Chapitre 11

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Tour de l'ouest, an 2581, 20ème jour d'exploration au sol...

Les choses ne se passaient pas vraiment comme Hyôga l'avait imaginé.

Il avait été personnellement approché par le gouvernement lunaire pour cette mission. Ses incroyables capacités d'apprentissage, de compréhension et de mémorisation linguistiques n'avaient évidemment échappé à personne tout le long de sa scolarité. Lorsque les organisateurs de cette expédition avaient compris que les soldats et les scientifiques envoyés sur EV451-x-2 n'auraient d'autre choix que d'entrer en contact avec les humanoïdes, il avait été spécialement approché.

Il avait une petite amie, un chien, des projets... une mère. Mais il n'avait pas pu refuser.

Il était le seul à la hauteur de cette tâche, il en avait conscience et le gouvernement le savait parfaitement. C'était pour cette raison qu'il avait été accepté malgré son attache familiale.

Son cœur se serra quand il se souvint du visage souriant et triste de sa mère lorsqu'il était monté dans la navette de liaison en direction de l'Antarès, alors en orbite autour de la Terre. Une image à jamais gravée dans sa mémoire.

Durant la cinquantaine de jours qui s'étaient écoulés à bord de l'astronef avant qu'ils puissent atterrir sur la petite planète, il avait imaginé comment les choses étaient susceptibles de se dérouler avec cette peuplade extra-terrestre.

Il avait étudié tous les cas de figures : agressivité extrême, terreur, ferveur, dévotion. Mais qu'ils soient attendus ? Non.

Les femmes de cette Tour – ces « emmas » comme elles se faisaient appeler – les avaient accueillis comme si elles espéraient leur arrivée. Elles avaient évidemment l'air un peu surpris mais pas du tout effrayé et s'étaient très rapidement faites à leur présence, comme si elle coulait de source.

Et il ignorait totalement comment réagir face à ce cas de figure.

Elles ne lui posaient aucune question sur l'endroit d'où ils venaient et ne prenaient la peine de leur expliquer certaines choses que s'ils leur demandaient. C'était comme si elles étaient persuadées qu'ils savaient déjà tout sur leur façon de vivre et leurs coutumes.

À force d'en discuter avec Marine, il avait compris que cette attitude était due à leur religion. Une légende quelconque devait très certainement prédire leur venue. Il n'avait pas osé les interroger à ce propos, craignant que les emmas comprennent qu'ils n'étaient, en quelque sorte, que des imposteurs. Il n'y avait rien d'agressif dans leur attitude à leur égard ou leur façon de parler mais elles ne se séparaient jamais de leurs arcs ou de leurs couteaux dont la lame faite en silex n'avait rien à envier à leurs propres armes. Si elles décidaient de se retourner contre eux, ils ne pouvaient garantir la survie de tout l'équipage du Scorpio et il refusait de prendre la responsabilité d'un tel drame.

Voilà pourquoi il s'était trouvé un nouvel objectif depuis quelques jours : réussir à engager la conversation avec ceux qu'elles appelaient les « kemmas ». Au début, il pensait que ces jeunes garçons grandissaient ici avant de rejoindre les groupes vivant hors des tours, mais il avait été forcé de revoir son jugement en croisant certains adultes. Ils étaient loin d'être aussi musclés et impressionnants que ceux qui apparaissaient sur les photos prises par Espérance et ils étaient peu nombreux, mais leur présence devait forcément signifier quelque chose. Manifestement, ils ne rejoignaient pas tous les nomades vivants sur le reste de l'Île.

L'un d'eux, dont il ne connaissait toujours pas le nom, ne quittait jamais les tout petits. Il avait de longs cheveux à la couleur étrange, une nuance de blond qu'il n'avait encore jamais vu, et des yeux violet clair qui l'avaient mis mal à l'aise la première fois qu'il les avait vus. Il lui parut rapidement certain qu'il devait être une sorte de nourrice et en conclut que les emmas les gardaient adultes à leur côté uniquement parce qu'elles ne pouvaient pas s'occuper de tout elles-mêmes.

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