Chapitre 1

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(Je vous préviens, tous les chapitres sont écrits :3)


L'aéroport bondé empestait l'essence et la transpiration. Sous son tee-shirt léger, si adapté au soleil australien, Rin n'en menait pas large. Grelottant, les bras hérissés de chair de poule, il tentait tant bien que mal de rattraper trois de ses coéquipiers qui gambadaient joyeusement au loin, riant avec le reste de l'équipe, sans doute à propos de la compétition qui les attendait. Celle à laquelle il avait justement tenté de ne pas concourir parce qu'il savait pertinemment qu'Haru y participeraient.

-JOSH ! cria-t-il, s'attirant au passage les regards noirs de quelques japonais.

Il grimaça. Cela faisait si longtemps qu'il n'était pas venu ici... Tout lui paraissait familier et pourtant tellement étranger...

-PETER !

Il maudit sa voix faible qui portait si peu dans l'aéroport.

Grognant, il attrapa plus fermement sa valise et se mit à courir pour les rattraper. Ses longues jambes endolories par le trajet lui envoyèrent des signaux de mécontentement. Il évita de justesse une femme et sa poussette, s'excusa auprès d'un homme qu'il avait failli renverser et rejoint finalement l'équipe australienne :

-Rin ! s'écria Alex. On t'avait perdu !

Le mauve secoua la tête en riant, incapable de s'énerver face aux yeux bruns du jeune nageur de dos crawlé. Alex était petit pour son âge, et il paraissait incroyablement plus jeune. Ses épaisses boucles rousses et son visage moucheté de tache de son lui donnait un air enfantin qui n'était pas sans lui rappeler celui de Nagisa. Ou de Momo.

Comme si son inconscient désirait plus que tout lui rappeler la vie qu'il avait perdu et laisser derrière lui, Alex n'était pas le seul à ressembler à quelqu'un qu'il avait connu et aimé plus que tout. Il y avait Josh. Un australien un peu plus jeune que lui, à la peau basanée, aux cheveux d'ébène et aux yeux d'un bleu si pâle qu'ils en paraissaient transparents. Nageur de brasse aux épaules incroyablement puissantes, il portait parfois ce petit air absent qui avait, pour Rin, si longtemps été synonyme d'Haru et de cerisier en fleurs.

Bien qu'en quittant le Japon Rin se soit promis de ne plus jamais nager de relai sans Haru, comme pour se punir de ce qu'il avait fait, il avait bien vite failli à sa promesse, quand son coach l'avait gentiment invité à intégrer celle d'Alex, Josh et Peter. Ils ne formaient pas une équipe très soudée. Ils avaient été choisis pour leurs qualités individuelles, et pas pour leur complicité.

Sousuke lui manquait. Le nageur de papillon avait été remplacé par Peter, une espèce de colosse apathique qui devenait une véritable anguille une fois dans l'eau. Le reste du temps, il se contentait de bredouiller des mots incohérents et hésitants, ou, comme à ce moment-là, d'écouter de la musique sans faire attention au monde qui l'entourait. Une attitude qui avait le don d'agacer prodigieusement le japonais.

Il fut sorti de ses pensées par une grand-mère qui lui criait des choses en japonais dans l'oreille, le menaçant de sa canne. Il paniqua un instant en se rendant compte qu'il ne parvenait pas à la comprendre, puis laissa échapper un soupir soulagé quand la mémoire de sa langue maternelle lui revint soudainement.

Il s'excusa à voix basse et s'éloigna, avec la drôle d'impression que rien ne serait plus jamais pareil.

Cela faisait cinq ans qu'il était parti. Et sa mémoire se faisait vieille. Il ne se souvenait plus vraiment de la façon son sa mère et sa sœur secouaient leurs cheveux le matin en se levant, du sourire doux de Makoto, du perfectionnisme qui avait poussé Rei à lui demander de l'aide pour apprendre à nager, ni de la voix de Haru, et de cette adorable façon qu'il avait de rouler les consonnes et de faire durer les voyelles.

À vrai dire, il n'était même pas sûr de pouvoir encore décrire le jeune homme avec précision. Les souvenirs étaient anciens, et ils semblaient lui échapper un peu plus à chaque jour qui passait. Comme s'il essayait de saisir de l'air, Rin ne faisait que brasser les torrents de réminiscences qui lui venaient parfois en tête, sans pouvoir en saisir plus que des impressions. L'odeur du chlore mêlée à celle des cerisiers japonais, une sensation de sécurité près d'une maison dans laquelle il serait désormais incapable de se repérer, une peau d'ivoire dont la teinte s'effaçait peu à peu de son esprit, et un regard bleu à se damner.

Bleu comme le ciel australien. Bleu comme un lac aux contours rocheux. Bleu comme un cerisier en fleur, comme une main tendue, comme une médaille dorée. Bleu comme le passé qu'il n'avait jamais réussi à oublier, et comme un futur incertain. 

Under the WaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant