The Island

Chapitre 4

Kagaho ouvrit les yeux, l'esprit encore un peu vaseux, et tendit l'oreille. Quelque chose l'avait réveillé. Il se redressa aussi silencieusement que possible, assura aisément son équilibre sur l'épaisse branche où il avait trouvé refuge pour dormir. La forêt était très sombre autour de lui mais ses yeux firent rapidement le point, leurs pupilles s'élargissant, et les contours se dessinèrent rapidement.

Les démons de Naga ne pénétraient que rarement dans Mehwa car ils n'avaient aucun moyen de se défendre contre elle lorsqu'elle s'éveillait. Cela ne pouvait donc être qu'un sygma, ou alors...

Il se figea lorsque la silhouette aux longs cheveux parme apparut quelques mètres sous lui, portant à bout de bras un épais panier. Un kemma. Manifestement, il était occupé à récolter des fruits sombres. Il savait qu'il y avait une Horde non loin, tout près de l'un des rares cours d'eau qui descendaient jusqu'ici depuis le nord. Il prenait bien garde, chaque fois qu'il partait boire, à ne pas se faire voir.

Un kemma n'était jamais véritablement seul, son sygma ne devait pas être loin. Tout en s'efforçant toujours à la plus parfaite discrétion, Kagaho se tassa sur sa branche pour tenter de disparaître, camouflé par les feuilles, sans quitter l'arrivant des yeux. Il passait difficilement inaperçu au milieu de l'obscurité des arbres qui rendait ses cheveux brillants. Kagaho ne se souvenait pas d'avoir déjà vu une telle couleur, le mauve étant parmi les plus rares à sa connaissance.

Malheureusement pour lui, le kemma venait de trouver un buisson épais empli de fruits qu'il s'évertuait à cueillir en douceur pour éviter les épines terriblement urticantes, et un certain temps s'écoula ainsi, jusqu'à ce qu'il commence à avoir des crampes.

S'attaquer à un Sans-Horde ne lui faisait pas peur, il avait toujours une chance de l'emporter à un contre un. Mais face à un sygma protégeant son kemma qui ne manquerait pas de faire appel à sa Horde s'il se pensait en difficulté, il n'avait aucune chance. Il était donc bien décidé à se faire le plus discret possible jusqu'à ce que l'autre ait terminé sa cueillette et s'en aille.

Cependant, tous les solitaires ne pensaient apparemment pas comme lui, car l'un d'eux était en train d'approcher, furtivement, tassé dans les ombres encore épaisses des arbres. Il n'avait pas d'arme et semblait terriblement amaigri mais une lueur de convoitise brillait dans ses yeux fiévreux. Malgré lui, Kagaho se redressa légèrement. Il était tellement obnubilé par le kemma qu'il n'avait pas entendu le nouveau venu approcher et ce dernier se trouvait maintenant incroyablement proche. À voir la crasse qui le recouvrait et l'apparence osseuse de son corps la Longue Nuit allait bientôt avoir raison de lui, il ne survivrait plus très longtemps seul, mais cela ne l'arrêtait apparemment pas. Il allait s'en prendre au kemma qui, concentré sur sa tâche, ne le voyait pas arriver.

Certains étaient parfois incapables de résister. Kagaho, lorsqu'il était plus jeune, avait déjà cédé lui aussi à l'attrait irrésistible de l'odeur d'un kemma de sa Horde et en avait récolté une blessure profonde sur le torse qui s'était longtemps infecté et avait bien failli lui coûter la vie lorsque le sygma l'avait repoussé.

Il attendit et observa un moment mais le Sans-Horde paraissait bien décidé à s'emparer de ce kemma. Celui-ci sembla tout à coup entendre quelque chose de suspect car il se redressa et se tourna vers l'endroit où l'autre avançait en se tapissant. Il resta dans cette position quelques instants, tendu, puis un craquement sonore retentit dans la direction opposée et il se retourna. Les yeux de Kagaho se portèrent également à cet endroit et tentèrent de percer l'obscurité. Les arbres étaient terriblement véloces au plus profond de la nuit, rester aussi longtemps sans bouger pouvait être dangereux.

Un autre bruit suivit d'un cri le fit sursauter et il porta à nouveau son regard sur le kemma, quelques mètres plus bas. Le Sans-Horde avait décidé de profiter de cette distraction pour lui sauter dessus. Malgré son état de faiblesse évident il faisait preuve d'une agressivité incroyable et d'une force supérieure à sa victime qui se retrouva bien vite bâillonnée et plaquée au sol. Le panier lui sauta des mains et roula parmi les herbes et les ronces, répandant tout autour les fruits à la peau foncée.