Chapitre quinze : cauchemar

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Hannah s'avança à ma rencontre, son fidèle serviteur sur ses talons. Son haleine me parvint. Une haleine doucereuse, malfaisante. Comme lui. Un sourire machiavélique déformait ses lèvres pleines.

- Admets que tu ne t'attendais pas à ça, très chère Ly. 

- Je ne vois pas du tout où vous voulez en venir, lâchai-je, tremblant comme une feuille.

J'étais attachée à un tronc d'arbre dans la grande salle où Hannah tenait conseil. Je ne pouvais bouger d'un pouce. Mes poignets et mes chevilles étaient ligotés jusqu'au sang. Je trépignais pourtant, je m'agitais. La douleur était lancinante. Je sentais les cordes rèches mordre ma chair et la déchiqueter. Des gouttes rougeâtres s'écoulaient des plaies qu'elles avaient déjà formées.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? M'écriai-je, paniquée.

Hannah s'éloignait déjà de moi et ne prit même pas la peine de se retourner pour me répondre.

- Qu'est-ce que j'attends de toi Ly ? Mais rien. Absolument rien. Vois-tu...Tu n'es pas le centre de notre monde même si tu t'es imaginée l'être. Tu n'es rien. Aujourd'hui, tu n'es qu'une vulgaire spectatrice. Je ne tenais pas à ce que tu rates ce qui va suivre. 

Une fois de plus, j'étais sur le point de lui demander de quoi il était question, à quel spectacle il fallait que j'assiste lorsqu'un cri déchirant perça le silence et mes tympans. Puis des pas. Des bruits de chaînes qui s'entrechoquent. Un glissement. Quelqu'un qu'on traînait jusqu'à moi. Deux gardes firent leur entrée. Ils tiraient quelqu'un à leur suite comme s'il s'agissait d'un vulgaire sac de pommes de terre. Je ne reconnus pas tout de suite le pauvre garçon mais il releva soudain la tête dans ma direction. Une tête maculée de sang, sale, noire, usée et dépitée. A ses traits, on devinait que le jeune homme avait perdu toute forme de foi. Cependant, une lumière prit feu dans ses yeux lorsqu'il rencontra les miens. Il savait qui j'étais. Moi aussi je savais.

- Cédric !

-Ly...

Hannah paraissait ravi, aux anges. Il joignit ses deux mains et les frappa l'une contre l'autre comme pour applaudir. Pour sûr, il se réjouissait de la scène qui se déroulait devant lui.

- Amusant n'est-ce pas ? Le destin. Il vous pousse l'un vers l'autre alors que vos deux existences touchent bientôt à leur fin... Quelle tragédie... J'en verserais presque quelques larmes. Presque.

Il sourit de nouveau et s'approchant de Cédric, il saisit son menton recouvert de crasse entre ses doigts longs et maigres. Ses os saillaient sous la peau tendue. Quant à lui, le visage autrefois si parfait de Cédric était creusé, émacié, criait famine. 

- Un si beau garçon... Quel dommage.

- Qu'allez-vous lui faire ? 

- Tu te poses vraiment la question ? Tu es encore plus idiote que je ne le présumais... Gardes. Faîtes votre travail. Oh et...prenez tout le temps qu'il vous faudra. Nous ne sommes pas pressés.

Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, l'un des hommes qui avaient escorté Cédric dégagea un couteau finement aiguisé de sa ceinture et le posa contre son cou.

- Non ! Non ! Tuez-moi ! Tuez-moi à sa place ! Laissez-le tranquille ! Non ! Suppliai-je au désespoir.

La lame du couteau lui trancha la gorge. Il tomba à terre. Son regard, désormais inexpressif, était toujours pointé sur moi.

- Cédriiiiiiiiiiiiiiiiic ! Non ! 

Je m'éveillai en sueur cette nuit-là. Mes draps étaient trempés. J'avais de la fièvre et la tête me tournait. Mes joues aussi étaient inondées. J'avais dû pousser un cri car mon petit frère apparût à la porte de ma chambre. 

Les Frontières : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant