision, qu'il s'était passé quelque chose. James savait que, bientôt, les rumeurs iraient de bon train. Il ne les alimenterait pas. Il n'avait aucune envie que tout le monde sache à quel point il était cette troisième roue du carrosse, idiote et ridicule, qui n'avait même pas su se faire une place au sein de son groupe d'ami. Il ne voulait pas que les autres sachent qu'il avait été trahi ainsi. Il ne voulait pas sentir leurs regards, il voulait conserver sa position, son image sans accrocs, il voulait continuer à être celui qu'on admirait. Il fallait qu'il garde la face, qu'il reste fier d'ailleurs. Il se redressa, releva les épaules, prêt à offrir un regard de défi à quiconque s'attardait un peu trop à l'observer.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Lily s'était assise à côté de Peter, presque en face de James, et le regardait avec un air suspicieux, presque dur, déjà. Elle supposait sans doute que c'était de sa faute ; c'était toujours de sa faute, avec elle. James haussa les épaules sans répondre. Lily glissa un regard interrogateur vers Peter qui se recroquevilla en remuant la tête. Il n'avait aucune envie de prendre position, et ça se voyait.

- Bon, James. Tes deux meilleurs amis mangent en silence à trois mètres de là. Tu peux m'expliquer pourquoi, s'il-te-plaît ?

Même à Lily, il n'avait pas envie d'en parler. Il se sentait ridicule. Et il savait, bien sûr, ce qu'elle lui répondrait. Il connaissait déjà par coeur le discours qu'elle allait lui servir.

- Mes deux anciens meilleurs amis.

- Pardon ?

James secoua la tête et lâcha sa cuillère dans son plat en regardant autour de lui. Par chance, pas un Gryffondor ne s'était risqué à s'asseoir trop près d'eux, craignant probablement la mauvaise humeur de l'adolescent.

- On est sortis hier. Et on peut dire que ça ne s'est pas très bien passé.

- Encore ?

Lily leva les yeux au ciel en secouant la tête. Elle désapprouvait généralement les petites sorties nocturnes du quatuor, en bonne préfète qu'elle était. Elle disait souvent qu'ils finiraient pas se faire prendre et qu'ils auraient des problèmes.

Quatorze févrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant