Chapitre 14 : Dépression

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Je débarque chez Ken avec des beignets chauds et deux cafés, il m'a demandé de passer ce matin parce qu'il devait me parler de quelque chose. Il embrasse mes cheveux en me voyant et me prend ce que j'ai entre les mains pour que j'enlève mes chaussures et ma veste. Ses traits sont tirés.

« Ça va Ken ?
— Euh... Ouais ça va, je suis juste un peu tendu.
— Pourquoi ?
— Ce que j'ai à te dire, c'est délicat et des souvenirs horribles pour moi. »

Je m'assieds à côté de lui et pose ma main sur les siennes. Je lui adresse un sourire pour lui donner de la force.

« Je t'ai promis de ne plus jamais te mentir et de tout te dire. Alors il faut que tu saches quelque chose qui s'est passé il y a quelques années.
— Je t'écoute, prend ton temps.
— Je t'ai déjà parlé d'Eva ?
— Ton ex ? Très rapidement.
— Eva, c'est vraiment la fille la plus géniale, belle et gentille que j'ai rencontrée dans ma vie. J'ai eu un coup de foudre la première fois que je l'ai vu, je me souviens qu'elle portait une robe rouge et qu'elle était super timide au milieu des gars. Elle me lançait des regards discrets qui n'avaient rien à voir avec la façon que les femmes me regardaient d'ordinaire. Quand je la voyais, elle me faisait un effet de fou, je la voulais et après quelques rencards, j'ai vite compris que c'était la femme de ma vie. »

Il fait une pause, pour l'instant j'ai un sourire aux lèvres. Même si je vois qu'en parlant d'elle, il a quelque chose dans les yeux qu'il n'a pas quand il me regarde.

« On est resté ensemble plusieurs années, on s'embrouillait jamais, on voyageait, on s'aimait comme des fous. Mais elle avait des problèmes de famille, elle était dépressive depuis son enfance. Un jour, elle est partie en vacances avec ses parents chez ses grands-parents dans le sud. J'étais contre, ils la traitaient vraiment mal et... et...
— Ken prend ton temps je te dis. Ça va j'ai toute la journée. »

Il marque une pause et me regarde, les yeux embués, il n'hésite pas une seconde pour s'appuyer contre moi. Je le prends dans mes bras et caresse ses cheveux.

« Avant de te raconter la fin de l'histoire, il faut que tu saches quelque chose. Tu te souviens, il y a quelques mois l'autre t'avait un peu montée contre moi et tu m'avais demandé pourquoi j'étais autant là pour toi depuis le début. Pourquoi même si on ne se connaissait pas, je t'avais pris sous mon aile. Je t'avais dit que c'était parce que je t'aimais bien et que je ne voulais pas te voir souffrir. C'est vrai, mais il y a une autre raison.
— Laquelle ?
— Quand je t'ai vu la première fois, j'ai vu dans tes yeux la même lueur triste qu'Eva avait dans les siens. J'ai vu la même tristesse, les mêmes faux sourires sur tes lèvres. Tout chez toi me rappelait à elle, et je ne pouvais pas te laisser. »

Je ne trouve rien à répondre et embrasse simplement ses cheveux.

« Eva... Eva s'est suicidée.
— Oh mon dieu. »

Je me fige, le souffle court. Je ne m'attendais pas à ça, vraiment pas du tout.

« Je suis désolée Ken.
— Je me sens toujours coupable.
— Pourquoi ?
— Parce que si je l'avais empêché de faire ce voyage, elle ne se serait peut-être pas suicidée.
— Non.
— Non ? »

Je me redresse et prends son visage fermement entre mes mains. Je plante mon regard profondément dans ses yeux.

« Non, tu n'aurais rien pu faire. Tu vas écouter attentivement ce que je vais te dire et rentrer ça dans ton crâne. Ce voyage d'une semaine n'a fait que précipiter sa mort. Elle vivait avec ce mal-être depuis qu'elle était enfant, alors si elle n'allait pas bien, si elle est morte, ça n'est pas ta faute Ken. Tu as fait tout ce que tu pouvais pour l'aider. La dépression c'est comme un cancer, ça te ronge de l'intérieur et tu as l'impression que tu n'en sortiras jamais. Mais comme le cancer, certain se font soigner et même s'ils doivent vivre toute leur vie avec, ils vivent. Et d'autre en meurent, parce que la dépression c'est quelque chose de puissant, de malsain et c'est très difficile à lutter contre. Tu n'aurais pas pu la sauver si elle ne voulait pas être sauvée. »

Il hoche la tête, de grosses larmes sortent de ses yeux et mouillent mes mains.

« Et même si j'apprécie que tu me compares à la femme que tu as le plus aimé dans ta vie, je ne suis pas comme elle. Je ne suis pas elle parce que je suis dépressive. Je me soigne, je suis suivi et je n'ai pas envie de mettre fin à mes jours, ça ne m'a jamais traversé l'esprit. Parce que je veux vivre, je veux être guérie, je veux vivre avec toi cette putain d'histoire d'amour, avoir une baraque au bord d'un lac et des bambins qui gueulent dans tous les sens.
— Deux garçons et une fille ?
— Deux garçons et une fille. »

Il sourit et écrase ses lèvres contre les miennes.

« Alors toi aussi, t'es une abrutie qui se prend pour une sauveuse ?
— Je crois qu'on s'est plutôt bien trouvés, souriais-je.
— Merci d'être là Ophélie.
— Ne me remercie pas, c'est normal que ta copine soit là pour toi.
— Alors c'est un oui ?
— Oui, Ken. Un oui catégorique. »

Nous sourions et nous nous embrassons encore et encore à en perdre le souffle, à en avoir les lèvres rougies.

———

nuitdet0ile —> Follow c'est mon compte secondaire, y'a des trucs qui vont arriver bientôt

L'alchimie des âmes w/Nekfeu ||TERMINÉE||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant