Chapitre 2

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Sur Terre, base militaire gréco-hongroise, à la frontière ukrainienne, an 2573...

Aiolia releva le col de son blouson, vérifia que son masque était bien en place, et sortit. Hors de la caserne, l'air était poisseux, gris et empuanti. Le ciel chargé de lourds nuages noirs de pollution ne laissait plus filtrer un seul rayon de soleil depuis des jours. Mais il avait l'habitude. Il avait grandi dans ce monde à l'agoni.

Il se repéra aisément aux marquages lumineux au sol et trouva son chemin sans peine. À peine eut-il franchi la porte qu'il retira son masque pour le regretter aussitôt : la pièce était pleine de fumée, sentait la nicotine bon marché à plein nez et le mauvais alcool frelaté.

S'il y avait bien une chose que les siècles ne pouvaient changer, c'était cette habitude qu'avait l'humanité de se faire du mal.

Un rire particulièrement bruyant lui indiqua la route et il traversa la pièce bondée avec difficulté. Trois unités avaient eu leur permission ce soir, aussi tous les soldats s'étaient-ils donnés rendez-vous ici pour fêter ça entre eux avant de partir rejoindre leur famille.

Aiolia, lui, ne partirait pas. Car sa seule famille était ici.

— Tu étais où, trou du cul ? l'accueillit son chef d'équipe en lui tendant un verre. On a commencé sans toi.

— Je vois ça. Dohko a déjà roulé sous la table ?

Un éclat d'indignation lui prouva qu'il avait tort et il se tourna vers le suscité afin de lui adresser un sourire de canaille.

— Je t'emmerde ! éclata le dénommé Dohko en brandissant une bouteille à moitié vide – ou pleine, tout dépend de votre façon de voir la vie. On verra qui roulera en premier !

— Aiolia ne roule pas quand il est bourré, il glisse avec classe, déclara un autre soldat à ses côtés.

Cet homme, qui arborait presque les mêmes traits que lui, c'était son frère, Aioros. La seule famille qu'il avait encore.

Ils n'appartenaient pas à la même unité car son aîné était plus haut gradé que lui. Voilà pourquoi aucun des deux ne quittaient la caserne lorsqu'ils avaient une permission. Ils restaient l'un avec l'autre.

L'un de ses compagnons d'arme glissa sur le côté afin de lui offrir une place. Ce n'est que lorsqu'il se fut installé qu'il remarqua la présence de leur dernière recrue, assis à côté de Capella, l'expert en arme lourde de leur unité.

— Qu'est-ce que tu fais là, gamin ? lança-t-il avec une pointe d'amusement.

— On lui apprend les choses de la vie, répondit Dohko en balançant dans le dos du plus jeune une bourrade qui le propulsa sur la table.

— En le faisant boire jusqu'à ce qu'il gerbe ?

— Il n'a pas encore vomi.

— Arrête de m'appeler comme ça ! s'exclama leur cadet. Mon nom c'est Seiya. C'est pourtant pas compliqué à retenir, même pour des soldats comme vous qui ont tout dans les muscles et rien dans la tête.

— C'est qu'il se rebiffe le petit, s'amusa Dohko avant de boire une gorgée à sa bouteille.

— Tiens, mange des cacahuètes, déclara Aiolia en faisant glisser sur la table une coupelle métallique presque vide. Et ne t'énerve pas comme ça, tu n'es pas crédible. Surtout avec cette trace de lait au coin de la bouche.

Le dénommé Seiya tomba dans le piège : il passa sa manche sur ses lèvres, ce qui arracha aux membres de son unité un nouvel éclat de rire moqueur. Mais le jeune homme, bon joueur, préféra en rire lui aussi.

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