Ticket-gagnant (BxB)

Chapitre 8

Lucas

Je cours pour ne pas être en retard à la réunion du jour dans le bureau de mon père. Il me fusille du regard quand je rentre dans la pièce – comprendre par-là que je suis très en retard – et reprend son discours à l'attention des six managers. Je m'installe silencieusement sur un fauteuil de libre et écoute mon paternel.

Cependant, mon esprit s'égare vite dans les souvenirs de la veille. Théo et moi, nous avons passé un moment inoubliable à la plage au point où nous nous sommes considérablement rapprochés. D'ailleurs, je pense qu'on se serait embrassé s'il n'avait pas mis fin à notre petite bulle d'une façon abrupte. Pourtant, ses yeux et son corps m'envoyaient un tout autre message que sa langue.

Plus j'y réfléchi, plus je ne comprends pas pourquoi il a tout arrêté. Nos vacances ne sont malheureusement pas éternelles et si vraiment il doit se passer quelque chose entre nous, ce qui est le cas, on ne peut pas se payer le luxe de faire traîner indéfiniment le flirt.

Après, peut-être qu'il n'est simplement pas intéressé, même si son corps dit le contraire. Si c'est ça, il a qu'à le dire directement et on stoppera notre petit jeu de séduction. Je me frotte les yeux et remets mon attention à la réunion. Je rumine tellement pas que je n'ai plus écouté un seul mot qui s'est dit ces dernières minutes.

― Mesdames et messieurs, notre entrevue est terminée, annonce mon père. Je vous remercie d'avoir pu vous libérer. Vous trouverez un débriefing dans vos boîtes mails d'ici peu.

Tout le monde se lève, tout comme moi. C'est là que Victor élève la voix dans ma direction.

― Lucas, tu restes ici, j'ai à te parler !

Génial, mon paternel va me passer un savon comme si j'avais dix ans. Je me retiens de lever les yeux au plafond et me rassis. Lorsque nous nous retrouvons seuls, il ne fait pas de préambule :

― Je veux que tu arrêtes d'être le retardataire lors de nos réunions. Ce n'est pas digne d'un futur directeur.

Et c'est reparti pour un tour. Jamais je ne reprendrai les rênes du palace. Ce n'est pas pour moi, j'étouffe dans cette ambiance de faux-semblant et de toute façon, ma vie et mes amis sont à New York. Je décide néanmoins d'aller dans son sens, pour avoir la paix.

― Je m'excuse, papa. Je te promets que c'est la cinquième et dernière fois que ça se produit.   

―J'espère bien ! Je te rappelle que normalement, nous devons accueillir les collaborateurs ensemble. On ne t'apprends pas ça dans ton école ?

Absolument pas, mais c'est une toute autre conversation que je n'ai pas envie d'avoir avec lui maintenant puisqu'il est déjà très remonté contre moi.

―Si, si, évidemment, mentis-je. Mais bon, tu sais qu'il y a un gouffre entre ce qu'on nous apprend dans une classe et la réalité du terrain.

― C'est une évidence, fils. Je disais ça pour te faire comprendre que quand on est dans l'équipe des meneurs, on doit toujours avoir un mètre d'avance. C'est comme ça que le monde fonctionne, tu comprends ça ? 

Parfois il me prend soit pour un demeuré, soit pour un gamin. Là, je suppose qu'il me considère comme un enfant qui n'a pas retenu la leçon. Ma mère fait ça aussi, mais beaucoup plus rarement que lui. Je présume que ça fait partie du rôle de tout parent, en plus de s'inquiéter constamment pour leur gosse et les disputer quand ils font des bêtises.

―Oui, papa.

Je consulte ma montre et écarquille les yeux en voyant l'heure. J'ai un couple qui doivent s'en aller d'ici dix minutes. Pour une fois que des clients me sauvent d'une énième discussion à sens unique avec mon père, je vais pas m'en plaindre.