Chapitre six : monsieur Krabb

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Le cours de monsieur Krabb touchait bientôt à sa fin. Depuis l'incident et l'atercation qu'il y avait eu un jour entre nous, je n'osais plus l'affronter et je restais terrée au fond de la salle de classe. J'essayais de me faire la plus discrète possible, de ne pas attirer l'attention. J'en avais déjà assez fait. Je me sentais coupable de lui avoir parlé ainsi la dernière fois. Il ne le méritait certainement pas. Comment pouvait-il se douter après tout que tout ce qu'il avait appris et enseigné jusqu'à présent était un tissu de mensonges ? Ce n'était pas sa faute. Ce n'était la faute de personne, à vrai dire.

La sonnerie retentit dans le couloir et parvint jusqu'à nous. Je me pressais de rassembler toutes mes affaires pour filer en douce mais notre professeur m'interpela avant que je puisse fuire comme une voleuse. Mes amies me jetèrent un regard. Je leur fis signe de ne pas m'attendre. Je les rejoindrais plus tard. Elles hochèrent la tête d'un même mouvement et s'en allèrent, me laissant seule avec monsieur Krabb. Je redoutais ce qu'il avait à me dire. De quoi voulait-il parler ? J'avais été suffisamment et assez sévèrement punie pour mon manque de respect à son égard. Je devais faire des travaux d'intérêt général trois fois par semaine au lycée. 

-Ly. Comment vas-tu ?

Je m'attendais à tout sauf à ça. Il me demandait comment j'allais ? Etait-ce une blague ? Pour quoi faire ? J'allais répliquer que oui, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes mais il m'en empêcha :

-J'ai appris pour ce jeune garçon, cet Eau. Force est de constater que tu avais raison et que j'avais tort. Nous ne sommes pas seuls. 

La mention de Crédic me déchira. "Ce jeune garçon" avait déserté ma vie depuis si longtemps... Monsieur Krabb était-il en train de me présenter des excuses ? Ca ne tenait pas debout !

-Monsieur... J'ai été impolie. Je n'aurais pas dû. Même si ce que je vous ai dit contenait un fond de vérité, je n'avais pas à m'adresser à vous de cette façon.

Il toussota un moment puis se reprit. 

-Tu me rappelles beaucoup celui que j'étais à ton âge, Ly. Moi aussi, je rêvais d'autres choses que ce qu'on avait à m'offrir. J'avais des envies d'ailleurs. Je comprends ce que tu ressens. Et si tu veux mon avis, je pense qu'Hannah et le directeur se sont montrés trop durs avec toi. 

Sérieusement ?

-Pou...Pourquoi me dîtes-vous tout cela ? M'interrogeai-je à voix haute.

-Parce que je sais ce que ça fait de nourrir d'autres espérances et de les voir déçues. Je tenais à ce que tu le saches.

-Qu'est-ce que...vous pensez des Eaux ? De tout ça ?

-Qu'est-ce que j'en pense ? Je n'en sais rien. Je ne sais plus ce que je suis censé vous apprendre à toi et tes camarades. Tout ce en quoi nous avons toujours cru est en train de partir à la dérive, de s'effilocher. Heureusement, nous sommes très peu à être au courant. Je n'ose imaginer la réaction de notre communauté toute entière si elle connaissait l'existence du peuple du lac.

-Qui est dans la confidence ?

-Toi et ta famille, Hannah lui-même, son confident, tes amis et moi. Tu admettras que ça fait déjà beaucoup de monde. Et j'aimerais, tout comme notre chef, que cela reste ainsi pour le moment. Nous devons garder tout cela secret. Pour l'instant du moins. Le risque d'une révolte n'est pas loin.

-Bien-sûr. M'entendis-je répondre.

-Ly, si je t'ai appelée à mon bureau c'est parce que j'ai quelque chose à te proposer. Au lieu d'accomplir tes travaux d'intérêt général, que dirais-tu de passer ces quelques heures en ma compagnie ? J'aimerais beaucoup en savoir plus sur les Eaux et qui sur cette planète les connaît mieux que toi ?

J'acceptai son offre. 

Plus tard, lorsque je retrouvai les filles, je ne leur confiai pas la discussion que monsieur Krabb et moi venions d'avoir. Je prétextais qu'il voulait encore me réprimander et exiger un devoir supplémentaire. Elles m'ont crue.

Les Frontières : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant