Chapitre 10

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La trappe s'ouvrit et Shina se hissa sur le toit sans difficulté. Shun, tellement affaibli par la soif et ébloui par la lumière qu'il peinait à garder les yeux ouverts, vit venir vers lui une simple silhouette. Il ne la reconnut que lorsqu'elle le força à se lever en l'attrapant rudement par le bras.

— Debout, lui dit-elle sans aucune douceur.

Une fois sur ses jambes, le jeune kemma vacilla tant elles tremblaient. Il se serait écroulé si Shina ne l'avait pas retenu, le serrant si fort qu'il en émit un sanglot de douleur. Elle le tira jusqu'à la trappe puis l'y poussa. Une autre emma le réceptionna de justesse avant qu'il ne heurte le sol trop rudement mais ses genoux reçurent le plus gros du choc et une onde de douleur se propagea dans tout son corps. Il s'écroula au sol en geignant. Il était resté tellement longtemps dans la lumière de Sonmi qu'il ne voyait strictement rien maintenant qu'il était de retour entre les murs protecteurs de l'Osha.

Des mains fraîches se posèrent sur son visage pour lui relever le menton et il sentit quelque chose se presser contre ses lèvres. Il comprit que quelqu'un l'incitait à boire et il entrouvrit la bouche dans un nouveau gémissement plein de reconnaissance. L'eau qui coula dans sa gorge fut comme un nouveau souffle de vie.

Il entraperçut une silhouette qui s'accroupissait à ses côtés et tenta de reculer, apeuré, tout en remontant ses jambes contre lui. Il reconnut la voix qui lui dit :

— Si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais laissé mourir là-haut. J'espère que maintenant il te passera l'envie de désobéir aux règles.

— Arrête, Shina ! dit une autre voix.

L'emma se releva et s'en fut. Shun retint un nouveau sanglot de justesse. Toute sa peau était terriblement sèche et douloureuse et il avait encore affreusement soif. Il ne ressentait aucun soulagement à avoir été sauvé de la mort. Au contraire.

— Ça va aller ?

— Oui, répondit quelqu'un qu'il reconnut immédiatement. Je m'en occupe.

— Shiryu, souffla Shun faiblement.

Son ami ne lui répondit pas mais il sentit ses mains le saisir puis le soulever et ses bras le soutenir tandis qu'il l'aidait à marcher. Au fur et à mesure qu'ils descendirent les étages menant aux dortoirs, la vision de Shun s'éclaircit et il put y voir à nouveau, quoi qu'encore flou.

Lorsqu'il s'installa sur son lit, ses jambes tremblaient tellement qu'il en sentait les répercussions dans sa mâchoire. Shiryu s'accroupit devant lui et lui proposa un second verre d'eau qu'il but entièrement.

— Quand tu as disparu les Prieuses nous ont dit qu'elles t'avaient condamné à mort pour désobéissance.

— Pourquoi est-ce que je suis là, alors ? répliqua Shun d'une voix rauque et faible.

— Elles ont estimé que... te laisser mourir serait de mauvais augure. Vu les circonstances.

Shun releva les yeux et croisa ceux de son ami. D'habitude si paisibles, ils étaient à présent terriblement inquiets.

— Je peux avoir encore un peu d'eau ? lui demanda-t-il.

Shiryu accepta et plongea dans un seau plein un verre en bois grossièrement taillée qu'il lui tendit ensuite. Shun avala ce qu'il contenait en une seule gorgée. Allait-il jamais réussir à étancher cette soif ?

Les larmes lui vinrent si brusquement aux yeux que Shun en eut le souffle coupé. Il les sentit couler sur ses joues, brûlantes et incontrôlables. Il ne se sentait pas seulement faible physiquement, il n'avait plus non plus la force de reprendre sa routine, cette vie enfermée, emprisonnée, piégée. Il le sentait au creux de sa poitrine. Le désespoir. Il avait remplacé sa témérité, son courage et cet ardent désir de liberté.

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