Prologue

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Rin Matsuoka avait eu ce que la plupart des gens n'aurait jamais.

Rin avait eu un frère. Un rival. Un ami. Un ennemi.

Rin avait eu tout cela et bien plus.

Rin avait eu Haru.

Et Rin avait tout perdu. Parce qu'un jour, après une énième défaite, encore plus amère que les autres, il s'était emporté. Il avait laissé la colère prendre le dessus, et de sa bouche s'était déversé le flot vénéneux de la jalousie. Il avait hurlé, pleuré. Il avait tenté de blesser Haru. Pendant un instant, il avait désiré, du plus profond de son cœur voir la petite lueur de vie disparaitre de ses yeux bleus. Il avait souhaité voir ce visage inexpressif se décomposer et les larmes rouler sur ces joues de porcelaine, briser ce garçon qu'il adorait et haïssait en même temps. Ce garçon dont les rares sourires éclipsaient les étoiles. Ce garçon qui lui avait tendu la main, et qui l'avait supporté, toujours plein d'une nonchalance affective. Ce garçon si stupidement détaché du monde qui l'entourait. Ce garçon tellement libre. Et ce jour-là, il avait perdu plus qu'une course.

Il avait perdu un ami. Plus qu'un ami. Tellement plus.

Il s'était éloigné. Il avait pris la fuite.

Il s'était entrainé. Dur. Plus dur qu'il ne l'avait jamais fait quand Haru brillait à ses côtés.

Pour noyer sa rage et sa souffrance. Sa colère et sa douleur. Toutes ces émotions qui l'avaient alors submergé, il se mit à les utiliser comme une force. Comme une lame aiguisée qu'il aurait voulu diriger contre une seule et même personne.

Haru. Tout était sa faute après tout. A lui et à ses stupides yeux bleus et lisses. À son regard si doux. À son rire, qu'il n'avait entendu qu'une ou deux fois. Il le haïssait parce que Haru était plus fort et pourtant tellement plus faible. Parce que Haru était le seul à pouvoir se faire sentir en sécurité dans un monde où il aurait tant voulu être indépendant.

Mais Rin avait tout perdu.

Parce que, ce jour-là, ce jour où il avait laissé la colère parler, ce jour où il avait souhaité de toutes ses forces détruire Haru, il avait réussi.

Et puis Rin était parti en Australie. Sans se retourner. Et en faisant taire bien vite le semblant de regret qui lui obstruait la poitrine.

Cinq longues années passèrent. En Australie, Rin n'était plus seul. Il avait trouvé une famille. Des amis. Mais dans son cœur substituait la place vide et glacée que Haru et ses yeux bleus avaient autrefois occupée. Et dans son esprit le cadavre d'un cerisier qui autrefois brillait de ses fruits savoureux. 

Under the WaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant