Les jours passaient et petit à petit, Mathias était devenu mon secret et moi le sien. Tous les soirs ou presque, il me rejoignait clandestinement dans ma chambre. Mes parents et mon frère ne remarquaient rien, même si un soir j'avais eu la peur de ma vie lorsque Tay avait pénétré dans la pièce sans frapper. Par chance, Mathias avait eu le temps de se glisser presque entièrement sous le lit. Seuls ses pieds de géant dépassaient mais heureusement, mon cadet ne s'en aperçut pas. Mon ami et moi nous montrions plus prudents désormais. Si ses parents ne devaient rien découvrir, les miens seraient certainement tout aussi décontenancés s'ils connaissaient l'existence de nos rendez-vous en cachette.
Mathias semblait déterminé à m'aider, ce qui ne cessait de m'étonner. Pourquoi le voulait-il ? Je l'avais fait pleurer, je l'avais blessé au plus profond de son âme et lui persistait à vouloir mon bonheur ? Il était incorrigible. Une nuit, alors qu'il parcourait des yeux mes vieux plans de télescope, je ne pus me retenir :
- Mathias, rentre chez toi.
Il se retourna, tout doucement. Son sang ne fit qu'un tour et ses yeux paraissaient à deux doigts de sortir de leur orbite.
- Excuse-moi ? Tu peux répéter ?
- Je... Il faudrait que tu t'en ailles.
- C'est ce que tu veux ? Que je parte ?
Son ton était calme, posé, délicat comme la rosée du matin. Il n'était pas agressif, pas énervé. Seulement interdit. Etait-ce ce que je désirais ? Qu'il me laisse seule ? Avais-je envie d'être seule ? Non, certainement pas. J'aimais sa présence, j'aimais sa chaleur, sa gentillesse, sa douceur. Je craignais seulement de les aimer un peu trop. Je craignais que ces petites entrevues clandestines finissent par nous être néfastes. Je ne voulais plus lui faire du mal et je sentais que j'en étais encore capable.
- Oui.
- Tu mens.
- Peut-être.
- Pourquoi tu fais ça enfin ?
Je concentre mon regard sur mes doigts que j'entremêle, anxieuse et en proie au doute.
- Parce que c'est dangereux de rester près de moi. Je suis dangereuse pour toutes les personnes qui se trouvent à un rayon de moins de cent kilomètres autour de moi. Tu cours un risque immense en étant mon ami.
- C'est des conneries...
- Ah bon ? Mais regarde ! Regarde Cédric ! Regarde mon père à qui Hannah ne fait plus confiance ! Regarde-toi...
- Je vais bien, Ly. Je vais mieux. Et je préfère loin courir un risque en étant près de toi que courir le risque de ne plus jamais te revoir. Tu entends ?
Il secoua la tête, s'avança à ma rencontre. Nous étions au centre de ma chambre.
- Je ne vais pas partir. Parce que je n'en ai pas envie et toi non plus. Parce que tu as besoin de moi. Parce que je suis prêt à t'aider. Parce que je m'en fiche que tu m'aies brisé le coeur il y a des mois. Ca ne compte pas. D'accord ? Tout est oublié, Ly. Sincèrement.
- T'es sûr ?
- Oui. Alors arrête de me repousser comme ça. Soyons amis d'accord ? C'est ce qu'on fait de mieux toi et moi.
Je lui réponds que c'est une bonne idée. Je renifle et cligne plusieurs fois des yeux afin de chasser les larmes (de quoi, je ne saurais le dire) qui y montaient déjà. Il avait raison. Je ne pouvais continuer à me blâmer sans cesse pour les torts que je lui avais causés. Il fallait que je me promette que je ne le ferais plus jamais. Il fallait que je nous laisse une chance.
- Tiens, pour changer de sujet : c'est quoi ces plans ? Demanda-t-il en désignant de l'index mes croquis éparpillés sur le bureau.
- J'essayais de construire un télescope.
- Pour regarder les étoiles ?
Je fis signe que non.
- La Terre. La planète bleue. Là où il y a...des humains paraît-il.
Je m'attendais à ce qu'il se moque de moi. Pourtant, au lieu de me rire au nez, il semblait fasciné.
- C'est génial, tout bonnement génial !
- Ah bon ? Tu le penses vraiment ?
- Evidemment !
Il avait l'air sincère. Ses grands yeux étaient écarquillés, lui donnant un regard d'enfant émerveillé.
- Tu as dit que tu essayais. Ca veut dire que tu as abandonné ?
- Tu comprends, avec tout ce qui m'est arrivé ces derniers temps...J'ai eu la tête ailleurs.
- Oui, je comprends. C'était un beau projet. Tu devrais le mener à bien.
J'étirai sur mes lèvres un sourire désabusé.
- Tu comptes m'aider avec ça aussi ?
- Si je le peux, oui.
Sa franchise me désarçonnait toujours. Jusqu'à ce que l'aube pointe à la cime de mon arbre, Mathias me parla de sa vie pendant les quelques mois où j'en avais été absente. Je lui parlais des humains, de mon rêve de les apercevoir un jour dans ma future lunette astronomique. Nous évitâmes de parler de Cédric pourtant son souvenir planait autour de nous. Son ombre nous recouvrait presque entièrement. C'était simple : je ne pouvais passer un moment en la compagnie de Mathias sans songer un peu à celui que j'aimais et qui m'avait quittée. Contre son gré, certes, mais qui m'avait quittée. Il avait disparu un beau jour, sans laisser d'adresse. Et moi, je continuais à remuer ciel et terre pour le retrouver. Je continuais à espérer pouvoir revoir les traits de son visage un jour. Je voulais m'accrocher de toutes mes forces à cet espoir. Je voulais croire encore à tout prix qu'il existait encore, quelque part en ce monde. Quelque part en mon monde.
![](https://img.wattpad.com/cover/31602658-288-k365445.jpg)
VOUS LISEZ
Les Frontières : Tome 2
FantasyLy ne sait plus du tout où elle en est. Cédric lui a été arraché. Il est retourné dans le domaine des Eaux et est sans doute fait prisonnier. Déterminée à le sauver, elle va tout tenter avec l'aide de ses amies et de Mathias. Ly a cependant bien d'a...