Chapitre 12

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Tour de l'Ouest, an 2581, 22ème jour d'exploration au sol...

Lorsque Dante eut fini de lui raconter l'histoire, Hyôga tourna son regard vers l'horizon. Au loin, le paysage semblait bouger et onduler sous la chaleur. Il mit sa main en visière, ébloui malgré ses lunettes de soleil. Il sentit une goutte de sueur glisser lentement le long de son cou. Il l'essuya.

Derrière lui, les kemmas travaillaient, répartis autour de la Tour sur environ cinq ou six mètres. Jamais davantage. Il savait qu'une vingtaine d'entre eux étaient là parce qu'il les avait vu sortir mais il ne les entendait pas. Ils discutaient rarement. Ne riaient jamais.

Pas d'éclats de voix, pas d'éclats de rire. Juste le silence et les emmas qui patrouillaient, aussi dangereuse qu'à l'accoutumée.

Grâce à Dante, il comprenait maintenant pourquoi Aiolia avait réagi de cette façon. Pour sa défense, il était né sur la Lune, y avait toujours grandi. Il n'avait même jamais mis les pieds sur Terre. Bien sûr, il avait déjà entendu parler des conflits qui éclataient très souvent entre les nombreux pays mais n'y avait jamais prêté une oreille véritablement attentive. Il n'était même pas certain d'avoir entendu parler de ce qu'il s'était passé en Moldavie.

À présent, il avait un peu honte de n'avoir pas vu cela lui-même. Il n'avait pas osé le dire face aux autres, encore moins face à Marine, mais il le pensait réellement : les kemmas étaient des esclaves ici. Il aurait aimé savoir et comprendre pourquoi ils étaient traités de cette façon.

Après la découverte de Shaka concernant l'ADN de ce kemma à qui ils avaient fait une prise de sang, Aldébaran leur avait ordonné à tous de retourner au campement. Ils y étaient restés une journée complète. Cela faisait presque un mois qu'ils avaient débarqué et il était temps pour eux de faire le point sur ce qu'ils avaient appris, ainsi que sur ce qu'ils espéraient découvrir désormais.

D'après Marine, plus grand-chose malheureusement. Des analyses plus poussées avaient révélé que les chromosomes sexuels n'étaient pas les seuls à présenter une différence par rapport à un ADN humain. En fait, les ordinateurs du laboratoire avaient découvert une dissemblance entre les deux ADN de l'ordre de quarante-sept pourcents. Une compatibilité donc de cinquante-trois pourcents, malheureusement insuffisante pour qu'un croisement entre les deux espèces soient théoriquement possibles.

Les quelques sceptiques qui ne croyaient pas à une présence extra-terrestre déjà présente sur la planète à l'arrivée des colons en furent dès lors convaincus. Car trois cents ans n'étaient pas suffisants pour qu'une telle évolution génétique ait lieu. Sur Terre, il avait fallu des milliers d'années rien que pour que l'homme se redresse et marche sur les jambes, alors pour un tel changement du génome en profondeur, il en aurait fallu bien plus. Il n'y avait qu'une seule explication possible : les colons s'étaient heurtés à la présence d'extra-terrestres et, étant incapables de quitter la planète pour une raison qu'ils ne parvenaient pas encore à comprendre, ils s'étaient finalement reproduits avec eux. Mais comment expliquer alors que l'ADN résultant d'un tel croisement soit désormais si différent de celui des êtres humains dont il était pourtant originaire ?

Pour Hyôga, il y avait encore de trop grandes zones d'ombres.

Mais une chose avait enfin pu s'éclaircir grâce à ces quelques découvertes. Il y avait une très forte probabilité que ces extra-terrestres se soient montrés hostiles envers les colons dans un premier temps. Ce qui expliquait les pertes qu'ils avaient subi et leur tentative pour quitter la planète.

Pour eux aujourd'hui, il n'y avait donc à première vue plus aucun danger. Bien sûr, ils restaient tous très vigilants, d'autant qu'ils n'avaient rencontré qu'une partie de la population, mais il était évident que l'hostilité qu'ils s'attendaient à rencontrer n'existait plus.

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