Il était déjà très tard. Les étoiles brillaient déjà haut dans le ciel, telles un diamant éclaté en mille morceaux. Je ne sais pas comment mais mes pas m'avaient conduite jusqu'à l'abre où vivaient Mathias et sa famille. Il s'agissait d'un superbe pin, impressionnant de hauteur. J'étais comme dans un état second, nauséeuse et confuse. Je me sentais comme ça depuis que j'avais appris que Sue était coupable et que j'avais rejeté la faute injustement sur mon meilleur ami. Ex-meilleur ami, sans doute. D'où je me tenais, je pouvais entr'apercevoir la lumière provenant de sa chambre. Lui en revanche, je ne le voyais pas. Que pouvait-il bien faire à cette heure ? Je devinais cependant le dessin de son ombre longiligne. Il se déplaçait. Je voulais lui parler, là, maintenant, tout de suite. Avant que je ne change d'avis. Avant que ma trouille décide de foutre le camp avec moi. Avant que ce ne soit trop tard. Peut-être que c'était déjà trop tard ? Sûrement.
Pourtant, je devais essayer. C'était le moins que je puisse faire. J'aurais pu grimper jusqu'à lui mais ses parents se seraient peut-être réveillés et fallait-il qu'ils soient informés de ma présence ici ? J'étais la fille qui avait brisé le coeur de leur fils et tous leurs espoirs en prime. Je décidai donc d'employer la manière douce. Je me suis saisi d'une poignée de cailloux qui traînaient par terre et je les ai lancés le plus fort et le plus haut que j'ai pu. Comme je l'espérais, ils ont atteint l'écorce du côté de la chambre de Mathias. Mon bras était puissant pourtant comme il ne semblait pas réagir, je m'emparai d'une deuxième poignée. Juste avant que je ne lève le poing pour les projeter vers lui, Mathias m'apparut. Son visage venait de passer dans la grande ouverture qui lui servait de fenêtre.
- Ly ?
Il avait l'air franchement surpris, décontenancé et même...déçu.
- Qui d'autre ? Tu...attendais quelqu'un d'autre ?
- Non...Non. Qu'est-ce que tu fais ici ?
Il mentait, c'était certain. Je reconnaissais ce regard qui se détourne. Il avait le droit de ne pas être honnête avec moi. Je ne l'avais pas été avec lui. Je récoltais la monnaie de ma pièce. Qu'est-ce que je faisais ici ? Vaste question et comment y répondre ? J'ai dit les seuls mots qui me sont venus.
- J'ai besoin de te parler. Il y a quelque chose que tu dois savoir. Je peux monter ?
Il se détourna un instant, comme pour jeter un oeil à la porte de la pièce. Quand il me présenta de nouveau ses traits, ils étaient tirés par ce que j'identifiais comme de l'anxiété.
- Non. Mes parents pourraient te voir. Laisse. Je vais descendre.
Sans plus de cérémonies, il se faufila à travers l'ouverture si grande qu'il n'eut aucun besoin de plier ses jambes pourtant longues et musclées. Il sauta dans le vide. J'étouffai un cri de stupeur. Il attrapa une branche au passage, de justesse.
- T'es fou ou quoi ? Fais attention ! M'écriai-je.
- Je sais ce que je fais, Ly.
Il arriva enfin jusqu'à moi. Il s'était déplacé à une vitesse folle, comme s'il avait hâte que notre discussion soit achevée. Il avait autre chose à faire, de toute évidence.
- Alors ?
Alors ? Comment commencer ?
- J'ai appris que tu n'as rien fait. J'ai...
- Tu es au courant pour...?
Il n'eut pas besoin de mentionner le prénom de mon amie. D'ailleurs, s'il l'avait fait, j'en aurais été encore plus déchirée et attristée que je ne l'étais déjà. J'ai hoché la tête, les larmes au bord des yeux.
- Je suis...
- Non. C'est moi qui suis désolée, je le coupe. J'ai été...immonde avec toi. Je t'ai blâmé, fustigé, détesté pour quelque chose que tu n'as jamais fait et que tu n'avais jamais eu l'intention de faire. Je me suis conduite d'une odieuse façon. Si tu savais comme je regrette...
Ca y est. C'était parti. Je ne pouvais plus retenir le flot de mes paroles. J'avais fini par trouver les mots et j'en avais tellement à dire à Mathias ! Tellement ! Tant de choses que j'avais gardées pour moi depuis tout ce temps. Tant de choses... Les larmes coulaient sur mes joues à vif et ma voix commençait à trembler mais je tenais bon. Coûte que coûte. Si c'était la dernière fois que j'avais l'occasion de lui parler, s'il ne voulait plus jamais me revoir, s'il me bannissait pour toujours de son existence, alors il fallait qu'il sache.
- ...Pardonne-moi. Je t'en supplie. Pardonne-moi.
Un petit sourire a étiré ses lèvres jusque là pincées. Il a réduit la distance qui nous séparait encore et m'a enlacée. Son étreinte m'a surprise mais elle était chaude, agréable. Elle était tout ce dont je rêvais à cet instant précis. Elle représentait tellement pour lui comme pour moi. Elle reprensétait le pardon, la douceur, l'amitié, l'affection, le manque, le regret... Il me signifiait à travers elle que je comptais encore. Je reniflais bruyamment mais je m'en fichais. Je me suis laissée aller contre son épaule et j'ai pleuré dans son cou brûlant. J'ai pleuré parce que j'étais heureuse. Il a passé ses doigts dans mes cheveux et à un moment, j'ai cru sentir ses lèvres se refermer sur mon crâne.
- Bien sûr. Bien sûr. Murmurait-il à présent contre mon oreille.
Quand il m'a enfin relâchée et quand j'ai enfin accepté de m'écarter de lui, il m'a posé cette question :
- Pourquoi t'as cru que j'avais quelque chose à voir avec tout ça ?
La réponse a fusé :
- Parce que je t'ai blessé. Parce que je le méritais.
Il fit non de la tête et m'emprisonna de nouveau dans ses bras. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi, soudés, enlacés, collés comme à la glue. Je ne pouvais pas le lâcher. Je n'en avais pas l'envie non plus. J'avais failli le perdre. Aujourd'hui, je le retrouvais.
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Les Frontières : Tome 2
FantasyLy ne sait plus du tout où elle en est. Cédric lui a été arraché. Il est retourné dans le domaine des Eaux et est sans doute fait prisonnier. Déterminée à le sauver, elle va tout tenter avec l'aide de ses amies et de Mathias. Ly a cependant bien d'a...