1 - Remus

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Assis sur une chaise non loin de la table sur laquelle étaient avachis James et Sirius, Remus écoutait d'une oreille discrète leur conversation qui avait dévié sur le Quidditch. C'était un sport qu'il se plaisait à regarder lors des match de l'école, mais il n'en était absolument pas passionné. Il arrivait souvent que la conversation dérive ainsi. James était féru de ce sport, et il avait toutes les raisons de l'être tant il était doué. Sirius, en bon ami, ne rechignait jamais à l'écouter et à rire avec lui des dernières péripéties d'un membre d'une équipe adverse qui avait été victime d'une chute ou d'un cognard particulièrement énervé. Peter, lui, écoutait James avec une avidité qui n'avait pas d'équivalent. Il admirait son ami pour ses performances au Quidditch plus que pour tout le reste. Remus s'amusait parfois de ses petits yeux ronds et de son air fasciné. Il se disait parfois que Peter ne devait pas être heureux. Ou qu'il ne le pouvait pas. Mais il ne faisait rien. Il s'était accommodé, depuis la première année, de leur petit quatuor éclectique. James en tête d'affiche, admiré de tous ceux qui ne le jalousaient pas, bon en tout, sûr de lui, confiant. Sirius, qui le suivait de près, qui aimait jouer les rebelles et qui était par-dessus tout aimé de ces demoiselles. Et Peter, qui les suivait à la trace, cherchait à les imiter sans jamais les égaler, et ne récoltait aucun mérite, aucun regard. Il semblait s'y être fait.

Lorsque Remus reporta son attention sur la conversation, James, Sirius et Peter ne parlaient plus de Quidditch, mais du second sujet qui animait toutes les conversations des élèves de Poudlard : la Saint-Valentin. Comme chaque année, les élèves étaient dispensés de cours pour que les amoureux puissent passer un moment en tête à tête au village de Pré-Au-Lard. Il leur restait un peu plus d'une semaine avant le jour J, et chacun s'évertuait déjà à préparer cartes, invitations et chocolats. Une fois de plus, la situation qui occupaient les conversations du petit quatuor était celle de James. La Saint-Valentin était tous les ans un événement pour le jeune homme, qui entretenait une relation plus qu'instable avec Lily et qui s'évertuait à lui demander de sortir avec elle depuis la première année, sans succès. 

- Bien sûr qu'elle va dire oui. On ne s'est pas disputés depuis une semaine au moins.
- Quelle victoire, ricana Sirius.

James lui donna une tape sur le dos avec un sourire amusé et secoua la tête.

- Non, je t'assure, tout va bien entre nous en ce moment. Et puis elle a compris qu'elle ne devait plus me parler de Servilus. Tant que moi je ne lui en parle pas non plus, tout va bien. Je suis sûr que je suis sur la bonne voie. Elle va finir par accepter de sortir avec moi. 

Sirius afficha un sourire en coin. Servilus. Une longue histoire. Remus prit soin de ne surtout pas renchérir. Il était toujours mal à l'aise lorsque l'on se mettait à parler de Severus. Certes, il ne portait pas le garçon dans son coeur, et le jugeait sévèrement pour son goût pour la magie noire, mais il savait que le comportement de James et Sirius à son égard n'était pas plus intelligent. Il n'était jamais intervenu et en éprouvait parfois une certaine gêne. Depuis quelques mois, James s'était calmé pour attirer les faveurs de Lily, et cela lui allait très bien.

- Alors Sirius, tu as encore eu des invitations aujourd'hui ? demanda Remus à son ami.

Ce dernier se pencha en arrière, presque allongé sur la table désormais, et laissa échapper un rire charmeur. Il était toujours heureux lorsque quelqu'un lui posait cette question, car il semblait particulièrement fier de son charme légendaire.

- Oh, seulement cinq ou six. Et une boîte de chocolats, mais à mon avis, ils sont délicatement parfumés à l'Amortentia.

James, Peter et Remus éclatèrent de rire. Le succès de Sirius n'était pas nouveau. Plus il vieillissait, plus il devenait séduisant, et il passait de moins en moins inaperçu. Il se plaisait néanmoins à faire le difficile et à refuser systématiquement toutes les avances qui lui étaient faites. Remus secoua la tête, amusé.

- Tu n'as pas l'intention d'accepter une invitation, au moins une ?
- Non, pas le moins du monde, déclara Sirius. J'ai autre chose à faire qu'aller passer trois heures dans le salon de thé de Piédodu.

James lui lança un regard noir.

- Excuse-nous, monsieur, de ne pas avoir mille autres préoccupations.
- Oh, ça va James. Je dis simplement qu'on n'a pas tous les mêmes priorités. Tu sais bien que je n'ai aucune envie de me caser. C'est tout.

James laissa échapper un grognement. Il peinait visiblement à comprendre son ami mais s'en était accommodé. Les regards ne se tournèrent par la suite ni vers Peter, ni vers Remus, pour deux raisons différentes. Bien que Remus en éprouvât une légère pointe de culpabilité, tous trois supposaient que Peter n'avait pas reçu ni invitation, ni chocolats, et qu'il ne recevrait pas de sitôt. Nul ne savait si cela l'attristait ou non. Il avait la si fâcheuse habitude de disparaître derrière ses amis que peu le remarquaient. Parfois, Remus se disait que c'était de leur faute. Qu'il eût été bien d'aider Peter à occuper davantage le devant de la scène. Mais James et Sirius se plaisaient dans leur rôle de stars, et il lui semblait même qu'ils aimaient être admirés de la sorte par Peter. Alors Remus ne faisait rien pour que cela change. C'était l'une des nombreuses fois où il ne faisait rien, d'ailleurs. Mais il chassa cette pensée de son esprit. Il n'aimait pas la culpabilité et se débrouillait pour la faire disparaître chaque fois qu'elle se présentait. Ce n'était pas son rôle, après tout. Il n'était l'auxiliaire de personne.

Quand à lui, chacun savait qu'il était inutile de lui poser des questions sur sa vie sentimentale. Remus se sentait la plupart du temps à des kilomètres de ces préoccupations. Il ne s'en souciait pas. Il appréciait la compagnie de ses camarades féminines sur un plan amical. Non pas qu'il fût tout à fait réticent à l'idée d'avoir une histoire, mais il ne cherchait pas pour autant. Il attendait. Il se disait simplement que les choses viendraient quand elles voudraient venir, et qu'en attendant, sa vie lui convenait parfaitement. Il lui était déjà arrivé de recevoir quelques avances, mais il avait toujours poliment refusé. Il en était touché, mais il ne se voyait pas entamer une relation sans avoir de sentiments. Il voyait l'amour comme quelque chose d'important, de grand. Il préférait attendre que quelqu'un qu'il aimerait vraiment apparaisse sur son chemin. Et si Sirius se moquait souvent de James et de son attachement de longue date à Lily, il ne faisait jamais de remarque à Remus. Peut-être son comportement lui semblait-il plus mature que celui de James.

Le rapide tour de table terminé, la conversation revint sur les dernières performances de James au Quidditch, et Remus décrocha de nouveau. Au bout de quelques instants seulement, la cloche retentit dans les couloirs de pierre de l'école et les quatre amis se levèrent avec lassitude. Potions. Ce n'était pas leur cours préféré, et ils quittèrent à regret la salle vide dans laquelle ils se glissaient à chaque occasion où le temps n'était pas clément.

Quatorze févrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant