Chapitre deux : coincée

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Hannah se méfiait énormément de moi désormais et désirait contrôler le moindre de mes agissements. C'était sans aucun doute l'une des raisons pour lesquelles il m'avait imposé de retourner vivre, pendant un moment du moins, chez mes parents. Je les avais toujours aimés énormément mais l'atmosphère était pesante à la maison désormais. Ils avaient beau ne plus jamais mentionner ma "bêtise" comme ils l'appelaient, le prénom de Cédric semblait flotter constamment au-dessus de nous. L'air en était imprégné. Mon sang aussi. 

A table, je me contentais de garder les yeux fixés sur mon assiette. J'avais peur de lever le regard vers Tori et de surprendre dans le sien une immense déception. Je savais que lui et ma mère étaient infiniment tristes depuis l'incident avec Hannah. Je m'en voulais de les faire souffrir à ce point. Je m'en voulais presque d'aimer Cédric si fort et d'avoir tant envie de le délivrer. Après tout, c'est vrai ! Si je n'étais pas tombée amoureuse de lui, mon existence serait tellement simple ! Je ne me serais pas mis à dos la quasi-totalité de ma famille et de mes amis. Et je ne risquerais pas le courroux de notre chef.

Oui. Ma passion pour Cédric m'avait mise en péril, avait détruit la confiance que mes proches m'accordaient jusqu'alors et brisé le coeur de mon meilleur ami. Mes sentiments à son égard étaient par trop dévastateurs. J'en étais certaine. Pourtant, comment les réprimer ? Comment m'y soustraire ? Je ne le pouvais pas. Pire : je ne le voulais pas le moins du monde. Cédric avait été ma lumière. Dans ma vie tellement bien rangée, dans mon avenir déjà tout tracé d'avance. Il y avait foutu le bazar. Et je lui en étais infiniment reconnaissante parce que ça avait besoin d'être en bordel. J'avais besoin de me réveiller de cette existence monotome, sans surprise et blafarde que je n'aurais jamais souhaitée.

Le seul point positif à mon retour au domicile familial ? Je pouvais voir plus souvent mon frère. Dans l'épreuve qu'avait constitué mon affront à Hannah et la disparition prématurée de l'homme que j'aimais, il avait été mon pilier. Mon épaule. Et probablement mon seul soutien. Certes, Sho et Sue me parlaient encore, se faisaient du souci pour moi mais je crois que je les ai déçues, elles aussi. Elles ont dû se sentir vexées que je ne leur mentionne pas ma rencontre avec Cédric et ce que je ressentais pour lui. Elle ont dû se sentir délaissées quand je leur ai menti pour Mathias, ai prétendu que notre premier baiser avait été mémorable.Je ne pouvais décemment pas leur en faire le reproche. Je n'avais pas été une bonne amie. J'ai découvert avec amertume qu'on ne peut pas tout être à la fois : une bonne amie et une bonne petite-amie. A l'époque, j'avais fait mon choix et je pense que je referais le même aujourd'hui. Malgré tout. Six mois plus tard, je referais la même chose. Je n'hésiterais pas une minute.

Quant à Mathias, je le haïssais. Il m'avait dénoncée. Il avait livré Cédric aux mains d'Hannah et des gardes qui le souhaitaient mort. Il m'avait trahie. Alors certes, je ne partageais pas ses sentiments mais fallait-il en arriver là ? Certes, je ne m'étais pas toujours montrée honnête envers lui mais je le faisais pour le préserver ! Pour son bien propre ! Et lui, que décidait-il ? De me punir. De la plus odieuse des façons. J'aimerais avoir le courage de le confronter mais je n'ose pas. Je le giflerais en pleine face. Je serais incapable de me retenir ! Si je l'avais juste devant moi, j'aurais envie de lui sauter à la gorge. J'en éprouverais même un certain plaisir. De son côté, il m'évitait toujours aussi soigneusement, comme si rien n'était arrivé. Comme s'il ignorait que ma vie avait volé en éclat. Par sa faute. 

Les Frontières : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant